Sécurité sociale : ça y est, l’État français installe des miradors

C’est bien joli de s’élever bruyamment contre les cotisations salariales ou patronales ; c’est bien mignon de rouspéter contre les impôts ; c’est gentil tout plein de s’imaginer que l’herbe est plus verte ailleurs, d’aller y voir et de se rendre compte qu’en effet, l’herbe est bien plus verte. Avec tout ça, l’État français commence à trouver la soupe amère et l’avenir moins rose, malgré ses doses toujours plus massives de socialisme. Ça ne va pas, alors il siffle la fin de la récré.

On ne saura pas, du reste, si le mouvement d’humeur, en direction presqu’exclusive de la Suisse, aura été déclenché par l’information récente relative à des essais militaires helvètes : les impétrants auraient ainsi campé une France surendettée et guerrière partie à l’assaut de la Confédération pour lui faire rendre gorge et surtout, lui faire rembourser l’argent que le petit pays neutre lui aurait soi-disant piqué ; en gros, ce dernier exercice se projetait dans une Europe décimée par une longue dépression et dans laquelle «Saônia», état ruiné situé dans l’actuel Jura français, accusait la Suisse d’être responsable de son déclin jusqu’à la menacer d’envahissement si la Suisse n’épongeait pas la dette saônienne. Toute ressemblance avec des faits existants ou à venir est purement blablabla…

 

Intéressant scénario qui dépeint une France ruinée et percluse de dette ; on comprend qu’une aussi invraisemblable histoire n’ait pu que faire glousser les citoyens français, à commencer par ceux de l’Inspection Générale des Affaires Sociales qui auront donc conservé tout leur sang-froid, mais — faut pas pousser quand même — en auront profité pour pondre un rapport bien poivré.

Dans ce dernier, ils rappelent au bon souvenir de l’État cette dérogation si spéciale permettant aux travailleurs frontaliers de cotiser à l’assurance maladie de leur choix : la CMU française (yeah, baby, yeah), le système suisse (LAMal) ou une assurance privée (oh que c’est cracra, que c’est vilain, que c’est turbo-libéral donc méprisable). Pour résumer le rapport en quelques mots, l’idée est donc de remettre en cause cette dérogation dont ils bénéficient et de faire revenir ces frontaliers dans le giron de la Sécurité Sociale française, si bonne, si généreuse, et si aimante.

Bien évidemment, ce qui tient lieu de gouvernement en France actuellement, s’emparant de ce rapport remis le 23 septembre dernier, a décidé de ne surtout pas prolonger ce dispositif dérogatoire qui doit prendre fin le 1er juin 2014. En effet, le Ministère de l’Économie, bien plus habile pour les petits calculs que pour faire des économies, a compris toute la substantifique moelle qu’il peut tirer de cette manœuvre : correctement empêchés de continuer à bénéficier d’une assurance privée, les frontaliers devront rejoindre le système national ; ces heureux salariés, frétillant de bonheur à l’idée de retrouver cette couverture sociale que le monde entier nous envie, devront s’acquitter d’une cotisation prélevée sur leur revenu fiscal de référence au taux de 6% pendant un an, puis (parce que ce serait trop simple de s’arrêter là), à compter du 1er juin 2015, de 8%.

N’hésitant pas à jouer de cet air de flutiau que les non-frontaliers connaissent maintenant assez bien, le ministère a assuré, dans un souffle aux lourdes odeurs alcooliques :

« La première année, un frontalier sur deux verra sa cotisation stagner, voire diminuer. Et les autres retrouveront l’affection, le retour de l’être aimé et nous redresserons leurs zizis mous. »

(Citation de mémoire, vous m’excuserez, j’ai du noter très vite, c’est un peu l’avalanche de nouvelles actuellement…)

On se demande pourquoi Bercy n’a pas fait ça plus tôt et pourquoi ces imbéciles de frontaliers s’obstinaient jusqu’à présent à cotiser à des assurances privées alors qu’une fois repris en main par Bercy, leurs cotisations vont « stagner voire diminuer« . Décidément, le foutage de gueule heu la propagande les explications de Bercy sont excitantes. Bien qu’incomplètes. On se doute en effet que l’autre raison de faire ainsi sauter cette dérogation réside dans l’autre petit calcul que le Ministère a fait, là encore sur l’un de ces post-its proverbiaux où, vraisemblablement à en juger par les performances moyennes de l’institution, l’ensemble des budgets des 40 dernières années a été réalisé, vite fait.

Et ce petit calcul montre que cette décision, qui fera l’objet d’un décret aussi lisible que d’habitude, devrait rapporter 100 millions d’euros à la Sécurité sociale la première année, puis 150 millions dès que le taux sera portée à 8% et après ce sera le bonheur sucré d’une rente assurée. C’est une évidence. D’ailleurs, chaque nouvelle ponction, chaque nouvelle taxation récente démontre à l’envi que ce qui est planifié se passe comme prévu et que les rentrées d’argent frais se gaussent lolesquement de la courbe de Laffer, et prout.

Pour faire passer la pilule, Bercy nous explique cependant le pourquoi de l’opération :

« Ce régime pesait sur les comptes de la Sécu. Et juridiquement, cette dérogation ne pouvait pas être prolongée. »

Et pourquoi donc ce régime pesait-il sur les comptes de la Sécu ? Eh bien parce que, parce que, parce que Bercy le dit, tiens pardi. En effet, selon toute logique, les gens qui bénéficient d’assurances privées sont sortis du système. Ce sont donc des flux financiers qui intéressent ces gens et ces assurances, mais pas la Sécu. De son point de vue, c’est un peu comme si ces gens n’existaient plus ou, plus morbidement, s’ils étaient décédés. Jusqu’à preuve du contraire, un mort non plus ne rapporte rien à la Sécu, mais il ne vient pas à l’idée de Bercy d’utiliser cet argument pour les faire cotiser histoire de compenser le système bancal qui semble montrer des signes de fatigue. Pire, il ne vient surtout pas à l’idée ni des rapporteurs ni de Bercy que si des assurances privées s’en sortent aussi bien pour assurer leurs clients, peut-être faudrait-il étendre ce systèmes aux non-frontaliers et débarrasser ainsi l’État de l’épineux problème de Sécu qu’il trimballe comme une gangrène depuis des décennies (et qui va finir par avoir sa peau, assurément).

La réalité est évidente : les andouilles qui ont pris ces décisions, outre le fait qu’ils ont grossièrement surestimé les rentrées de cotisation correspondantes et vont au-devant d’une amère déception et d’une déconfiture méritée, ont essentiellement raisonné comme à l’habitude, voyant dans ces moutontribuables qui ne rapportaient rien de juteuses opportunités qu’il fallait concrétiser d’une façon ou d’une autre, et ce de façon d’autant plus pressante que les fonds sociaux affichent une mauvaise santé insolente.

Et l’autre réalité évidente que ces andouilles n’ont pas comprise est que l’annulation de cette dérogation va indubitablement entraîner … un nouveau mouvement de grogne. Ce qui tombe très bien : actuellement, grâce aux bonnes œuvres de Hollande, le pays est trop calme et risque de s’enfoncer dans une soporifique torpeur de pays apaisé ; rien de tel que quelques ronchons pour le réveiller, comme par exemple ceux du collectif “Frontaliers ou bien ?”, qui réunit plus de 50 000 frontaliers franco-suisses, et qui se déclare outré et note au passage que les « économies » réalisées sur le dos de ces individus risquent d’être un peu maigres :

“Ce rapport est inacceptable. Il fait des frontaliers des boucs émissaires, comme si ceux-ci pouvaient à eux seuls combler les déficits accumulés de l’assurance maladie.”

Bah, tout ceci est sans importance : les frontaliers, comme les autres, vont devoir revenir bien vite aux guichets de l’Etat. Il va falloir payer, mes enfants. Jusqu’au dernier centimes. Et ne comptez pas fuir : les miradors fiscaux sont en place. Les mitrailleuses à taxes sont positionnées. Le Stalag Fiscal « France » est prêt.

> h16 anime le blog hashtable. Il est l’auteur de Égalité taxes bisous.

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22 Comments

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  • Bernard , 3 octobre 2013 @ 13 h 49 min

    VOS PROPOS confirment que la SECU est un Monopole d’ETAT, comme je le dis
    Mais votre statut, ” envié ” par certains, est une arnaque monumentale, que j’ai bien compris dès qu’il fut proposé ! On n’est plus au chômage mais ” arnaqué ” en réalité
    Vous démontrez, avec justesse, que l’Etat ne nous lâche plus, toute notre vie….

    COMMENT voulez vous que des politiques, qui ne savent pas travailler, n’ayant jamais mis leurs pieds dans une entreprise, puissent gérer un pays ! Ils sont si NULS qu’ils se versent de GROS Revenus pour s’éviter d’être en ” cessation de paiement ” ! COOL ces mecs ?
    Mais ils veulent nous ” diriger ” et ” nous faire la morale ” !

    DIRIGER un pays , comme ils le font, on comprend qu’ils sortent de l’E.N.A !

  • Dany , 3 octobre 2013 @ 14 h 30 min

    Quellques moutons ce sont perdu de vue….alors tout est fait pour les ramener auprès du bérger…

    Oui je travaille en suisse, oui j’ai un salaire correcte….oui je paye toujours plus d’impot….soit 2.5 fois plus en 5 ans….(ce qui n’est pas le cas d’augmentation du salaire)….oui vive 2013 avec 32% en plus dû aux nouvelles charges malgré les 2.5 fois….et hop vive 2014 avec 6% et encore mieu 2015 avec 8%…..

    Et bien je dit stop……j’ai toujour payer mes impot en france car j’y vis…et respecte le pays mais s’en est de trôp….

    Donc je prend mes 12800€ d’impots et vais les remttre à leur place légitime…..la Suisse….qui au final me reviendra à 9890€…..donc tout a y gagner….et surtout les courses en Allemagne qui est moins cher que la france ….. :)

    L’état français en veut toujour plus….ben maintenant n’aura plus rien….je ne financerais plus les bonnet de Bercy qui adore avoir leurs chauffeurs privé, prime de chauffage de 1500 euros et vive le caviar noir à 1.5M en dîner…..alors que d’autres n’ont pas de quoi se loger…..

    En france sa toujour étéainsi…… l’état impose….tout le monde serre les fesse et accèpte…
    Navré….je ne marche pas ainsi !

  • jeff , 3 octobre 2013 @ 15 h 27 min

    Il me semble que c’est contraire à la loi européenne ! Meme si l’Etat ne fait pas étalage de cette possibilité et freine toute personne qui veut sortir de la gabegie…

  • Bernard , 3 octobre 2013 @ 17 h 20 min

    OUI, je l’ai écrit ….
    et ainsi la France paie une amende à l’UE pour non respect de la Loi anti-monopole
    Mais nous avons une Sécurité Sociale que ” le monde nous envie ” !!!!
    Faut il être C.. pour croire encore à ces balivernes de nos politiques UMPS
    Il va falloir leur dire ” DEHORS, les charlots escrocs ! “

  • Marius , 3 octobre 2013 @ 19 h 06 min

    J’attends toujours de voir la droite française proposer l’ouverture à la concurrence de la Sécu et la retraite par capitalisation. Mais faut croire que notre droite est sovietisée.

  • le dernier frontalier , 4 octobre 2013 @ 0 h 19 min

    Durant les dernières années de sa triste existence, la RDA forçait les quelques visiteurs de la RFA qui s’y égaraient à changer encore des devises. Ainsi, l’état hexagonal veut maintenant extorquer aux quelques frontaliers qui y retournent chaque nuit pour dormir encore 8% de plus.

    Chasser les derniers gens qui apportaient encore de l’argent, tuer les vaches à lait, témoigne du dégrée de désespoir du système socialiste. 100% lucide que de toute façon il ne sera plus jamais réélu, le PS joue maintenant à fond la carte de la terre brûlée. L’histoire les jugera.

  • Bernard , 4 octobre 2013 @ 9 h 04 min

    FAUX, vous êtes dans une illusion totale, conditionné par l’UMPS !
    L’avez vous quitté pour autant ?
    Sarko , si c’était le cas, était prêt à imposer sur ce marché, son frère !
    Les Cies d’Assurance seraient déjà installées…..
    Alors apportez nous des éléments concrets, car vous avez désamorcé une ” BOMBE ” !
    Celle ci n’est pourtant pas encore prête !!!

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