Assez de censure ! Halte à l’interdit ! Marre des autodafés !

Tribune libre de Karl Baïkal* pour Nouvelles de France

J’apprends que suite à sa couverture “Charia hebdo”, soulignant avec toute l’ironie de circonstance l’imposition PRÉALABLE à toute consultation de la Charia en Libye, Charlie Hebdo a été l’objet d’une attaque, d’un incendie criminel.

Je ne suis pas un lecteur de Charlie Hebdo, pas même lorsqu’il semble faire un virage “néoconservateur”, mettant discrètement “sa veine antireligieuse” au service d’une logique anti-islamique, un peu à la manière, quoiqu’il s’en défende, de Riposte Laïque, devenue par l’entremise des Identitaire, un véritable “satellite” du Front national, tout cela merveilleusement radiographié par Jérôme Leroy dans son dernier roman, Le Bloc.

Je ne suis pas un lecteur de Charlie Hebdo, parce qu’il évolue, depuis ses origines et malgré ses changements de cap parfaitement identifiés par Pierre Carles, dans une veine voltairienne-libertaire qui ne me sied guère. 

En effet, dans les suite de 68, suite au travail de dissolution impulsé par la gauche Mao, marcusienne, désirante, mais aussi d’anars’ et de libertaires, on a vu s’imposer le “il est interdit d’interdire” et tous les tabous étaient remis en questions : “la sexualité des enfants”, on se souvient du magistère exercé par Cohn-Bendit lors d’un Apostrophe qui laissait les représentants de Droite sur le plateau sans voix, validant leur caractère “ringard” et “coincé”… Avant l’affaire Dutroux il était de bon ton, progressiste, de prendre la défense des pédocriminels…

Autre “tabou” qu’il s’agissait d’abattre dans les milieux révolutionnaires : les “dogmes historiques”, tel que les chambres à gaz homicides. Un autre Cohn-Bendit, Gaby, en sera cette fois l’avocat.

C’est dans l’extrême-gauche libertaire et antiautoritaire, dans les milieux critiques du stalinisme et de tous les néo-léninismes, trostkistes ou mao que prospérait le négationnisme. Charlie s’en faisait alors l’écho, parfois même en Une. Normal, il était un peu de “la famille”.

Je n’ai jamais goûté les caricatures de Charlie, surtout contre les Papes, en particulier Jean-Paul II, toujours vulgaires, brutales, rarement drôles… Et lorsqu’il m’est arrivé de rire de tel ou tel dessin politique, je dois reconnaître, que n’étant pas exempt d’une certaine vulgarité, cela ne faisait que confirmer mon jugement assez négatif sur ce journal que je trouve dispensable… Si Charlie devait disparaître demain je m’en féliciterais, je dois dire.

Etant un authentique paléoconservateur français, je n’ai jamais été convaincu de la valeur in abstracto de la liberté, encore moins de la liberté d’expression, qui en démocratie de marché vous donne surtout le droit de “causer toujours”.

Je ne crois pas du tout à la valeur “sacrée” des libertés “formelles”, qui sont trop souvent le droit de dire et faire n’importe quoi. Lorsque j’entends ce mot de liberté, je pense immédiatement à Bernanos et me demande “pour quoi faire ?”.

On verra ici la distance qui me sépare de Charlie Hebdo.

Je n’aime pas Charlie hebdo.

Je ne goûte ni les sources révolutionnaire à la Père Duchêne de Charlie Hebdo, ni ses “apports” aux doits humains des piteuses années soixante-dix, ni son virage “néocon” anti-muzz…

Je n’ai pas aimé sa republication des caricatures de Mahomet. Je ne souhaite à personne le mal “que l’on nous a fait” lors de leurs nombreuses caricatures antichrétiennes. Je ne suis pourtant pas exactement un “ami de l’islam”.

Bref, je n’aime pas Charlie hebdo.

Mais enfin, laissera-t-on un organe de presse, fût-il le pire de France, être incendié ?

Sans hésitation, je réponds “non” !

Point parce que je voudrais conserver le droit de critiquer les musulmans… Comme disait le Vieux de Martigues, les libertés ne s’octroient pas elles se prennent… Ils sont d’ailleurs notre meilleur argument…

Point non plus parce qu’il s’agirait de faire “front” contre “l’islamisation” qui existe surtout dans la tête de Philippe Vardon

Pour une seule raison.

Pour préserver et contribuer à restaurer le débat, la dispute même, mais dans la liberté.

La liberté fleurit tout de même mieux en l’absence de procès, d’amendes, de menaces sur leur vie ou leur survie économique… que dire lors des attentats incendiaires ?

Alors et sans les confondre, ni les amalgamer je voudrait dire à ceux de “chez nous”, mes frères dans la Foi, de ne pas adopter la logique, je ne parle pas des pratiques – je ne leur ferais pas cet affront car je sais très bien qu’on est à milles lieues de cela.

Je reviens à ma logique. N’adoptez JAMAIS la logique de l’interdiction : témoignez, protestez, demandez des comptes sur les subventions des uns et des autres, indignez-vous, soyez bêtes même – vous en avez le Droit, ne soyez pas d’accord avec moi, avec Guillebon, avec Boutin, avec “23”, avec Rome même si ca chante à ceux d’entre vous qui seraient “sédévacs”, mais de grâce soyez rusés, créatifs, innovants… De grâce, finissez-en avec la logique de l’interdiction. Ne serait-ce que parce qu’on ne peux pas demander la liberté de culte pour les Coptes et être dans la logique de l’interdiction chez nous. On peut empêcher beaucoup, proposer encore plus à condition d’exister, mais bien sûr, cela ne s’improvise pas, cela demande du boulot… En amont.

Il y en a assez des logiques d’interdiction, de refus du débat de l’Etat qui écrase la dissension par des charges de gardes mobiles, des attentats contre le débat que ce soit dans l’ordre législatif ou par des actes de vandalisme qui pourraient bien, si nous n’y prenons garde, être les prodromes d’une guerre civile larvée qui a déjà commencée ici et là… Attention à ne pas entrer dans des stratégies de notoriété – ou plus grave – dans des stratégies de la tension qui profitent toujours aux oligarchies. Elles savent comment on gouverne par le chaos.

Alors soyons radicaux (allons à la racine) sans être extrémistes, soyons courtois, décents et toujours dans une quête émancipatrice – des tutelles comme des erreurs – et approfondissons le goût de l’époque pour la liberté, en éduquant à la vraie liberté, celle que nous avons apprise de l’Evangile. Pas en demandant des censures, des interdits, ou en pratiquants des autodafés demain, qui sait. On est pas des muzlim b@%)+l !

*Karl Baïkal est journaliste

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1 Comment

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  • Manu G. , 2 novembre 2011 @ 17 h 36 min

    Merci Karl pour votre tribune très bien écrite et si judicieuse ! Que vos sages conseils trouvent bon écho chez nous, les catholiques…

    J’émettrai toutefois deux réserves :

    – pourquoi accuser Charlie Hebdo d’avoir fait un ‘virage néo-con’ sous prétexte qu’il passe maintenant l’islam (très rarement cela dit !) à la moulinette, alors qu’il l’a si souvent fait pour le christianisme, comme d’ailleurs vous le faites remarquer ? S’il ne le faisait pas, ne l’accuserions-nous pas de traitement inégal quant aux religions, de réserver ses critiques voire sa haine exclusivement pour la Foi chrétienne, et en y voyant aussi pourquoi pas de la lâcheté vis à vis d’islamistes menaçants ?

    S’il commence à cibler l’islam c’est parce que sa ligne éditoriale a toujours été libre-penseuse, qu’elle a toujours consisté à critiquer la Religion. Et aussi parce que, jusqu’à une période relativement récente (une dizaine d’années), l’islam se faisait plutôt discret en France, ce qui n’est plus du tout le cas…

    – Quant à la prétendue absence d’islamisation, vous naviguez en plein déni mon cher ! Une enquête scientifique récente publiée dans Le Monde, journal pourtant islamophile, vous contredit parfaitement !

    Bravo donc à Charlie Hebdo pour avoir fait preuve de cohérence et de courage en publiant un ‘spécial Charia et Mahomet’, même si comme vous, je suis à mille lieues de leurs idées…

    Je ne résiste pas à citer la partie finale de votre texte qui résume bien le défi idéologique actuel :
    “…approfondissons le goût de l’époque pour la liberté, en éduquant à la vraie liberté, celle que nous avons apprise de l’Evangile. Pas en demandant des censures, des interdits, ou en pratiquants des autodafés demain, qui sait.”
    Merci

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