Le soleil de gloire d’Austerlitz, sommet de l’épopée militaire de la France

« Soldats, je suis content de vous, s’exclame l’Empereur en ce 12 Frimaire an XIV (3 décembre 1805, lendemain de la grande bataille). Vous avez, à la journée d’Austerlitz, justifié tout ce que j’attendais de votre intrépidité ; vous avez décoré vos aigles d’une immortelle gloire. Une armée de 100 000 hommes, commandée par les empereurs de Russie et d’Autriche, a été, en moins de quatre heures, ou coupée ou dispersée. Ce qui a échappé à votre fer s’est noyé dans les lacs. Quarante drapeaux, les étendards de la garde impériale de Russie, cent vingt pièces de canon, vingt généraux, plus de 30 000 prisonniers, sont le résultat de cette journée à jamais célèbre. Cette infanterie tant vantée, et en nombre supérieur, n’a pu résister à votre choc, et désormais vous n’avez plus de rivaux à redouter. Ainsi, en deux mois, cette Troisième Coalition a été vaincue et dissoute. La paix ne peut plus être éloignée ; mais, comme je l’ai promis à mon peuple avant de passer le Rhin, je ne ferai qu’une paix qui nous donne des garanties et assure des récompenses à nos alliés.

« …Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre patrie sera accompli, je vous ramènerai en France; là, vous serez l’objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire, “J’étais à la bataille d’Austerlitz”, pour que l’on réponde, “Voilà un brave” ».

Une légende est née. Elle sera à jamais gravée dans l’inconscient collectif d’un peuple et immortalisée par ses poètes. L’un d’entre eux, Auguste Barbier, chante en ces termes la grandeur de l’épopée napoléonienne :

« Ô Corse à cheveux plats ! Que ta France était belle

Au grand soleil de messidor

C’était une cavale indomptable et rebelle,

Sans frein d’acier ni rênes d’or ;

Une jument sauvage à la croupe rustique,

Fumante encor du sang des rois,

Mais fière, et d’un pied fort heurtant le sol antique,

Libre pour la première fois….

Sur ses jarrets, dressée, elle effrayait le monde

Du bruit de son hennissement.

Tu parus, et sitôt que tu vis son allure,

Ses reins si souples et dispos,

Dompteur audacieux tu pris sa chevelure,

Tu montas, botté, sur son dos » !

Légende d’un génie qui culbuta l’Europe, d’un homme qui, passant à toute bride sur le ventre des nations, imposa sa volonté à des peuples que mille ans d’histoire n’avaient pu transformer !

Il transforma la carte de l’Europe, supprima le Saint Empire Romain Germanique, vieux de mille ans, dessina une France qui, des Bouches de l’Elbe aux Bouches du Rhône, totalisa 130 départements à son apogée en 1811, plaça ses frères et son gendre sur les trônes de Westphalie, de Hollande, de Naples et d’Espagne, prétendit libérer les peuples en leur imposant le code civil et le joug de la Grande Armée et répandit par-delà les frontières l’idéal révolutionnaire qui se retournera ensuite contre la mère-patrie.

Il ne s’agit donc pas ici de faire l’apologie de Napoléon ! Les guerres de la Révolution et de l’Empire provoquèrent une saignée démographique sans précédent et la France s’en trouva, à l’issue, diminuée dans ses frontières et victime d’un jacobinisme institutionnel dont elle peine encore, aujourd’hui, à se départir, malgré les lois successives de décentralisation.

Enfin, l’émancipation des peuples prêchée par Napoléon réveilla un sentiment national qui trouvera sa pleine expression, un demi-siècle plus tard, dans les mouvements d’unité nationale qui embraseront la plupart des pays du continent, en particulier l’Allemagne, pour le plus grand péril de l’Europe.

Mais, rien ne saurait effacer la gloire immortelle d’Austerlitz. Bessières, Davout, Soult, Berthier, Lannes, Caffarelli, Duroc, Bernadotte, Murat, leurs noms résonnaient encore il y a peu, dans l’imaginaire des écoliers, quand on leur apprenait l’histoire de France au lieu de leur enseigner la théorie du Genre ! On éveillait en eux les rêves les plus fous, on élargissait d’un seul coup l’horizon de leurs pensées aux confins de l’Egypte où « du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent », jusqu’aux rivages de la Bérézina où la gloire de la Grande armée se brisa dans une retraite héroïque récemment retracée par Sylvain Tesson. On leur permettait enfin de s’identifier à des généraux de 25 ans dont la geste serait ensuite chantée en chœur par tous les grands esprits littéraires que le XIXème siècle romantique fit éclore.

On comprend dès lors que le poète Pierre-Jean de Béranger ait voulu qu’à chaque génération, un éclat de la gloire d’Austerlitz soit transmis aux héritiers : « Parlez-nous de lui, grand-mère, – Parlez-nous de lui ! »

Car dans une époque morose où le matérialisme gangrène les esprits, où la société de consommation annihile la volonté et où l’esprit de chicane limite les ambitions humaines à la seule recherche du confort personnel, il est beau de célébrer le service des nobles causes. Je fais mienne la dernière prière de Vladimir Volkoff qui, avant de quitter ce monde, s’exprimait ainsi à la Pucelle de Domrémy : « Sainte Jeanne, donnez-nous une aventure. Une grande et noble aventure. Une aventure à la mesure de la France, comme celle que vous nous aviez donnée à l’époque de la guerre d’Algérie et que nous n’avons pas su apprécier. Faites que nous courions des dangers, que la vie devienne exaltante et dure, que nous oubliions nos comptes en banque, nos livrets de caisse d’épargne, nos chaînes hi-fi, nos vacances, notre bougeotte, nos coucheries, nos barbituriques, nos prud’hommes, nos normes européennes, notre traintrain plan-plan, et revenez alors, revenez sainte Jeanne, brandir votre étendard et vous mettre à la tête de ceux qui vous suivront ».

Austerlitz est le symbole le plus éclatant de cette épopée que les élèves de l’école militaire de saint-Cyr Coëtquidan commémorent chaque année le 2 décembre. À l’heure où de jeunes Français déracinés et en mal d’idéal, s’engagent dans le combat djihadiste de DAECH, il est temps de redonner corps à des rêves qui s’inscrivent dans notre roman national et de perpétuer la mémoire de ceux qui, par le sang versé, ont construit l’identité de notre nation, fût-ce au nom d’un idéal démesuré, qui, comme celui de la Révolution, ensanglanta l’Europe pendant plus d’un siècle. Ainsi, nous réconcilierons les Français avec leur histoire et les enracinerons dans notre civilisation.

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19 Comments

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  • Charles , 3 décembre 2014 @ 11 h 12 min

    Felipe:
    Un grand merci pour cette citation de Bainville de 1912.
    La formule de Bainville sur cette famille est sans appel.

    Sauf pour Napoléon III qui a sauvé leur honneur.
    celui ci s’est, hélas,laissé piéger par une conjonction des frères.

  • BleuBlancRoi , 3 décembre 2014 @ 12 h 22 min

    General en bombardant Lyon, chef militaire des armes données par le royaume, conquérant dictateur “aux cent-mille hommes de rente” qu il n’hesite pas a envoyer au massacre, il me parait difficile d’admirer l’oeuvre de napoléon au dela du champs de bataille, sans oublier que le seul a faire eut ete en Angleterre et qu’il n’y alla pas.
    Il laissa une situation catastrophique en 15 ans de pouvoir, avec de tres lourdes consequences pour le futur de l’Europe.
    Plus un apprenti-sorcier qu’un modele de gouvernement.
    Son merite? Avoir etouffe les fanatiques revolutionnaires pour les controler, apportant un peu de repis aux français exangues.
    Son neveu Louis-Napoleon ( un double patronage) a une politique plus interessante, mais comme tous les empires, a fini ds l’occupation.

  • BleuBlancRoi , 3 décembre 2014 @ 12 h 34 min

    Au dela des remarques sur les Empires, il est très juste que nos concitoyens étouffent sous le matérialisme ras les pâquerettes de ce régime, et que certains aillent chercher ailleurs dans un engagement fort un peu de l’absolu qui élève est une réalité. L’impasse ideologique de ce regime etroit n’offre aucune sortie a ceux qui aspirent à des dessins plus élevés que les lignes de leur correspondance a accusés de réception.
    Nous nous noyons ds le court termisme d’un regime frileux sans transcendance,
    L’homme a besoin de grandeur, et sans doute les Français en ont ils un besoin plus aigu encore: ils y ont gouté pendant tellement de siecles.

  • borphi , 3 décembre 2014 @ 19 h 18 min

    Napoléon est le mal-aimé du XXème siècle !

    Pourtant il a remis l’administration Française debout après les déboires de la révolution .
    Les guerres Napoléonienne n’ont-elles pas été la continuité des guerres révolutionnaires?

    Zemmour dans son livre “Le Suicide Français” consacre tout un chapitre à Napoléon et à la mémoire qu’entretiennent nos élites sur cette période faste et néfaste pour la France.
    Preuve que les Français ont du mal avec ceux qui ont forgé leur Nation.

    Pour autant Napoléon restera avec De Gaulle un des grands qui ont fait la France moderne!

  • Majox , 3 décembre 2014 @ 22 h 05 min

    Tout à fait d’accord avec vous.

  • Chilbaric , 4 décembre 2014 @ 1 h 00 min

    Le rejeton du maurre de Sarzanne qui va piller l’europe, tu parles d’une gloire militaire “de la france”

    http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_haplogroups_of_notable_people#Napoleon

    Transformer les Germains en hystériques définitifs, tu parles d’une “gloire de la france”

    Saigner le plus nombreux peuple d’europe (le notre), tu parles d’une “gloire de la france”

    Faire de Paris une colonie des juifs de Cologne, tu parles d’une “gloire de la france”

    Napoléon, c’est la gloire de l’Afrance, oui ….

  • Chilbaric , 4 décembre 2014 @ 1 h 10 min

    Le grand exorcisme de la France consisterait, entre autres, à rendre solennellement les divines cendres de Napoléon Bonaparte, de son fils (et de son demi-neveu) à Ajaccio ….

    Que fait-ce type sous le dôme doré des invalides, que Louis XIV a fait construire pour la retraite de ses soldats ?

    Pourquoi lui, le grand roi, dont les restes sont réduits en bouillie dans l’ossuaire de Saint-Denis avec tous les rois depuis Dagobert, tandis que ce type qui a défait la France comme jamais trône au milieu de Paris ! ?

    Pourquoi ceux qui ont fait la France sont à la fosse commune et ceux qui la défont ainsi honorés ?

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