Cachez ce peuple que je ne saurais voir

Tribune libre de Christian Vanneste*

Peut-être faudrait-il « dissoudre le peuple » écrivait Brecht avec un humour glacial et désabusé. C’est exactement ce que fait le gouvernement socialiste, mais, hélas, il n’est pas le seul. Il y a 9 mois, les Français ont accordé tous les pouvoirs au Parti socialiste qui règne maintenant sur une majorité de grandes villes et de départements, sur la quasi-totalité des régions, sur le Sénat, sur l’Assemblée nationale et bien sûr à l’Élysée. Il place ses pions partout, sans la moindre ouverture, contrairement à Sarkozy grâce auquel une partie des postes à la Cour des Comptes ou au Conseil Constitutionnel était déjà occupée par la gauche. Cette décision n’était pas seulement tactique, elle témoignait du vide intellectuel de l’UMP, et de son sentiment d’infériorité idéologique devant la gauche. La présence très médiatisée, dans des partis qui quémandent les voix d’électeurs de droite de NKM ou Bachelot, et de bien d’autres exprime depuis longtemps cette imposture. Mais le monde médiatico-politique vit entre soi, avec la corvée périodique des campagnes électorales pendant lesquelles tous les boniments sont permis pour enchanter l’avenir et hypnotiser les électeurs. Après, chacun regagne le palais, l’hôtel de région, ou la mairie pour continuer sa petite carrière parsemée de protections et de privilèges, à condition bien sûr d’obéir au parti et à ceux qui le dirigent ou vont le diriger grâce à eux. Quand le scrutin est proportionnel, c’est encore plus « sympa ». L’électeur et l’élu, ne se connaissent pas. Il va voter pour une étiquette et pour une liste, et il suffira de courtiser habilement celui qui fera la liste, et d’aller quelquefois s’ennuyer à Bruxelles ou Strasbourg, le portable à la main.

Il y a donc aujourd’hui une caste politique qui sans jamais avoir exercé un vrai métier, ni témoigné d’une authentique compétence, va diriger l’immense majorité des Français, qui ont un vrai métier qui les a empêchés de se lancer en politique, possèdent de réels talents qui font prospérer le pays réel et vivent au sein de familles dont le bonheur est leur préoccupation principale. Il y a l’oligarchie médiatico-politique et il y a le peuple. La première ne cesse d’évoquer la République et la démocratie. Le second souhaiterait être parfois entendu et mieux dirigé, en matière d’emploi, de sécurité ou d’immigration, par exemple : demandes extravagantes portées par un populisme méprisable, remontées nauséabondes des heures sombres de notre histoire ! Le populisme, c’est l’ennemi de la démocratie. Ce paradoxe revient donc à dire que les représentants du peuple, élus par lui, sans doute par distraction, tiennent en fait leur pouvoir d’un savoir hors de portée du commun des mortels, dont, malheureusement, le peuple, dans son ignorance ne parvient pas à percevoir les bienfaits. C’est ainsi que lorsqu’un million de personnes descendent dans la rue ou que 700 000 se donnent la peine d’écrire au Conseil économique, social et environnemental pour dire leur désaccord sur le projet absurde de marier des gens de même sexe, le pouvoir regarde ailleurs et n’entend rien. Le Marais et la faune médiatique qu’il abrite et qui peut « faire » l’opinion à coups de sondages truqués, de chiffres fallacieux et de fictions orientées compte bien davantage.

“Lorsqu’un million de personnes descendent dans la rue ou que 700 000 se donnent la peine d’écrire au Conseil économique, social et environnemental pour dire leur désaccord sur le projet absurde de marier des gens de même sexe, le pouvoir regarde ailleurs et n’entend rien.”

L’État libéral repose sur trois pouvoirs. En France, il n’y en a que deux, l’Exécutif et le Législatif, le second soumis au premier pour le meilleur et pour le pire. Il y a une Autorité Judiciaire. Normal, elle n’est pas élue. Mais, elle n’en réclame pas moins son indépendance ! Au nom d’un professionnalisme dont sont dépourvus les élus et de connaissances que le peuple ignore ! Il serait même urgent, pour parfaire le fonctionnement de la Justice, de diminuer son coût, d’accroître son efficacité et d’augmenter son rendement, que les jurés populaires n’encombrent plus les voies judiciaires. Sarkozy avait voulu en introduire en correctionnelle. Deux magistrats viennent dans un rapport sans le moindre parti-pris de dénoncer la nocivité de l’expérience. Mme Taubira va s’empresser de les écouter. On rend la Justice au nom du peuple français. Si, en plus, le peuple est là et qu’il s’en mêle, Outreau ne sera plus possible dans la discrétion et on ne pourra plus relâcher Fourniret sans que ça se sache !

Heureusement, il y a l’Europe, ce paradis à l’abri des peuples, cet oasis pour élu fatigué du contact rebutant avec les électeurs, cet atoll éloigné des tempêtes soulevées paradoxalement sur le continent par des fermetures d’entreprises, des paysans en colère ou des arrivées de Roms. Au moins là, que du beau monde ! Pas de lois ! Des directives pondues par des fonctionnaires de haut niveau qui encadreront la vie des Européens, tandis que leurs élus palabreront à perte de vue et voteront dans une totale irresponsabilité. Un discours moderne, généreux et surtout hyper-politiquement correct, consensuel et droit-de-l’hommiste à souhait avec lequel on ne prend aucun risque. Le bonheur avec Lisbonne, parfois l’euro, et 12% de chômeurs ! Et bizarrement, ici et là, des réactionnaires incultes semblent douter de ce chef d’œuvre. Lors de ces scrutins populistes qu’on appelle des référendums, des Français, des Néerlandais, des Irlandais osent dire non, des Espagnols protestent, indignés, des Italiens votent majoritairement contre cette admirable construction européenne, lui préférant des leaders populistes et démagogues comme Grillo ou Berlusconi. Des peuples vieillissants qui acceptaient d’oublier leurs querelles épiques parce qu’on leur avait promis la lune la voient s’éloigner tandis que montent le chômage et la précarité et que leur continent endetté compte de moins en moins dans le monde. Alors, ils ont l’audace de demander des comptes à leurs élus, de leur demander à quoi ils servent, de penser à les jeter. Quelle outrecuidance ! Il faut dissoudre les peuples qui trahissent la confiance de leurs gouvernements !

Au milieu de l’Europe, il y a la Suisse. 4e PIB/habitant au monde, avec un recul dû à son environnement européen, mais avec un excédent commercial record magré sa monnaie inaccessible, la Suisse n’appartient pas à l’Union européenne et encore moins à l’Euroland. Régulièrement, et à tous les niveaux, les citoyens helvétiques participent à des votations, à des référendums d’initiative populaire. Extraordinaire ! Dans une confédération de cantons, dans un pays composite de gens réfugiés dans leurs montagnes par amour de la liberté, dénués de nationalisme, mais légitimement fiers de leur nation, il y a un peuple qu’on écoute encore.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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28 Comments

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  • berserk , 4 mars 2013 @ 9 h 00 min

    Merci pour votre réponse rapide et pour vos éclaircissements. Vous avez raison d’avoir pris vos distances avec des gens qui ne vous méritent pas. Votre style me fait penser à M. Bompard. Pourquoi des hommes comme vous ne se rassemblent-ils pas plus pour créer un vrai parti de droite?

  • Bayle , 4 mars 2013 @ 10 h 15 min

    La finance a bon dos ! Celle-ci intervient plus ou moins en fonction de l”appel que l”on fait à elle !
    Il ne vous a pas échappé que la FRANCE a une dette de 1900 milliards d”euros ! Lorsque vous dépendez de vos créanciers, il ne faut pas s”étonner qu”ils interviennent dans vos affaires !
    Si vous souhaitez que la démocratie reprenne le dessus , une seule solution : faire en sorte de commencer à rembourser notre dette, ne plus en faire, c”est à dire des économies drastiques sur les dépenses de fonctionnement de l”état avec, en corolaire la fin de l”ÉTAT PROVIDENCE !

  • Hugues , 4 mars 2013 @ 10 h 34 min

    Monsieur Vanneste,

    Vous êtes un homme brillant, tenez des positions claires sur la décadence de la société, n’hésitez pas à aller à contre-courant, mais une chose m’étonne.

    Comment avez-vous pu croire, naïvement, que ce parti auquel vous avez tant cru et donné, vous épargnerait ? Vous n’êtes pourtant pas un perdreau de l’année en politique. Vous connaissez le fonctionnement des rouages de cette machine à broyer, autant que vous connaissez les méthodes, dont la trahison, qui fait partie intégrante du système, pour se maintenir sur le devant de la scène. C’est dommage que vous ayez été peu attentif à ce mécanisme.

    J’ai moi-même milité au RPR et dans un autre mouvement, dissout en 1982. Dès le début, comme vous j’y croyais. Evidemment, la déception n’en fut que plus amère. Mais voilà, moi j’étais un militant de base, devenu cadre par la suite, ce qui néanmoins me donne des circonstances atténuantes quant à ma surprise et ma déception. Mais vous, Monsieur Vanneste, vous saviez et vous êtes tombé dans le panneau. C’est ce que je ne m’explique pas…

  • JACKY4546 , 4 mars 2013 @ 11 h 13 min

    Rassemblement Pour la France, mouvement (car il avait horreur du mot “parti”) du Général, qui, effectivement, n’a oeuvré que pour rassembler tous les Français (n’en déplaise à ses détracteurs).
    Mais pour réussir ce rassemblement, il faut un homme qui se décide à s’élever au niveau d’Homme d’Etat, et il faudra bien se décider à “faire du pied” à Marine, à De Villiers et à d’autres, afin de réussir à démolir l’UMPS.
    Puisse la France redevenir la France !

  • degabesatataouine , 4 mars 2013 @ 11 h 54 min

    Ce n’était pas dans ma bouche une critique des institutions suisses mais une critique de la passivité du peuple car dire que la participation ” est faible traditionnellement faible, c est que les citoyens ont constaté depuis des décennies que les résultats étaient conformes aux sondages et que les abstentionnistes pouvaient faire confiance aux votants” est un peu tiré par les cheveux..”

    Je viens de fouiller Internet pour trouver le Oui à Schengen :56,63% de participation.à comparer avec votre résultat en 92 sur l’adhésion à l’UE,78,3 et celui des minarets et des salaires abusifs, vous voyez que même sur des sujet très importants ou très médiatisés même en France ,j’imagine ce que c’était en Suisse,il y a un désaffection continue de l’électorat pour voter.

    Mais rien n’est parfait,même les institutions suisses car j’ai trouvé hier ce commentaire sur le site du Jounal de Genève à propos de cette journée électorale :

    “L’autre problème que soulève le refus du texte sur les familles est la double majorité. Cette situation (acceptation du peuple mais refus des cantons) «est certes rare mais la double majorité devrait faire l’objet d’une réflexion, pense Pascal Sciarini. Avant que le refus d’un objet plus important n’entraîne un jour une crise.”
    Bon;” y a pas le feu au lac ” mais il ne faudrait pas une autre guerre du Sonderbund et sans le général Dufour pour la gagner.(Je refuse l’usage du smiley ,régression mentale de la sous culture américaine).

  • VANNESTE : , 4 mars 2013 @ 14 h 06 min

    Le perdreau de l’année a simplement cru qu en aidant un jeune à s installer et à obtenir des mandats locaux, celui-ci aurait l honnêteté et la décence d être fidèle. Malheureusement certains “militants” sont devenus des carrièristes apparatchiks et courtisans. Et, à ce point, c est nouveau.

  • Hugues , 4 mars 2013 @ 14 h 10 min

    Merci pour votre réponse Monsieur le député…

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