Quand Bitcoin uberise Uber

Uber, AirBnB et autres applications dites « disruptives », et généralement englobées dans le vocable des applications de l’économie participative, n’ont pas encore fini de savonner la planche des administrations étatiques que déjà se profile un nouveau changement d’ampleur, qui promet de saper autant les fondements étatiques que ceux de ces sociétés tierces : les applications en peer-to-peer, basées sur la technologie sous-jacente du Bitcoin, la blockchain.

Dit comme cela, on s’imagine immédiatement une usine à gaz. On aura tort puisqu’il s’agit d’un simple retour au commerce tel qu’il fut jadis, c’est-à-dire l’échange raisonné de bien ou de service entre adultes consentants, sans intermédiaire ni parasitage extérieur.

Oh, bien sûr, il est toujours possible, actuellement, d’échanger une heure de son temps avec un voisin pour l’aider dans un bricolage quelconque. Il est heureusement encore possible de dépanner la mère de famille en gardant ses marmots (ou le chat du voisin lorsqu’il part en vacances). Jusqu’à présent, il restait cependant assez complexe de faire passer à l’échelle cette « économie du partage direct ». D’une part, la nécessité d’une relation de confiance restreint naturellement les possibilités d’échange entre individus. Alternativement, si un paiement est effectué, on sombre rapidement dans un développement commercial, et les démarches administratives qui l’accompagnent refroidissent très vite toute velléité d’aller plus loin. D’autre part, faire savoir qu’on est prêt à payer pour un service, ou, à l’opposé, qu’on vend ses disponibilités ou son expérience imposait jusqu’à récemment de passer par des sites de petites annonces, que ce soit sur papier ou sur internet, qui constituaient toujours un point central d’échange dont l’étanchéité avec les services fiscaux ou administratifs n’était jamais assurée.

Avec l’avènement des AirBnB et autre Uber, on a surtout constaté un déplacement ou un amoindrissement des contraintes légales, sans changement fondamental de la relation entre le producteur du service et son consommateur. Si, grâce à Uber, Cookening, AirBnB et j’en passe, tout le monde ou presque peut s’improviser, de temps en temps, taxi, restaurant ou hôtel, on retrouve dans chacun de ces cas une société qui s’occupe de mettre en relation le client avec le fournisseur et qui, pour vivre, prend une commission plus ou moins généreuse pour avoir fourni cette mise en relation, avoir permis de noter le client et le fournisseur, s’être occupé de la partie financière (paiement du service, essentiellement).

blockchain-mécanisme-global

L’apparition de la blockchain, la technologie sur laquelle est construite la monnaie numérique Bitcoin, change fondamentalement la donne : d’une part, il s’agit d’une technologie qui repose sur l’inutilité d’un tiers de confiance, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire de faire confiance à un tiers pour valider les transactions ou stocker ses avoirs, puisque c’est le réseau, dans son ensemble, qui s’en charge. D’autre part, cette technologie, par nature décentralisée, permet de mettre directement en relation les individus.

Il y a quelques semaines de cela, j’avais évoqué Openbazaar, qui offre à tous la possibilité d’offrir ses produits ou services, sans avoir besoin de les référencer auprès d’un site d’e-commerce ou de petites annonces spécifiques, coupant ainsi complètement les frais liés à l’intermédiaire de ces transactions.

Une extension logique de cette décentralisation et de l’application de la blockchain apparaît maintenant avec Arcade City, qui est une application de mise en relation directe de clients et de fournisseurs appliquée aux taxis : ancien chauffeur chez Uber à Portsmouth (États-Unis), Christopher David a ainsi développé cette application mobile qui permet de connecter les chauffeurs et les voyageurs directement entre eux, sans passer ni par une centrale de réservation, ni par une infrastructure dédiée. Le bonus pour les chauffeurs est évident : ce sont eux qui fixent leurs propres tarifs, qui les affichent et qui laissent donc les clients accepter ou non le prix de la course. Comme il n’y a pas d’intermédiaire, 100% du prix de la course revient donc au chauffeur, là où Uber et ses concurrents traditionnels prennent une commission.

Avec un tel système, on se rapproche bien évidemment du système de taxi artisanal, où le patron-taxi, disposant de son propre véhicule et de sa propre licence, peut effectuer des courses et bénéficie de l’intégralité du paiement, à ceci près que les taxis « Arcade City », ne faisant pas de maraude et ne roulant pas sur les voies réservées aux taxis et au bus, n’ont pas besoin de la licence spécifique.

Bien évidemment, après avoir vu les taxis hurler contre les VTC, et les VTC hurler contre Uber, il n’est pas impossible de voir ensuite Uber (et ses coréligionnaires) hurler contre cette application. Parallèlement, l’État aura certainement quelques petits cris stridents en se rendant compte qu’avec un tel système, il devient à peu près impossible de déterminer qui, dans une voiture, est transporté à titre gratuit de ceux qui le sont à titre onéreux et dès lors, trouver une façon pratique et rentable de ponctionner le fournisseur de service ou son consommateur va probablement s’avérer tâche impossible.

En réalité, nous assistons à la disparition rapide de toute une partie d’un pan de l’économie. Non pas ce secteur du taxi qui continuera, on peut le parier, à exister quelques années encore : les gens auront bien encore un moment besoin d’aller d’un point à un autre et seront prêt à payer une somme modique pour ce faire. En revanche, l’économie du secteur des taxis, lourdement administrée par l’État et les corporations, qui l’avaient mise en coupe réglée et y avaient trouvé une source rondelette d’apports financiers, elle, va disparaître.

logoTGVAvec sa disparition, on peut raisonnablement compter sur la multiplication des trajets et l’abaissement des prix du transport correspondant. Inévitablement, lorsque le prix de la course sera assez bas, la concurrence avec les transports collectifs, généralement lents, polluants et peu pratiques, atteindra son paroxysme. Les municipalités devront faire assaut d’inventivité pour expliquer des ponctions toujours plus élevées pour des réseaux de bus, de trams ou de métros que les gens utiliseront de moins en moins. Seuls les trajets de moyenne et de longue distances justifieront encore l’économie d’échelle que représente un train ou un avion. Enfin, par extension, si l’on peut transporter des personnes rapidement et pour un prix modique d’un point à l’autre d’une ville, il en sera rapidement ainsi pour tout le reste.

Uber a fait plus en une poignée d’années que l’État et les corporations de taxi en cent ans pour assouplir enfin le transport personnel en ville en redonnant le maximum de pouvoir au consommateur. Gageons qu’Arcade City fera encore progresser le marché du transport en le rééquilibrant du côté de l’offre et en nous débarrassant de l’État qui s’était arrogé une mission de plus en plus mal remplie.

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4 Comments

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  • 0 / 10
  • Alam , 3 juin 2016 @ 10 h 28 min

    Très intéressant, mais pour les béotiens comme moi, ce domaine reste très mystérieux. Il serait utile que vous puissiez (très succinctement) donner dans vos articles le mode d’emploi ou les liens permettant de s’informer. Merci encore!

  • Lapalice , 4 juin 2016 @ 8 h 25 min

    J’ai toujours pensé que le transport de personne était réglementé.
    Or toute cette uberisation m’inquiète, n’allons pas avoir dans le temps des médecins, des infirmiers, des comptables, d’autres professions libérales qui vont être contaminées?
    Ne faudrait-il pas mettre à la disposition des usagers des Taxis utilisant de petites voitures, moins chers à l’achat et moins couteux au Km, mais réglementé, licence moins cher,prix moins élevé, plus facile a circuler.
    Donc 2 types de transports, intramuros petits véhicules, 2 places.
    Plus gros véhicules, plus luxueux, plus couteux, petites moyennes et logs parcours.

  • André , 4 juin 2016 @ 8 h 33 min

    Je sais que je vais être hors sujet, mais le plus important ne sont pas forcément Uber que je ne maîtrise pas ce problème (alors je saute) et même l’économie qui est inexistante. L’économie en France est ailleurs, d’ailleurs, est morte. L’argent n’est que scripturaire, les gens qui croient avoir un compte en banque se foutent le doigt dans le cul. Du jour au lendemain, lorsque la Loi Martiale sera imposée, une simple rature ou trait de crayon et il n’y a plus rien.
    Non, le plus important est la surpopulation qui n’est faite que de parasites ce qui détruit l’économie et je le souligne par la faute des français de souche. Il faut trouver la solution pour stopper les hémorragies volontaires de certains pays, car ça continue non seulement au niveau européen mais en France, qui sont des centaines, voire des milliers par mois…….
    Certes, il faut être charitable envers les plus démunis, c’est une pratique que j’accomplissais de façon désintéressée depuis 60 ans, sans m’en rendre compte (et le grand miracle s’est accompli car je n’étais même pas conscient que ma source était intarissable), mais d’aider les gens chez eux et non pas comme j’en ai accumulé des montagnes de preuves, aller chez eux pour les spolier de leurs biens et faire croire que l’on y a tout créé (très bien expliqué par le colonel Driant)
    Je viens de retrouver sur le disque dur de mon ancien ordinateur l’un de mes commentaires après avoir été surnommé Paco Rabane, c’est vrai javais oublié ce surnom. Je ne le reproduis pas ici, car trop long. J’aurai eu tous les noms, Vieux débile, Mme Soleil, Mme Irma,Sale Gourou…quand ce ne fut pas des menaces de mort.
    Le plus important, et j’en reviens à ce que je n’ai cessé de gueuler depuis 2008, verrouiller les frontières, interdire la prolifération des mosquées et de nos jours faire autant que faire se peut une re-migration ou expulsion des parasites vers le Qatar ou l’Arabie Saoudite..(l’économie au lieu de continuer sa chute pourrait se stabiliser)…..Malheureusement, pouvant plonger mon regard vers l’avenir mes conseils ne seront jamais exploités et la France d’un jour à l’autre va exploser dans une horreur épouvantable et plus particulièrement dès le gigantesque et incommensurable attentat musulman qui sera commandé par la tête bien pensante, c’est à dire la bête immonde.

  • Zèbre Zélé , 13 juin 2016 @ 16 h 25 min

    Bien joli tout ça, mais il y a quand même une application qui a été développée par quelqu’un et qui nécessite une maintenance. Ca ne peut pas être gratuit. Alors ça se passe comment ?

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