Pressions sur les maires : Valls et Taubira bafouent la légalité républicaine

Pourquoi Manuel Valls et Christiane Taubira s’inscrivent dans une démarche totalitaire.

Après l’adoption tonitruante, le 17 mai 2013, de la loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe, Christiane Taubira et Manuel Valls, respectivement garde des Sceaux et ministre de l’Intérieur, ont signé deux circulaires à destination des préfets et des parquets. Ces circulaires, du 29 mai et du 13 juin, évoquent le traitement à réserver aux élus municipaux qui refuseraient de célébrer un tel « mariage ».

Il y est affirmé – mais non démontré – qu’un maire qui, pour des motifs personnels, refuserait de célébrer un mariage entre personnes du même sexe s’exposerait à des sanctions pénales. Sont visés deux délits incriminés par le Code pénal : d’une part, la discrimination (fondée sur l’orientation sexuelle) ; d’autre part, l’abus d’autorité. Il semble pourtant plus que douteux que les maires réfractaires puissent être poursuivis sur ces chefs de prévention.

À titre liminaire, rappelons que le maire ne risque aucune poursuite dès lors qu’il délègue à un adjoint le soin de procéder à ce mariage – et en cela la proposition de loi du sénateur Masson pour la reconnaissance légale d’une objection de conscience en la matière n’apportait rien, car exigeant une telle délégation de la part du maire.

Le « risque pénal » pèse donc sur le maire qui refuse de célébrer le mariage et ne délègue pas (pour la simple et bonne raison que ses adjoints partagent ses convictions et refusent également de célébrer).

1/ Quelle discrimination ?

L’article 225-1 du Code pénal réprime la discrimination comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de », notamment depuis 2001, « l’orientation sexuelle » ; lorsque cette discrimination est commise par une « personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission », le Code fulmine à l’encontre de celle-ci une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (article 432-7).

Or il n’est pas du tout certain qu’un maire réfractaire relève de cet article. Ce n’est pas Madame Michu mais Frédéric Dieu, rapporteur au Conseil d’État, qui le dit : « S’il y a discrimination à raison du sexe ou de l’identité sexuelle lorsque le maire refuse de regarder comme une épouse une personne qui n’est pas née femme mais l’est devenue, une telle discrimination n’est pas caractérisée lorsque le refus de célébrer le mariage s’appuie sur une distinction non pas entre personnes physiques mais entre situations associant chacune deux personnes physiques, à savoir la situation d’un homme et d’une femme d’une part, la situation de deux personnes de même sexe d’autre part (1). »

De fait, l’interprétation stricte de la loi pénale plaide plutôt pour une non-applicabilité des articles 225-1 et 432-7 aux maires réfractaires. Partant, le premier chef de poursuites visé doctement par Taubira et Valls n’emporte pas vraiment la conviction.

2/ Quels abus d’autorité ?

L’article 432-1 du Code pénal incrimine « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi ». « Prendre des mesures » : clairement, c’est un acte positif qui est exigé par le législateur, de sorte qu’une simple abstention ne saurait caractériser l’élément matériel de l’infraction. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé la Cour de cassation en 2003 (2) : « L’inertie ne peut être assimilée aux mesures positives d’abus d’autorité » sanctionnées par l’article 432-1. Or qu’est un refus sinon une inertie, une abstention ? Quelles mesures le maire réfractaire prend-il, positivement, pour faire échec à l’exécution de la loi sur le mariage homosexuel ? Aucune, justement : il se contente de ne rien faire.

Le principe d’interprétation stricte de la loi doit primer sur les velléités répressives exprimées par ces circulaires.

Le plus inquiétant, au-delà de la mauvaise foi idéologique ambiante, c’est bien sûr que les ministres de la Justice et de l’Intérieur, c’est-à-dire les ministres les plus concernés par le droit pénal, semblent à ce point étrangers à des principes aussi fondamentaux que la légalité des délits et des peines ou l’interprétation stricte de la loi pénale : même les étudiants en deuxième année de droit connaissent ces principes fondateurs de la sécurité juridique…

> Léopold Gautier est chercheur à la Fondation Polémia.

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23 Comments

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  • monhugo , 3 octobre 2013 @ 13 h 29 min

    Un autre point de droit dans la mouvance de la loi scélérate du 17 mai 2013 : l’illégalité de la circulaire Taubira du 25 janvier dernier, encourageant dans les faits la GPA. Car, pas d’hypocrisie, MM les homosexualistes, on sait tous que l’AMP (PMA, mais aussi GPA) “pour tous”, c’est pour bientôt.
    La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, en formation plénière, vient de rendre 2 arrêts en date du 13 septembre dans lesquels elle refuse de donner effet à une convention de gestation pour autrui réalisée à l’étranger, y compris lorsque l’acte de naissance de l’enfant désigne la mère porteuse comme mère.
    Le député de la Vendée Yannick Moreau, un des rares défenseurs sans ambiguïté de la famille à l’UMP (puisqu’il a rejoint le mouvement le 17 juin 2013, comme Bruno Retailleau, représentant lui aussi la Vendée, mais au Sénat, et sur la même longueur d’ondes), demande logiquement l’annulation de la circulaire Taubira.
    http://unionrepublicaine.fr/gpa-la-circulaire-taubira-desavouee-par-la-cour-de-cassation/

  • monhugo , 3 octobre 2013 @ 13 h 46 min

    Pourquoi la suite de mon commentaire est-elle censurée ab initio ? 2 fois de suite.
    Nouvel essai, avec lien différent : http://www.syndicat-magistrature.org/La-Cour-de-cassation-veille.html

  • monhugo , 3 octobre 2013 @ 13 h 51 min

    Le SM réclame que l’on légifère en matière d’AMP, et notamment de GPA. Voilà qui a le mérite de la clarté. La notion-phare d’intérêt de l’enfant, on le notera sans surprise, étant à géométrie variable pour ces magistrats, minoritaires, mais seuls admis en cour “taupière”. Avoir un père et une mère, comme tout le monde, n’entre pas pour eux dans le champ d’application de ladite notion.

  • Dōseikekkon , 3 octobre 2013 @ 15 h 31 min

    Peut-être (?) parce que votre lien comporte les trois lettres maudites, et qu’alors un robot sourcilleux envoie automatiquement le message dans les limbes.
    Ces trois lettres – que je ne peux pas écrire à la suite, évidemment – sont ⒫⒟⒡

  • trivi , 3 octobre 2013 @ 20 h 27 min

    A leurs places (je parle des maires anti mariage homo) je me ferai porter pâle…et ce systématiquement

  • JOUNO , 4 octobre 2013 @ 12 h 43 min

    Une bande d’………s !!!!

  • Leopold Gauthier , 7 octobre 2013 @ 19 h 41 min

    @Dōseikekkon

    Cher lecteur,

    vos arguments n’emportent pas notre conviction pour plusieurs raisons.

    A- Vous avez le mérite d’avoir lu le texte d’incrimination en entier afin d’envisager d’autres motifs à l’origine de la discrimination ; pourtant, cela ne suffit pas à délégitimer notre critique n°1 “Quelle discrimination ?”.

    1/ La “situation de famille” visée par le texte d’incrimination renvoie aux notions de célibat, couple, veuvage, etc.

    a- Son application classique relève principalement du droit pénal du travail et de l’entreprise.

    b- On voit mal comment la “situation de famille” interfèrerait dans le choix du maire de s’abstenir de marier deux personnes du même sexe : qu’ils soient concubins, pacsés, veufs d’un précédent mariage, ou que sais-je encore, la décision du maire ne variera pas en fonction de cela.

    2/ Les “moeurs” non plus ne semblent pas devoir interférer dans la décision du maire de s’abstenir de célébrer l’union. Qu’on en retienne une vision strictement (et abusivement) sexuelle ou, comme vous le proposez sans doute à juste titre, plus large (le “mode de vie”) n’y change rien.

    a- Si l’on retient une vision strictement sexuelle, alors le seul élément pertinent de l’ensemble “moeurs sexuelles” est l’orientation sexuelle, déjà visée à titre autonome par le texte (que les personnes soient abstinentes, partouzardes, fétichistes, etc. n’influe pas sur la décision du maire) ; le serpent se mord alors la queue car nous revenons nécessairement à l’argumentaire de Frédéric Dieu.

    b- Si l’on retient une vision large (“mode de vie”), on ne voit pas non plus ce qui peut motiver l’abstention du maire : noctambulisme, nomadisme, sédentarisme, alcoolisme, etc. ne font pencher sa balance ni d’un côté ni de l’autre.

    B- Vous balayez un peu rapidement d’un revers de main notre critique n°2 “Quel abus d’autorité ?” puis, sans doute pris de remords, vous appelez (vainement) à la rescousse la Cour d’appel de Papeete.

    1/ D’abord, vous écartez abruptement notre critique n°2.

    a- Notre argument quant à la distinction entre la prise de mesures et l’inertie ne porte que sur l’article 432-1 (c’est très explicite si l’on relit notre article) et nous avouons ne pas comprendre pourquoi vous passez autant de temps à nous dire qu’il ne peut s’appliquer à l’article 432-7 puisque jamais nous n’avons visé ce dernier article dans la critique n°2.

    b- Dire que nous “finassons” est un sophisme qui frôle l’ineptie : nous raisonnons en matière pénale, avec à la clef une possible atteinte aux libertés ; dès lors, analyser rigoureusement les textes pour respecter le principe cardinal d’interprétation stricte n’est pas “finasser”, du moins dans un Etat de droit.
    Si une telle distinction entre action et abstention est enseignée sur les bancs de toutes les universités de France et dans tous les manuels de Droit Pénal Général, ce n’est certainement pas pour “finasser” ; la Cour de cassation elle-même tient à cette distinction (Crim. 19 février 2003, n°02-84.058).

    2/ Enfin, vous vous référez à un arrêt rendu par la Cour d’appel de Papeete il y a deux ans.

    a- Vous n’êtes pas sans ignorer qu’en pays de droit latin, la jurisprudence n’est pas source de droit pénal, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une décision rendue par un juge du fond (ce qu’est un arrêt d’appel). Cela n’empêche certes pas Manuel Valls, décidément très au fait de notre culture juridique nationale, d’étayer son raisonnement en citant cet arrêt…

    b- Quand bien même, singeant Monsieur Valls, on désirerait prendre en compte cet arrêt dans notre réflexion, il apparaît très vite que, unique en la matière (et donc d’une “portée” plus que relative), il est une décision d’espèce probablement rendue en opportunité. Le motif de cet arrêt ne lasse pas de surprendre : grosso modo, nous disent les juges de Papeete, c’est un acte positif “dans la mesure où” ça “fait échec” ce qui, naturellement, ne convainc personne.
    Prenons l’hypothèse d’un homme en train de se vider de son sang dans la rue ; un quidam le voit mais ne lui porte pas secours, pas même en appelant le SAMU. Cela fait échec à la survie du premier homme ; le second, pour autant, a-t-il commis un acte positif ? Evidemment non.
    On n’osera évidemment pas émettre l’hypothèse selon laquelle les juges de Papeete auraient pu confondre élément matériel (acte positif) et élément intentionnel (volonté de faire échec au mariage)…

    Non, décidément, nous ne sommes pas convaincus par votre contre-argumentaire et nous entêterons à penser que ces circulaires, pour leur volet pénal, ont été juridiquement fondées “à la va-vite”…

    Cordialement

    L.G.

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