Sénéquier n’est plus tropézien !

Un billet d’Isabel Orpy

Nioulargue, jet set et Saint Trop’… Avant d’être envahi, saboté, pillé par les estivants, les frimeurs, les bringueurs et consorts, Saint-Tropez était un paisible village de pêcheurs, fier de sa citadelle, de son église baroque, de son cimetière marin, du musée de l’Annonciade, de son histoire et de ses traditions !

Vous parlant d’un temps que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître… Il était une fois ce vrai Saint-Tropez.

Au XVIIIe et XIXe siècles, le trafic y était intense, les activités portuaires, agricoles florissantes et les commerces de vin, liège, bois, poissons très prospères.

Ses chantiers navals construisaient de grandes tartanes et d’immenses trois-mâts…

De Torpes à San Troupez…

Selon la légende, en l’an 68, le chevalier Torpes, natif de Pise, intendant de l’empereur Néron, se convertit au christianisme. Comme il refusait de renier sa religion, Néron le fit décapiter. Sa tête fut jetée dans l’Arno, cependant, elle fut recueillie et demeure toujours à Pise. Placé entre un coq et un chien, au fond d’une barque, son corps fut abandonné au gré des flots et vint s’échouer sur les rivages d’Héracléa, ancien nom de ce joli port qui devint en provençal San Tourpez, pour se franciser en Saint-Tropez.

Bravade et tromblonades.

Pendant de nombreuses années, pirates et Sarrasins écumèrent les côtes méditerranéennes, Saint Tropez ne fut pas épargné. Il lui devint nécessaire d’avoir un chef de guerre. En 1558, le Conseil de la Communauté désigna donc un capitaine de ville, aux fins de recruter et commander les hommes indispensables à la défense de la cité.

Pendant plus d’un siècle, les capitaines de ville et leur milice s’opposèrent victorieusement aux nombreuses attaques venues de l’intérieur comme de l’extérieur.

La cité en paix, s’ils cessèrent d’user de leurs armes pour leur défense, les Tropéziens les conservèrent pour honorer leur saint patron.

C’est ainsi que pour commémorer cette époque, chaque lundi de Pâques, le conseil municipal procède à l’élection annuelle d’un capitaine de ville. C’est alors que Saint-Tropez voit ses habitants en armes et vieux uniformes de soldats et marins faire retentir leurs tromblons et fusils en l’honneur de leur saint, comme quand ils partaient au combat ou se protégeaient d’attaques éventuelles par une procession jusqu’à la chapelle sainte Anne, située hors les murs.

Le 16 mai, le maire remet, en compagnie de celui de Pise, la pique symbolique au capitaine de ville. Monsieur le curé bénit alors les armes et les gardes-saint sortent la statue de Saint-Tropez de l’église de l’Assomption pour l’emmener en procession, au son des cloches, fifres, tambourins, clairons et tambours, dans le nuage de poudre des coups de tromblons, escortée de nombreux Tropéziens en costume provençaux… Ce qui donne lieu à trois jours de fêtes et d’hommages.

4 générations de Sénéquier !

Mais Saint-Tropez a une autre célèbre institution : Sénéquier !

Pour ceux qui connaissent, ce nom rime avec tables rouges, 188 fauteuils assortis et une terrasse bondée qui voit défiler 3 500 clients par jour…

Et l’on vient d’apprendre que l’héritier de la quatrième génération, Jean-Denis Sarraquine, avait vendu l’illustre Sénéquier à un “bougnat “de Paris, l’homme d’affaires, Thierry Bourdoncle, un Auvergnat dont la famille posséde la brasserie Mabillon, à Saint-Germain, aujourd’hui à la tête d’une vingtaine d’affaires, dont le Pub Saint Germain…

C’est en 1887 que Marie et Martin Sénéquier avaient ouvert place aux Herbes, à côté de la halles du marché aux poissons, leur patisserie.

Réputée pour l’excellence de ses petits fours et de son nougat, Sénéquier devint rapidement le haut lieu de la gourmandise tropézienne.

Dans les années 30, la seconde génération de Sénéquier agrandit donc la patisserie par un café avec terrasse, ouvrant côté port. Les Tropéziens sont au rendez-vous mais la guerre arrive…

Le 15 août 1944, la flotte alliée débarque sur les plages proches et Saint-Tropez est la première citée provençale libérée.

Cependant, le port est en ruines, les bombardements allemands ont dévasté le quai et le café Sénéquier n’a pas été épargné…

C’est donc en 1951, sous l’impulsion de la troisième génération de Sénéquier, que le café ouvre à nouveau ses portes avec le succès croissant qu’on lui connait car regardant la mer et l’amoncellement de yachts, sa terrasse est le meilleur poste d’observation pour qui veut observer se presser sur le quai “le tout Saint-Trop” et surtout, y être vu…

Certes, il y a longtemps que Saint-Tropez n’est plus Saint-Tropez et n’appartient plus aux Tropéziens…

Toutefois, au monsieur qui rachète ce qu’il considère être un “objet de collection” pour le moderniser, nous demandons de ne surtout pas changer la recette du chocolat liégeois Sénéquier qui a ravi nos enfances, afin que de notre Saint-Tropez soient préservées au moins quelques gorgées d’authenticité !

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3 Comments

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  • 0 / 10
  • Tib , 3 novembre 2012 @ 13 h 07 min

    Sénéquier était peut-être tropézien mais il ne se comportait absolument pas comme tel.
    Sa vente ne changera rien.

  • Goupille , 4 novembre 2012 @ 11 h 18 min

    J’ai eu peur : j’ai pensé que c’était encore un coup du Qatar…
    Si ce n’est que cela, nous n’aurons pas à renationaliser.

    Par contre, ce qui est fort intéressant, et j’espèrre que Bouteflika ou ses sbires sont branchés Nouvelles de France, ce sont les exactions commises par la Barbaresque sur les côtes méditerranéennes jusqu’en 1830…
    Bouteflika ou ses sbires, et Hollande et les siens, ce qui revient au même.

  • Quéribus , 7 novembre 2012 @ 14 h 12 min

    “Ils” ne peuvent rien changer, Sénéquier est quasiment une institution. Le port de Saint-Tropez sans Sénéquier renierait alors à son passé… Sans Sénéquier vous ne verrez plus St-Trop’ du même oeil. Alors, quel que soit son propriétaire – et dans son intérêt même – cette célèbre terrasse subsistera.

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