La même camelote

Tribune libre de Robert Ménard*

Je n’y crois pas ! Encore une fois, on vient nous expliquer que ce sommet de Bruxelles – le énième de la « dernière chance » – a porté ses fruits, que nous avons sauvé, si ce n’est l’euro, du moins les économies espagnole et italienne, que la croissance va pointer le bout de son nez, appâtée par les 120 ou 130 milliards mis sur la table. La preuve, les bourses sont « euphoriques », François Hollande « manifestement satisfait » et Angela Merkel « a perdu son bras de fer ». Le parti des médias nous vend son habituelle camelote. Je vous fiche mon billet qu’on déchantera dans les semaines qui viennent.

On nous ment, une fois de plus. Au mieux, nous sommes partis pour des années à toute petite croissance. Et quand nos politiciens nous présentent cette crise comme une parenthèse qu’ils sauront refermer, ils nous trompent sciemment. La gauche, pas plus que la droite, ne nous sortira de l’impasse dans laquelle nous ont jetés des capitalistes obsédés par leurs seuls profits et leurs seuls comptes en banque. Avec la complicité de cette nomenclature qui, des deux côtés de l’échiquier politique, est toujours du côté du manche. Sortis des mêmes promotions de l’Ena, attablés aux mêmes restaurants, passant leurs vacances à faire du vélo sur les mêmes îles, ils ne sont en rien concernés par le Smic, le chômage, les fins de mois à 10 euros près. Comme disait l’autre, il est temps qu’ils dégagent !

La gauche bien propre sur elle, aujourd’hui au pouvoir, l’a bien compris. Et nous refait le coup de 1981 : voyant bien qu’elle va devoir revenir non sur ses engagements – elle en a pris très peu – mais sur cette idée que « le changement, c’est maintenant », elle déserte le terrain social – il faut être « raisonnable » comme l’a rappelé Matignon – pour celui des « question sociétales » et des « mesures symboliques ». Faute de donner du pain, elle nous offre le mariage gay. Faute d’augmentation du Smic, elle voyage en Thalys. Faute de tordre le cou au chômage, elle porte des jeans au conseil des ministres. Comme un certain Jack Lang et ses cols maos dans l’hémicycle… il y a 30 ans de cela ! Mêmes vieilles lunes et mêmes renoncements : on laisse sur le bord de l’allée asphaltée du socialisme en marche le pauvre, le vieux, le péquenot du village, pour mieux flatter le bobo du Marais ou le jeune, de préférence issu des cités et à la peau mâtinée.

Au fond, le philosophe Marcel Gauchet a raison. L’élection de François Hollande a « un côté conservateur ». Un pouvoir rassurant pour tous ceux qui n’auraient qu’à s’inquiéter de vrais changements…

*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières. Il anime trois rendez-vous quotidiens du lundi au vendredi, à 7h33 et à 8h03 sur Sud Radio et à 17h45 sur I-télé.

> Son blog : robertmenard.fr

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2 Comments

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  • Frédérique , 5 juillet 2012 @ 11 h 55 min

    Ce n’est pas F. Hollande qui a été élu, c’est N. Sarkozy qui a été viré, la prochaine fois ce sera le contraire. Malheureusement, il y a bien longtemps que la majorité des français empêtrés dans leurs problèmes personnels et aveuglés par des médias aussi corrompus que les politiques ne vote plus pour un parti, pour des idées, mais se contente de déloger ceux qui les trahissent, sans même se rendre compte que ce sont leurs clones qu’ils installent à la place.
    Un commentaire lu dans une rubrique m’a fait bondir un jour. Il disait “comment peut-on encore être déçu qu’un élu ne respecte pas ses promesses? Il est normal qu’il mente pour se faire élire.
    Vous vous rendez compte, il est NORMAL qu’un politique MENTE pour se faire élire. Je ne me suis toujours pas remise de ce commentaire. Les élections, le destin d’un pays, celui de millions d’êtres humains, ne sont désormais plus qu’un jeu de poker menteur. La seule chose qui me console et me fait reprendre espoir, c’est le taux d’abstention toujours en progression, c’est peu, mais que voulez-vous, moi aussi, je me raccroche à ce que je peux.

  • Mizette , 5 juillet 2012 @ 14 h 37 min

    100 % d’accord avec Frédérique : Hollande n’a pas été élu, tout était bon pour les français pour battre Sarkozy, même élire quelqu’un de qui on attendait rien.
    Au moins, pas de déception, on le savait.
    Il n’avait jamais rien fait, ni en bien ni en mal, jamais travaillé dans “le civil”
    Personne ne voulait de lui : ni Mittérand, ni ses successeurs. Alors voilà, il est là, très étonné lui même et se demandant bien ce qu’il va bien pouvoir faire pour redresser cette France qui coule..
    Il a menti, ment et continuera jusqu’à ce que tout lui explose au visage, pour notre plus grand malheur, mais il sera trop tard.

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