Autriche : le retour des éternels guignols de la rebellitude

Tribune libre de Myriam Picard* pour Nouvelles de France

On se féliciterait presque de n’avoir pas fait d’école de journalisme quand on suit l’atterrant « travail » fourni par les serviles hérauts de l’AFP. Quelques curés (environ 330) pétitionnent gravement pour une réforme de l’Eglise (traduisez : pour que l’Eglise sanctifie leurs manquements et fournisse un nihil obstat général à toute idée tordue), et l’AFP de titrer sans rire : « Des prêtres rebelles font trembler l’Eglise autrichienne ». La pétition rencontrerait « un large soutien dans l’opinion ». Isabelle Le Page, la journaliste éprise de déontologie qui a pondu cette douce plaisanterie, ne nous prouve rien, n’avance aucun chiffre sérieux (et quand bien même), non : c’est l’AFP qui l’a dit, gravons-le donc dans le marbre : « un large soutien dans l’opinion. »

On croyait pourtant en avoir fini avec une certaine époque… Malgré quelques évêques récalcitrants, de nombreux prêtres encore englués dans le conformisme, le marxisme et la lecture du Monde des Religions, et des « catéchistes » abreuvant les paroissiens du navrant spectacle de marmots faisant la ronde de la paix, tout enguirlandés de papier crépon censé représenter les dons du Saint-Esprit. On voyait fleurir de vigoureuses vocations, tout un peuple redresser la tête et les mondains découvrir soudain que leur foi n’était pas à mettre sur le même plan que le boulot, le rallye ou les vacances à l’île d’Oléron. L’Eglise se rappelait soudain aux esprits inquiets pour les rassurer, aux pleutres pour les envoyer au combat, à tous les hommes pour leur redonner espérance. C’était trop beau. Il fallait que les éternels guignols de la rebellitude nous jouent leur vieille rengaine.

« On voyait fleurir de vigoureuses vocations, tout un peuple redresser la tête et les mondains découvrir soudain que leur foi n’était pas à mettre sur le même plan que le boulot, le rallye ou les vacances à l’île d’Oléron. »

D’abord, ils sont idiots, n’en déplaise aux partisans du sacro-saint respect à tout prix envers les curés. Deux mille ans d’histoire de l’Eglise, des schismes, des hérésies à tour de bras, des conciles où l’on s’arrache les cheveux, pour en arriver quand même, exténuée mais glorieuse, à réunir plus de trois millions de personnes à Madrid, et ces doux rêveurs s’imaginent que leur appel va être entendu ? C’est être soit naïf, soit très orgueilleux, soit idiot. Je choisis l’option de l’idiotie incurable.

Et puis, ils nous ennuient. Il y a quelques chrétiens dans le monde qui se font torturer, harceler, menacer à cause de leur foi. Il y a encore trop peu d’ouvriers pour la moisson. Il y a pas mal de détails qui posent problème: comme l’assassinat par millions d’enfants déclarés coupables avant même de naître ou des vieux qu’on envoie en douce, à coup de seringue, rencontrer saint Pierre plus tôt que prévu. On aimerait donc que ces déliquescents curés cessent de se regarder le nombril (dont on doute sérieusement qu’il puisse durer deux mille ans et fournir au monde des Saint Thomas et des Edith Stein) pour se préoccuper de choses plus sérieuses que leur ego blessé et ou quelques curés défroqueurs.

Mais non. Ils veulent absolument coucher, et avoir en sus la permission de Papa. Voire la bénédiction. Des féministes prétendument catholiques aimeraient faire plus que pourrir les messes de leurs chansonnettes à tam-tam, et par exemple, tiens, devenir curé elles aussi ? On pétitionne, on appelle, on joue à qui pissera le plus loin dans le champ des initiatives puériles et inconséquentes. Il faudrait aussi, disent-ils, et pour pallier le manque de vocations, que les pratiquants non-ordonnés puissent prononcer des homélies. Connaissant le niveau moyen de théologie, de doctrine sociale de l’Eglise, et les raisons qui poussent nombre de paroissiens à aller à la messe (taper 1 pour : je peux y retrouver Yvette, 2 pour : Zoé adore servir la messe et je la trouve si choute dans son aube avec ses couettes, 3 pour : c’est cool, on peut taper dans les mains pour le Notre Père), j’espère de tout mon cœur que les réclamations de ces gugusses finiront là où il se doit : dans les poubelles du Vatican.

« Ils veulent absolument coucher, et avoir en sus la permission de Papa. Voire la bénédiction. »

L’Eglise manque de prêtres ? Eh bien, prenons des chèvres, mettons-leur des ornements et faisons-leur à chevroter l’Agnus Dei. Quitte à tomber dans le ridicule, allons-y franchement.

Au fond, ce qui désespère ces messieurs, c’est de s’apercevoir que le radeau ne coule pas. Que quelques rescapés, plus futés et plus saints qu’eux, ont trouvé la solution, l’éternelle solution pour que le radeau ne chavire pas et devienne une nef capable d’affronter toutes les tornades. Une solution qui repose sur une vraie liturgie, une prière solide et le refus de barboter paresseusement dans le sens du courant.

Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse, président de la Commission épiscopale pour la liturgie, lors de la "fête des peuples"

Ça les agace, forcément. Ça les gratouille. A les entendre, ils auraient le prurit clérical, ils se soucieraient réellement de l’avenir de l’Eglise, mais d’une Eglise à eux, d’une Eglise qui leur ressemble, d’une petite popote bien séculaire, aux couleurs de la Gay Pride et à l’odeur de merguez-frites : une sorte de grande fête de l’Amour et de la Paix, l’Huma version Jésus en tongs prêchant du permissif et vendant du rêve, un Centerpark de l’Evangile où le pape consacrerait des milliers de femmes en les mariant entre elles, pour faire d’une pierre deux coups.

« A chaque messe, nous intercéderons désormais en faveur d’une réforme de l’Eglise. » Les catholiques autrichiens seront rassurés, je n’en doute pas, de connaître l’esprit de prière qui anime leurs pasteurs. Prient-ils pour la conversion des pécheurs ? Non, il n’y a plus de pécheurs : il n’y a que des erreurs de chemin que l’Agneau du Partage contemple en bêlant d’amoureuse compréhension. Prient-ils pour les âmes qui souffrent ? Non, il n’y a plus d’âmes qui souffrent, mais des psychismes en déshérence que maître Freud soigne en un tour de main. Prieraient-ils alors pour les âmes du Purgatoire ? Concept vieillot, sentant son Moyen-Age à plein nez.

« Non, il n’y a plus de pécheurs : il n’y a que des erreurs de chemin que l’Agneau du Partage contemple en bêlant d’amoureuse compréhension. »

Je vois leurs têtes d’ici. Le genre de prêtres qui dans les années 70 et les suivantes se sont joyeusement livrés à mille manifestations consternantes, vidant rapidement leurs paroisses à force de prières insipides, de cantiques crétins et d’« animations » (le Christ ne suffisant apparemment pas à habiter l’eucharistie) orchestrées par des rombières à guitare. De mois en mois, d’année en année, les bancs se vident, les séminaires aussi, et ces dignes apôtres de s’indigner de voir certaines « Fraternités » recruter à tour de bras. Mais qu’importe : ils avaient les media pour eux et La Croix, Pèlerin Magazine et La Vie se chargeaient de mener grand tapage autour de leurs initiatives (au choix : la Journée Diocésaine contre la Faim dans le Monde, le Couscous Paroissial pour Que Tombe Toute Frontière, les cours de Danse évangélico-yannicknoesques).

Qui connaît un peu les enfants diagnostiquera à coup sûr la maladie de ces révolutionnaires en soutane – pardon : en short. Ils n’ont pas grandi. Ils sont restés au stade des deux ans. Bébé pas content. Maman veut pas. Bébé veut pas obéir. C’est l’histoire du gosse qui a désobéi, s’est brûlé les doigts, et, furieux de constater que Maman avait raison, s’obstine dans un coin, grinçant sa rage et mûrissant son caprice.

Ils pourraient simplement s’excommunier gentiment, faire leur petit schisme à eux, bien douillet, monter une église dont ils seraient les patrons libéraux, mais non ! Ils veulent une Eglise catholique qui ne soit pas catholique. Réécrire l’histoire et le dictionnaire.

« Ils avaient les media pour eux et La Croix, Pèlerin Magazine et La Vie se chargeaient de mener grand tapage autour de leurs initiatives (au choix : la Journée Diocésaine contre la Faim dans le Monde, le Couscous Paroissial pour Que Tombe Toute Frontière, les cours de Danse évangélico-yannicknoesques) »

Ne nous inquiétons néanmoins pas trop. Il y a tant de prêtres et de laïcs pour faire vivre le message évangélique, que ce serait faire trop d’honneur à nos agités autrichiens que de s’inquiéter de leur petite crise de rébellion adolescente. Il y a des prêtres qui, dans le Val-d’Oise, en plein quartier musulman, baptisent, marient, confessent à tour de bras sans jamais compter leur temps. Il y a, en Seine-Saint-Denis, des prêtres qui osent sereinement être des hommes de Dieu, pas plus, pas moins, et à l’âge où d’autres pensent à leur Codevi, consacrent leurs week-end à accompagner des catéchumènes. Il y a partout, de l’Anjou au Gard, de Lille à Toulon, des hommes et des femmes qui aiment Dieu imparfaitement mais avec toute leur âme, de jeunes femmes qui revêtent l’habit dominicain, des hommes qui sacrifient une vie de famille pour être tout à tous. Il y a des laïcs qui vivent, aiment et prient. Cela devrait suffire pour que l’Eglise, Dieu pourvoyant, reste fidèle à elle-même : un objet de scandale, le Christ répandu et communiqué, envers et contre tout, à commencer par certains de ses pasteurs.

*Myriam Picard est journaliste et membre du Comité de rédaction de Riposte Laïque.

Crédit photo : Perepiscopus.

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3 Comments

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  • 0 / 10
  • jeffmoveone , 6 septembre 2011 @ 2 h 13 min

    Bravo! Et avec quel style!!!

  • abbé Bernard Pellabeuf , 7 septembre 2011 @ 20 h 40 min

    Bravo pour cet article !
    Il faut savoir être rosse au bon moment, et c’est le cas ici.
    Ce qui manque à ce texte c’est de décrire comment ces confrères qui veulent s’exprimer librement pour contester le Pape refusent à ceux qui suivent celui-ci le droit à la parole et même à l’existence.
    Abbé Bernard Pellabeuf

  • SAURAT jean-paul , 9 septembre 2011 @ 13 h 32 min

    Il ne faut pas donner trop d’importance aux pretentions de ces rigolos

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