Le repos dominical est naturel et sacré, même s’il peut être aménagé

L’ouverture dimanche dernier des quatorze magasins Castorama et Leroy Merlin d’Île-de-France en dépit de la législation sur l’interdiction du travail dominical et de la sentence arbitrale du tribunal de commerce de Bobigny, a obligé le gouvernement à se saisir de la question.

Comme toujours, lorsqu’il y a une décision à trancher, le gouvernement nomme une commission. Celle-ci, présidée par l’ex-PDG de La Poste, Jean-Paul Bailly, doit faire des propositions de réforme avant la fin du mois de novembre.

Avant toute discussion sur d’éventuels aménagements de l’actuelle législation, il convient de maintenir haut et fort le principe du repos dominical.

C’est d’abord un équilibre tiré de l’histoire, un héritage culturel qui rythme à ce point nos semaines dans le monde occidental qu’il semble aussi naturel que l’alternance des saisons.

Naturel, il l’est dans la mesure où il correspond à la nature de l’homme. Celui-ci ne se réduit pas en effet à sa dimension économique mais présente aussi une dimension affective, sociale et spirituelle. « L’homme ne se nourrit pas seulement de pain » résume l’Évangile (Lc, IV, 4). Il n’est pas qu’un consommateur, ajouterions-nous aujourd’hui.

“Car l’homme n’existe pas pour travailler mais il travaille pour vivre. Le jour chômé vient nous le rappeler.”

Le repos dominical vient nous rappeler que c’est l’économie qui est au service de l’homme et non l’inverse. Le jour chômé (seul ou en famille) est à lui seul la justification du travail effectué au cours des six autres jours de la semaine. S’il venait à disparaître, ce serait la finalité même du travail qui serait en cause. Car l’homme n’existe pas pour travailler mais il travaille pour vivre. Le jour chômé vient nous le rappeler. Prétendre le contraire, cela revient à inverser les finalités de la vie humaine et à dévoyer le travail en nouvel esclavage des temps modernes. Pour noble et épanouissement qu’il soit, le travail reste un moyen ; il ne constitue jamais une fin en soi.

Y a-t-il derrière cette idolâtrie du travail une vision protestante de la société, qu’a si bien analysée Max Weber dans son ouvrage L’éthique protestante ou l’esprit du capitalisme ?

S’il est naturel à l’homme, le repos dominical est aussi un héritage culturel. Institué par l’empereur Constantin en 321, il mit du temps à pénétrer les mœurs mais sous l’impulsion de l’Église, il s’incorpora totalement à l’organisation de la société occidentale. C’est d’ailleurs le dimanche qu’était interdite la pratique du duel, grâce à l’institution géniale de la trêve de Dieu, étendue par la suite à d’autres périodes. Le repos dominical a donc contribué à civiliser les mœurs. Il fut tellement inscrit dans le rythme de la société que la Convention ne put l’abolir lorsqu’elle institua le calendrier révolutionnaire et le culte décadaire (les decadi étant censés remplacer les dimanches). C’est donc tout naturellement que le calendrier grégorien fut progressivement réintroduit sous l’Empire et que la Restauration rétablit le repos dominical (ordonnance du 7 juin 1814). Mais les idéologies sont tenaces et ont la dent longue. À la fin du XIXe siècle, le gouvernement anticlérical de la IIIe République abrogea, par sectarisme idéologique, le repos dominical, afin de laïciser la société et d’effacer toute référence chrétienne dans l’organisation de la vie quotidienne (loi du 12 juillet 1879). Ce n’est donc qu’en 1906 que le repos dominical fut réintroduit, dans le souci d’apaiser des tensions que la séparation de l’Eglise et de l’Etat avaient cristallisé l’année précédente jusqu’à leur paroxysme.

“Le repos dominical est un frein à la fragilité narcissique de ceux qui trouvent dans les activités multiples et la frénésie de loisirs un lieu de compensation illusoire à leur vide intérieur.”

Voilà donc l’équilibre trouvé au fil de l’histoire, que la loi du 10 août 2009 (dite loi “Maillé”) a tenté de préserver au prix d’incohérences qui apparaissent aujourd’hui au grand jour. Les plus criantes d’entre elles concernent les magasins d’ameublement et de jardinage qui peuvent ouvrir sans conditions, alors que les enseignes de bricolage, qui vendent en partie les mêmes produits, ne bénéficient pas de ce droit. Cette inégalité de traitement, source de distorsion de concurrence, conduit à des situations ubuesques : deux magasins situés à quelques mètres de distance, dont l’un peut ouvrir alors que l’autre n’y est pas autorisé. De même, s’agissant du périmètre de la zone touristique d’affluence exceptionnelle décidée par le préfet de police de Paris sur proposition du maire, qui ne recouvre qu’un des deux côtés des Champs-Élysées. Les nécessaires aménagements devront prendre en compte cette réalité afin de parvenir à une situation équitable pour tous, mais en tout état de cause, ils ne sauraient porter atteinte au principe sacré du repos dominical.

Dans une société traversée par l’individualisme, la consommation à outrance et la perte des repères, le repos dominical est garant de la solidarité des liens familiaux et fraternels et ouvre l’homme à sa dimension spirituelle et contemplative. Il est aussi un frein à la fragilité narcissique de ceux qui trouvent dans les activités multiples et la frénésie de loisirs un lieu de compensation illusoire à leur vide intérieur. Sans ce repère, on donnerait raison à Bernanos qui prophétisait à juste titre que « la civilisation moderne […] est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».

Related Articles

29 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Yaki , 4 octobre 2013 @ 20 h 39 min

    dommage que votre commentaires dénigre certaines catégories de professions, comme si celles-ci étaient favorables à l’ouverture du travail du dimanche.

    Vous avez toutefois raison sur un point. Les gens devraient réfléchir au fait qu’ils accepteraient ou non de travailler le dimanche avant de se proposer en faveur du l’ouverture ce jour là. Car ils ne pensent pas que c’est mettre le doigt dans un engrenage dangereux, déstructurant pour les familles et la société.
    Quant aux célibataires et aux couples sans enfants, ils feraient bien d’être moins égoïstes et de penser à ceux qui en ont ou qui veulent une vie de famille.

  • Daniel , 4 octobre 2013 @ 23 h 23 min

    Travaillant dans les réseaux et télécoms, je travaille aussi le dimanche.

    Mais c’est rémunéré en conséquences. Et je sais que cela est primordial car cela tient à la nature de mon métier. Imaginer ne pas pouvoir aller sur NDF par un beau dimanche après-midi pour lâcher vos coms tranchantes sur vos ennemis politiques adorés ? Vous seriez privés de votre passe-temps favori. Quoique la nature véritable du dimanche étant de l’ordre du shabbat (shabbat du dimanche), les téléphones, ordinateurs, télévisions sont proscrits car appartenant au monde de la consommation. La vraie communication devant se faire entre vrais humains, en famille, au déjeuner, après l’église, (et pas devant Drucker et

    Travaillant certains dimanche, je défends le travail dominical aux seules professions nécessaires : hôpitaux, boulangerie, électricité

    Mais le travail du dimanche est tout de même le symptôme d’une société qui perd ses repères…..

  • Isaie , 5 octobre 2013 @ 8 h 14 min

    Vous trouvez formidables les moments que vous passez avec votre épouse, du fait qu’ils sont rares. Soit, c’est votre choix! Mais que ferez-vous lorsque vous serez tous les deux à la retraite, vous regardant 24h sur 24? Regarderez-vous la télé, irez-vous vers d’autres femmes? Rechercherez-vous la solitude?
    Pour moi, j’ai aimé travailler avec mon épouse et vivre 24h sur 24. Maintenant nous sommes à la retraite nous aimons être ensemble. Tout va bien et nous nous aimons toujours. Vous en sera-t-il de même? réfléchissez bien?

  • Isaie , 5 octobre 2013 @ 8 h 27 min

    Je suis chrétien et j’étudie la Bible en profondeur depuis des années. Je dois dire qu’à force de rejeter les lois de Dieu, nos pays se verrons acculées à la faillite la plus dure. Déjà il y a des commencements qui ne peuvent pas tromper. Vous cherchez du travail? soit, c’est une nécessité. Mais lisez attentivement les lois sociales et religieuses de la Bible et vous verrez qu’avec toutes vos pratiques, vous ne faites qui’attirer la ruine sur vous et sur la nation.
    Lisez attentivement tous les interdits donnés par ce livre mais aussi toutes les promesses pour ceux qui obéissent (je ne parle pas des dogmes religieux)

  • François Desvignes , 5 octobre 2013 @ 10 h 22 min

    Sans doute pas.

    Pourtant le Ciel est d’accord avec eux, contrairement à ce que soutient le Vatican.

    Car les Dix Commandements disent qu’il faut se reposer le septième jour, mais jamais que ce “septième jour” devrait être obligatoirement le dimanche, en tout cas pour tous, c’est-à- dire le même jour en même temps.

    PAR CONTRE le dimanche est bien le jour de la Ressurection du Christ,comme tel jour “spécial” de la semaine, et d’ailleurs la Réssurection est intervenue le premier jour de la semaine qui de ce point de vue n’est pas un jour chômé (c’est le sixième) mais un jour “sanctifié” : le Jour du début de la Création et le jour de la Ressurection sont les mêmes et ne forment qu’Un comme le Père et le Fils ne forment qu’Un..

    Peut-on travailler un jour sanctifié qui n’est pas de droit un jour chômé ? Pour le Christ ,oui, au moins en cas de nécessité, puisqu’il a soigné des malades le jour du sabbat, jour à la fois chômé et sanctifié chez les Juifs. D’ailleurs, aucun hôtelier catholique travaillant le dimanche n’a jamais été excommunié.

    Pas davantage on ne pourrait interdire à ceux qui ne croient pas de travailler le dimanche pourvu qu’ils respectent la règle du repos hebdomadaire.

    Et en définitive, qu’ils croient ou non cela ne change rien pourvu qu’ils prient et/ou se reposent au moins un jour par semaine.

    Néanmoins, si “le dimanche par roulement” était institué, on peut présager que soit on prierait tous les jours un peu soit plus du tout !

    Et en tout cas, que l’on prie ou pas , une chose devra être maintenu, véritable enjeu du débat : la règle du “dimanche identitaire” , premier jour (pour les Chrétiens) septième jour (pour les athées) de la semaine, mais en tout les cas jour des familles et amis des Français, entre eux.

    Le jour de trêve de l’Etat , jour de la Nation !

    Tout à la fois contre la politique et la fiscalité,(le Prince hors de nos foyers ! Nos achats exempts d’impôts ! )
    Anti judaïque et anti musulmane (pas de vendredi, pas de samedi cultuels ou culturalo-cultuels ! ).

    Pour le dire crument, un jour sans parcmètre et sans arabe.

    En un mot, libérale et antisémite (anti abrahamique).

    L’Identité française, l’Identité des Français.

    C’est cela le fond du tabou….

    …car cela fait déjà longtemps que même le dimanche ils nous mettent des parcmètres et des arabes un peu partout !

  • François Desvignes , 5 octobre 2013 @ 10 h 36 min

    Je dis que le Bon Dieu est de ton côté et vomit les Pharisiens qui la bouche pleine t’interdisent de travailler le dimanche !

    La preuve : voyant que ses disciples avaient faim il leur a donné des mac-do en plein dans la synagogue !

    Les Justes mettent toujours l’Esprit au dessus de la lettre, l’Intention avant les Actes et les Actes à la suite des paroles.

    Peut-être que tu mourras comme Lazare dans l’indigence et la douleur.

    C’est possible.

    En attendant : respect et salut.

  • Isaie , 5 octobre 2013 @ 10 h 41 min

    Selon la loi et non selon la tradition, le septième jour est le samedi. Maintenant, l’apôtre Paul dit, sans les critiquer, que pour certains tous les jours se ressemblent. Ainsi, cela signifie qu’il est nécessaire d’avoir un jour sur sept de repos, au minimum.
    Maintenant, aux religieux de se conformer aux nouvelles donnes. Sans cela, beaucoup de chrétiens déserteront les édifices cultuels pour fonder des Eglises de maisons, retournant pour cela aux Eglises des temps apostoliques et pouvant arranger leurs réunions sans être astreints aux lois ecclésiastiques. Mais il sera nécessaire que les Institutions civiles se plient aussi à ce genre de problèmes en faisant travailler les gratte-papiers de la même manière. Mais là, les gouvernements vont avoir de sérieux problèmes

Comments are closed.