Juppé ou le régal régalien ?

Alain Juppé sera sans doute candidat à l’élection présidentielle. La publication d’un livre au titre pertinent lui fait démarrer l’année en fanfare. « Pour un Etat fort » c’est-à-dire un Etat efficace et respecté et non pas un Etat obèse, impuissant et compatissant, correspond à l’attente de nombreux Français. Le souvenir de François Hollande proposant à Leonarda de revenir en France demeure comme une blessure de la dignité nationale. Les sondages sont favorables à Juppé, défavorables à Sarkozy comme à Hollande. Non seulement, Alain Juppé entame avec confiance les primaires « républicaines », mais sans doute n’écarte-t-il pas l’idée d’une candidature « gaullienne »en dehors du parti si l’honnêteté du scrutin laissait à désirer. Après tout, le centre droit l’a souvent emporté en présentant deux candidats au premier tour d’une élection présidentielle. Les 20 propositions « régaliennes » du candidat le situent plus à droite que prévu. Cela renforce ses chances pour la primaire ou pour le premier tour. La préférence dont il pense jouir par rapport à Sarkozy au centre voire à gauche le servira à la primaire comme au second tour.

On reconnaît le style du technocrate et lieutenant de Chirac dans la série de propositions techniques avancées. On le pensait immigrationniste. Il cible quelques excès insupportables de l’accueil des immigrés et propose de limiter l’A.M.E aux cas d’urgence, de conditionner le regroupement familial au travail, d’accélérer les procédures d’asile en limitant celui-ci aux ressortissants des pays non-sûrs, d’exclure du droit du sol les enfants de clandestins. De même, il met le doigt sur les errements de la politique pénale, en programmant 10 000 places de prison, un rétablissement de l’ordre et de la loi dans le milieu carcéral, une révision de la réduction des incarcérations, dont le double assassinat de Rouen vient de rappeler l’ineptie, la restauration des peines-plancher, ainsi qu’un recours plus limité aux peines de substitution. Son but essentiel est d’incarner une politique de fermeté que beaucoup de Français appellent de leurs voeux : légitime défense élargie pour les policiers, suspension des allocations familiales pour l’absentéisme scolaire, amendes immédiates pour les fumeurs de cannabis. On retrouve le regard positif du Maire de Bordeaux sur l’Islam dans son idée de « pacte » afin d’assurer l’intégration de la religion musulmane. Il l’équilibre toutefois par de plus grandes exigences laïques dans les services publics et par un contrôle plus sévère des djihadistes sur internet comme à leur retour. Il aurait voté la déchéance de nationalité s’il était député mais considère cette mesure comme inutile plus que comme une atteinte aux droits. Il est vrai qu’elle est pour l’Elysée un symbole brandi pour cacher l’absence de décisions plus concrètes, mais si le symbolique sans les actes est inefficace, n’est que du vent, les solutions techniques sans symbole perdent de leur sens et ne sont que du brouillard. Une politique, ce sont des actes accompagnés de symboles qui leur donnent sens et cohérence. C’est ce que le technocrate a du mal à comprendre.

Les chances d’Alain Juppé ne sont pas minces. Il offre un profil qui correspond aux attentes et aux besoins. Il rassurait par son image d’homme politique compétent. Sa réussite à Bordeaux la conforte. Sa placidité, sa froideur compensaient l’agitation et la nervosité de Sarkozy. Ses propositions le resituent à droite, là précisément où son concurrent avait l’avantage. Les Français ont, pour beaucoup, soif de fierté nationale. Celle-ci exige du Chef de l’Etat une dignité qui a souvent fait défaut. Les scènes où Sarkozy accueillait Kadhafi à Paris avant de précipiter sa chute sanglante quelques années plus tard correspondent mal à cette aspiration. L’empressement de François Hollande envers les Saoudiens, qui viennent de faire exécuter 47 opposants au risque d’accentuer la guerre au Moyen-Orient entre chiites et sunnites, n’a guère été reluisant. Sans doute, un Chef d’Etat plus circonspect, plus réservé voire distant, retrouvant l’idée gaullienne du prestige, serait-il plus conforme à l’aspiration des Français, abreuvés de communication à court terme, de signaux et de gesticulation. Enfin, les Français ont toujours eu un faible pour ceux qui ont souffert en chemin. C’est la règle pour les Présidents de la Ve République qui ont été réélus Mitterrand ou Chirac, sans parler de de Gaulle. Giscard, Sarkozy, ou Hollande, élus trop tôt et trop facilement n’ont pas ou n’auront sans doute pas cette deuxième chance. Le parcours plus difficile de Juppé doit lui laisser des espoirs.

La posture est habile, les idées bienvenues, mais récemment, interviewé par Pujadas, Alain Juppé avait oublié avoir défendu la préférence nationale. Cette amnésie laisse planer un doute sur la sincérité et la détermination des propositions actuelles. Quant à sa capacité de créer la rupture évidemment nécessaire pour le pays, on peut bien sûr s’interroger sur elle.

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33 Comments

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  • Olivier84 , 5 janvier 2016 @ 17 h 00 min

    Ha ha ha ! Les français sont vraiment des idiots ! Vous avez cru en Sarkozy ? Déçus, vous vous êtes reporté sur Hollande ? Et bien, avec Juppé, vous avez dans le même baril de lessive du Sarko et du Hollande. Autant dire que nous allons bien avancer … rires !!!
    Ceci dit chapeau monsieur Juppé : le coup des promesses ça marche toujours autant. Vous auriez tort de vous en priver si les électeurs sont assez bêtes pour les croire :-D

  • monarc , 5 janvier 2016 @ 17 h 07 min

    Incroyable le culot qu’ils ont tous. Mais, nous avons de la mêmoire, et même si il se droitise , retournant sa veste avec panache, je ne crois pas du tout en lui. Ses prouesses gouvernementales n’ont pas été toujours dignes notamment sous Chirac ! Sa trahison avec Fillon ,au parti qui nous a fait tant de mal et son copinage avec l’autre traitre du Béarn qui a voté Hollande, de même que son mentor Chirac ceux-ci n’ont pas pensé du tout à la France ., car ils savaient ! Ce qui me fait dire qui se ressemble s’assemble !!! En plus son insistance à vouloir des primaires ouvertes pour plaire à tout le monde, ne nous convient pas du tout, çà ressemblera à un vote mou, indécis et d’évitement du pire !!!!!!!!!! et moi je crains le pire ., Mr Vanneste que j’apprécie par ailleurs.

  • Vajra , 5 janvier 2016 @ 18 h 10 min

    Young leader de la Fondation Franco Américaine d’où viennent le Président actuel, les ministres de l’économie, de l’éducation nationale, et j’en passe et des meilleurs, on ne voit pas ce que le personnage qui a reçu en grande pompe à Bordeaux ladite fondation, amènera de neuf dans la politique formatée menée par cette fondation dans le paysage Français, qui ne l’est plus depuis le Président Charles de Gaulle.
    Pour celles et ceux qui ne veulent pas être dupés, parcourir les listes des Young leader depuis les origines http://www.frenchamerican.org/youngleadersclasses, vous allez être vraiment surpris de voir que le terme de Janus convient parfaitement aux partis qui n’ont qu’un seul écho : la politique qu’on leur dit de suivre, un point c’est tout, le reste n’est que vanité et illusion, qui sont les fourriers de la propagande.

  • borphi , 5 janvier 2016 @ 18 h 59 min

    Juppé le candidat du rétro-patinage vintage,
    Le caméléo-énarque !

    Tout de même , il faut reconnaître qu’il a mis un bon coup de ripolin de droite à son prochain programme.

    Mais bon ! Est-ce que cela suffira à convaincre ?

    En 1995 , il n’a pas tenu la route.
    En 2011, il a soutenu avec Obama et Sarkosy la guerre en Lybie .

    C’est du lourd tout cela !

  • Catholique & Français , 5 janvier 2016 @ 19 h 37 min

    Comme tant d’autres, comme Clémenceau, Chirac ou Mitterand avant lui, comme Valls ou Macron le seront après lui, Juppé est un vieux cheval sur le retour : on efface tout et on recommence ! Maurras expliquait il y a un peu plus de 100 ans que les politiciens en démocratie étaient comme des enfants gâtés amateurs de carrousels de chevaux de bois : on fait deux trois petits tours sur le manège, puis l’on descend ou l’on se fait virer par un autre ou par un coup du sort ou de la Justice. Le temps de se faire oublier, on attend avec impatience que les autres fassent leurs deux trois petits tours dérisoires et on remonte à son tour sur le manège. Sous la Troisième, comme sous la Cinquième République, la vie politique se résume, hélas, à cela… Et c’est la France éternelle qui trinque ! Quant aux boniments électoraux des démagogues modernes ou anciens, le politicien cynique expliquait il y a pas si longtemps : “Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent !”

  • steph , 5 janvier 2016 @ 23 h 49 min

    Un peu de décence, M. Vanneste. Souvenez vous qu’il n’y a pas si longtemps, M. Juppé était un de vos collègues, et que vous vomissiez sur le Front.

  • spacelab , 6 janvier 2016 @ 7 h 24 min

    On connait le spécimen.

    On a déjà donné en 1995.

    En plus c’est un repris de justice.

    Ce type est pire que Hollande.

    Il faut l’éradiquer à tous prix des présidentielles.

    Faut il être bête pour voter pour un type pareil.

    Mais il est vrai que les bordelais ont la trahison dans le sang, déjà avec les anglais …

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