Marc Crapez : « Taubira fait penser à Maurras traitant Blum de ‘détritus humain’ »

Entretien avec Marc Crapez, chercheur en science politique, sur la polémique autour des propos de Gérald Darmanin.

Que penser de la sortie du député UMP du Nord Gérald Darmanin ?
En fait, ce n’est pas un slogan, Taubira n’a pas été traitée de « tract ambulant en faveur du FN ». Il reste que ce propos, une fois isolé, prend des connotations d’extrême-droite pour trois raisons. D’abord, de par son allure injurieuse. Or, l’injure politique publique tend à être imputée au répertoire extrémiste et particulièrement à celui de l’extrême-droite.

« La généalogie renvoie au lexique du journaliste d’extrême-droite Léon Daudet, traitant son confrère de gauche Charles Rappoport ‘d’horreur ambulante’. »

Ensuite, à cause de son aspect de bon mot, car le calembour politique est renvoyé dans les limbes du lepénisme. D’autant que l’on peut considérer que ce n’est « même pas drôle », que cela n’a pas la dignité d’être un mot d’esprit, ni l’excuse de relever d’un répertoire rigolo, voire que ça n’est pas « très relevé ». La généalogie renvoie au lexique du journaliste d’extrême-droite Léon Daudet, traitant son confrère de gauche Charles Rappoport « d’horreur ambulante ». Beaucoup plus récemment, en 2013, au Sénégal, un rappeur traita le politicien Cissé Lô de « gros singe ambulant ». Et en 2014, en Tunisie, un politicien traita un candidat rival, Beji Caïd Essebsi, de « cadavre ambulant ».

Enfin, le mot est malheureux, car il tend à suggérer que, telle un homme-sandwich, Taubira porte sur elle son laxisme, or comme elle porte également sur elle sa couleur de peau, cela créé donc une confusion.

Comment peut-on décrypter la réponse de Christiane Taubira ?
Taubira riposte par un chapelet d’amabilités. Elle énonce, en effet, une quintuple flétrissure, en adoptant le langage de la commisération morale (pitoyable), mentale (se soigne, trépidation), sociale (pauvre, indigent, ramasser), culturelle (incapable, inculte) et humaine (« déliquescence de l’UMP », « déchets même de la pensée humaine »).

« Le terme ‘d’inculte’, renvoyant l’adversaire à un stade moins évolué, peut tout aussi bien relever de la sémantique fasciste que de l’antifasciste. »

La commisération sociale peut être interprétée comme une stigmatisation des origines très modestes du député UMP, qui s’en est d’ailleurs plaint. La commisération mentale appartient notamment au vocabulaire de l’antifascisme. La commisération culturelle aussi, mais pas seulement. Le terme « d’incapable » est une injure politique archi-classique. Quant à celui « d’inculte », renvoyant l’adversaire à un stade moins évolué, il peut tout aussi bien relever de la sémantique fasciste que de l’antifasciste. En l’occurrence, son usage incite simplement à croire Taubira quelque peu imbue d’elle-même.

Enfin, la commisération humaine, qu’illustrent des termes tels que « déliquescence » et « déchet », rapproche Taubira de ce qu’elle prétend combattre. Car c’est une forme de déshumanisation qui met l’adversaire au rebut. Cela ferait penser à Maurras traitant Blum de « détritus humain ».

A qui profite la polémique ?
Cette polémique ne profite à personne. Elle accentue une impression de deux poids deux mesures, où certains sont surprotégés par un traitement de faveur, tandis que des Nadine Morano ou Marine Le Pen paraissent attaquables à souhait. Georges Frèche avait soulevé un tollé en qualifiant les harkis de « sous-hommes ». Or, le propos de Taubira n’est pas spontané mais, enhardie par le soutien unanime des députés de gauche, c’est une construction intellectuelle qui sur-réagit en visant réellement les origines de Darmanin, conformément au stéréotype d’extrême-gauche qui attribue la responsabilité du fascisme à de petits-bourgeois mal éduqués, alors même que le jeune député UMP, lui, n’avait au fond rien dit de mal.

« La séquence Charlie a héroïsé unilatéralement un immigré clandestin et des policiers issus de la diversité. »

Se trouve confortée l’opinion de 76% des sondés, selon lesquels « on ne peut plus rien dire sans être raciste ». Cette injustice est accentuée par l’absence de visualisation, dans les médias, de journalistes de sensibilité FN (ce qui fait la gloire de Zemmour qui s’abstient de critiquer ce parti). Cette privation de pluralisme est envenimée par la sollicitude sélective des élites. Le président du Sénat ne vient-il pas de prendre fait et cause pour un immigré clandestin ? Même la séquence Charlie a héroïsé unilatéralement un immigré clandestin et des policiers issus de la diversité. Souvent privée de modèles d’identification, une partie des « petits blancs » délaissés se tourne évidemment vers le FN.

> la page Facebook de Marc Crapez

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24 Comments

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  • rovigo , 6 mars 2015 @ 8 h 24 min

    Voila un argumentaire bien alambiqué et bien obscur (si je dis sombre je vais être traité de raciste) Cela dit, la conspiration du silence est brisée! Relisez (ou lisez) Léon Daudet si vous voulez rigoler, les politiciens de son temps étaient aussi médiocres que les nôtres. Relisez Charles Maurras si vous voulez réfléchir

  • Catholique & Français , 6 mars 2015 @ 9 h 03 min

    A la décharge de Léon Daudet, les adversaires politiques ou autres qu’il ridiculisait étaient, le poids du temps l’a malheureusement confirmé, à quelques rares exceptions près (Herriot…), profondément médiocres et méprisables. Quant aux mots très durs de Maurras sur le socialiste Blum, il ne faut pas oublier, également à sa décharge, que celui qu’il qualifiait également de “jument palestinienne” fut l’un des principaux responsables de l’une des pires catastrophes de l’histoire de France : l’invasion nazie de 1940. De cette catastrophe, la France contemporaine ne s’est toujours pas remise, loin de là…

  • Enoch , 6 mars 2015 @ 10 h 51 min

    Taubira est dans la même vaine culturel, qui a permis, à Haïti, de transformer une ile riche et prospère, en le pays le plus pauvre au monde, où la corruption et le crime se situent à tout les niveaux.
    Haïti est la première démocratie noire, la plus ancienne et la preuve parfaite que la pensée victimaire (dont Taubira se fait l’étendard) ne génère que des bidons-villes.

  • penelope , 6 mars 2015 @ 10 h 53 min

    la couleur de peau n’a rien à voir avec le comportement de la personne,si certains l’utilisent c’est à cause de son comportement,de la façon de s’imposer parce que ministre de la justice;il faut parfois balayer devant sa porte avant de juger les autres,se juger soi-même.

  • jejomau , 6 mars 2015 @ 11 h 09 min

    Marine le Pen a dit qu’elle ABROGERAIT LA LOI SCELERATE DE TAUBIRA sur le pseudo-mariage:

    “Je suis opposée au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe, tout comme à la PMA et à la GPA. Si nous arrivons au pouvoir, nous reviendrons sur cette loi. “

  • Zébulou , 6 mars 2015 @ 12 h 12 min

    Excellent ce commentaire ! Ce parallèle entre Haïti est la France est tout à fait pertinent.

    Une remarque sur le sujet initiale : Il me semble que Charles Maurras aurait pu être mieux inspiré. L’insulte se doit d’être créative et drôle sous peine de salir celui (ou celle) qui la profère.

    Mais gardons nous de tout amalgame.

    Z/.

  • Jean-François Ygonnet , 6 mars 2015 @ 12 h 31 min

    Marc Crapez, un “chercheur” en science politique qui semble avoir du temps à perdre en comptant les poux sur la tête des chauves plutôt que d’analyser les faits en raison de leurs conséquences, et à condition de déterminer objectivement les conséquences bonnes ou mauvaises afin de remonter tout aussi objectivement aux faits qui les ont engendrées.

    Et quand on est chercheur en “science” politique, c’est admettre que la politique est une science qui tient compte de l’expérience d’où l’on tire des lois et permet de considérer quels sont les régimes qui ont apporté un “bienfait” pour la France et ceux qui l’ont anéantie.

    C’est très simple pourtant, la Monarchie, dans le premier cas, a réalisé “la France”, la république, dans le deuxième cas, incapable de projeter à long terme une action constructive et durable, a dilapidé l’héritage et confié le sort du pays à des mains étrangères.

    Pour prétendre user du titre de “chercheur en science politique”, il faut se plier à la rigueur scientifique, s’y soumettre et ne pas batifoler à propos de plaisanteries de “potaches” même si pour certains auteurs dont la “qualité” ne souffre d’aucune comparaison, le qualificatif employé n’est que le condensé de méthodes politiques ayant entraînées un désastre.

    On peut souhaiter espérer obtenir de Monsieur Crapez des analyses politiques d’un autre niveau et qu’il évite lui-même de coller des étiquettes préprogrammés et inadaptées sur certains personnages sans vérification “scientifique” préalable. Cela s’appelle de l’Objectivité.

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