Mystique ou adulation cytologique

Tribune libre de Jacques-Yves Rossignol

Je me trompe peut-être, mais on n’entendait plus parler de la Création et des créatures de Dieu dans l’Église du Christ. En tous cas, je n’avais pour ma part aucun écho de ces paroles essentielles à travers les homélies, encore moins à travers la « presse catholique » Quelle joie d’entendre à nouveau cela de la bouche du pape François : les créatures de Dieu ! Comme c’est beau et évocateur ! Et juste, puisqu’il y aussi les bêtes, la nature !

Depuis des années, je t’entendais parler que de la “vie”, du “respect de la vie” et c’était là un discours rien moins que clair. Il y aurait énormément à dire. Mais, en gros, on avait l’impression que « la vie », cette vie martelée jusqu’à saturation par un certain catholicisme, elle était de plus en plus étrange, de plus en plus réduite et pour tout dire, de plus en plus morte ! La vie, c’était d’abord la vie exclusivement humaine (tant pis pour les autres créatures de Dieu !) puis on comprenait implicitement que la vie, c’était avant tout celle de l’embryon, et pour finir on apprenait que la vie à défendre, c’était celle des cellules embryonnaires !

C’est à dire que la vie, c’était tout sauf la réalité de la Création dans sa totalité et dans sa réalité naturelle et historique. On était donc en plein réductionnisme glacé, à la remorque des définitions les plus contingentes et les plus passagères de la vie par les biologistes, les biochimistes, les généticiens qui, eux, sont, heureusement, parfaitement conscients du caractère approché, régional et provisoire de leurs conceptualisations et donc de la contingence historique de leurs paradigmes.

Cette réduction de la religion au « respect de la vie » à l’embryolâtrie, à la cytolâtrie (je rappelle que la cytologie est la science qui étudie le vivant au niveau de la cellule), son origine historique et ses fonctions ne sont que trop évidentes. La cellule vivante que nous devrions adorer et respecter, elle est effectivement vivante mais comme l’individu du capitalisme pourrissant : elle se nourrit, elle excrète, et basta ! Cette vie de type embryonnaire ou cellulaire, évidemment inconsciente et apathique, promue jusqu’à l’obsession, c’est bien celle qui est imposée aux hommes adultes par l’industrie culturelle du capitalisme pourrissant.

Et c’est effectivement le modèle de vie que nous proposait depuis trente ans peut être l’Église qui avait choisi, consciemment ou non, d’ignorer la complexité proprement épistémologique et historique des conceptions de la vie pour être à la traîne et à l’affût des analyses partielles et régionales de la biologie.

Alors, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour commencer à percevoir par quel truchement cette conception étrange de la vie a pris la place de la vie réelle, historique dans la théologie contemporaine.

C’est un résultat parmi bien d’autres de la glaciation mentale générale qu’a induit peu à peu le capitalisme le plus âpre, et que l’on désigne habituellement par le concept de réification. On pourrait citer par exemple l’animal de ferme devenu une pure machine à produire de la viande et on a confirmation d’une profonde cohésion dans l’horreur de la réification en remarquant que la divinisation de la vie cellulaire est corrélative du plus profond oubli et mépris de l’animal de laboratoire pour lequel la gent pseudo-catholique dressée (il n’y a pas d’autre mot à ce niveau de non-pensée) à l’adoration des cellules n’a jamais, jamais eu la moindre trace de compassion. Il y aurait encore beaucoup à dire en suivant le chemin que je viens de tracer mais cela serait long et complexe. Je dois, en conclusion, aller à l’essentiel.

On avait cru comprendre que le christianisme était la religion de la divinisation de l’homme lors de son retour à Dieu par la médiation de Jésus christ et à travers les acquis de l’expérience mystique. C’est peut être par le rappel de cette expérience mystique que l’Église aurait pu éviter de se donner le ridicule de l’adoration des cellules embryonnaires et de l’oubli corrélatif d’une création, hommes et bêtes, qui vit certes mais dans un tout autre sens, phénoménologique et existentiel, et qui, souvent, souffre. Mais peut être aussi que certains avaient intérêt à faire oublier l’expérience mystique et à transmuter l’Église en une confrérie proposant pour tout objet à ses fidèles l’adoration pleurnicharde des cellules « humaines ». Difficile de trouver un meilleur moyen de crétinisation et d’infantilisation, il faut l’avouer.

Espérons que le cauchemar de la prosternation devant les cellules embryonnaires va prendre fin avec le pape François. Il semble, lui, se souvenir que les Évangiles, ce n’est pas une adoration figée et stuporeuse de la matière, fut-elle organique, mais une histoire pathocentrée qui se passe entre des êtres vivants et souffrants et leur Créateur.

Related Articles

20 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Le Sacristain , 5 avril 2013 @ 9 h 27 min

    Bonjour,

    Quelqu’un pourrait-il m’expliquer le sens et l’intérêt de cet article ?

    Je le trouve, personnellement inutile et incertain.

  • Eric Martin , 5 avril 2013 @ 9 h 37 min

    À offrir à nos lecteurs un point de vue argumenté “divergeant” de la ligne défendue par de nombreux sites amis, pour que vive le débat d’idées en ligne. Nouvelles de France propose un contenu inédit à ses lecteurs et ne renonce jamais à les surprendre. Je suis moi-même en désaccord avec cette tribune mais n’ai pas peur du débat, étant personnellement certain de mon point de vue.

  • Athanase Ducayla , 5 avril 2013 @ 9 h 48 min

    Excellent article, qui est dans la veine de la critique de l’évolutionnisme. Considérer le tout plutôt que ses parties séparément évite en effet l’erreur Teihardienne, qui a fait beaucoup de grabuge dans l’Eglise.

  • Athanase Ducayla , 5 avril 2013 @ 9 h 51 min

    Pas du tout, cet article dénonce le rejet de la réalité intégrale, et dénonce également l’essentialisme à partir de parties du vivant contre le tout, la créature. Il est extrêmement important au contraire, pour la critique du matérialisme dialectique, qui est bien ancré dans les esprit malheureusement.

  • Goupille , 5 avril 2013 @ 11 h 38 min

    C’est aussi une explication du superbe ratage de l’Eglise catholique à accompagner les prises de conscience écologistes. Erreur que n’avaient pas faite les Protestants.
    Tout était résumé dans une formule imbécile selon laquelle l’écologie, c’était du paganisme.

    Sombres crétins.

  • Le Sacristain , 5 avril 2013 @ 11 h 50 min

    Ben ça alors, comme vous êtes intelligents et cultivés !
    Moi qui ne suis ni l’un ni l’autre, je ne comprends pas ce que veut dire cette tribune.

    Ce que je lis sont des mots ou des expression d’une rare violence :
    “adoration des cellules embryonnaires”
    “moyen de crétinisation et d’infantilisation”
    “embryolâtrie”
    “cytolâtrie”
    “adoration pleurnicharde des cellules « humaines »”

    Cette violence est, selon moi, parfaitement inutile et ne saurait prouver quoique que ce soi. Elle stigmatise, on ne sait pas bien qui et semble vouloir discréditer toute démarche de défense de la vie à naître…

    Sur le fond, l’auteur me semble opposer la défense de la vie embryonnaire à la notion de création, don de Dieu. Je lis aussi une drôle de confusion entre tous les êtres de la nature créée, l’humain, la bête de ferme ou le rat de laboratoire… Sommes-nous donc tous égaux ? Le Christ est-il donc venu racheter la création tout entière, y compris les vaches, les souris, les coquelicots et les œillets ?

    Je ne comprends pas qui (ou ce qui) est visé au travers de cet article. Qui sont ces “embryolâtres” ? Ceux qui agissent pour une prise de conscience de la valeur de la vie humaine (je dis bien “humaine”) dès sa conception ? ceux qui s’oppose aux projets qui visent à considérer l’embryon humain comme matériau de recherche, voire commercialisable comme n’importe quel autre… ?

    D’une certaine façon, cet article me rappelle mes “aumôniers”, clercs ou laïcs, d’il y a 30 ans qui refusaient la résistance à l’avortement sous “prétexte” qu’il fallait aussi que nous “pensions” au sort des animaux exploités et maltraités dans les laboratoires, dans les élevages et dans les les abattoirs (les mêmes ne retrouvent rien à dire à l’abattage rituel…) ; les mêmes qui nous expliquaient que ce qui comptait n’était pas tant la vie à naître que l’amour de Dieu (pour les moins hérétiques) et l’amour des pauvres…

    Ce qui est intéressant, c’est que cet article cite le nouveau pape, François, comme “libérateur” espéré de cet “embryolâtrie” parce que cet article est, à mon sens, plein d’ambiguités comme le sont les propos du pape François. Rien n’est faux, mais les choses sont présentés de telles façons que chacun pourrait y trouver son compte… d’où les dérives que l’on a vu fleurir dans les années 70 et 80 et qui sont déjà en train de revenir.

    La défense de la vie, de sa conception (“embryolâtrie”) à sa fin naturelle (“gérontolâtrie” ?) est une des expressions du respect de la création ; il n’y aura jamais d’authentique respect de la nature, de toute la nature, s’il n’y a pas de respect profondément ancré de la vie humaine, spécifiquement humaine avec sa dignité propre, qui est le sommet de la création avec sa finalité propre du “retour au créateur”.
    Il n’y a pas d’antinomie entre le respect de la vie embryonnaire et la tension mystique et souffrante de la créature et son créateur…

    Bon, il se peut aussi que je n’ai rien compris à cet article (plutôt abscons)… bien que l’ayant lu trois fois. Peut-être, finalement qu’il dit la même chose que moi… dans ce cas, il est encore plus incertain que je ne le pense !

  • encolere , 5 avril 2013 @ 12 h 46 min

    Lesacristain

    sans doute de rien d’ailleurs

    passe ton chemin et va prier ailleurs, tu nous pollues

    Rejoins ta loge et prie pour le grand horloger

Comments are closed.