Qui sert qui ?

Cela fait des mois que l’idée est en l’air. Cela fait des années que je vous relate les tentatives pitoyables des politiciens français pour tenter de taxer par tous les moyens les géants de l’internet, et notamment en s’attaquant à la bande-passante. C’est donc sans surprise, mais avec une assez grande lassitude qu’on découvre, encore une fois, une tentative de Bercy pour – à nouveau ! – taxer la bande-passante.

Alors qu’en 2010, le sénateur Marini avait proposé de taxer certains flux en tabassant les annonceurs publicitaires sur internet, alors qu’un peu plus tard, il s’était agi de faire payer certains acteurs (fortuitement américains) en fonction du volume de données personnelles collecté et détenu, alors que Fleur Pellerin (à l’Économie Numérique à ce moment-là) s’y était essayée il y a deux ans puis il y a quelques mois (à la Culture) sans grand succès, c’est donc au tour d’Emmanuel Macron de revenir à la charge avec toujours les mêmes arguments moisis : les pov’zopérateurs se font bouffer toute leur gentille bande-passante par les méchants zaméricains, et pour le moment il n’y a pas d’autre solution que de demander de l’aide au gouvernement qui pourra se rattraper en bombardant le contribuable qui a les poches très profondes.

Cette idée revient trop souvent, depuis trop longtemps, et les fonds manquent si cruellement à l’État français qu’il faut s’habituer, dès à présent, à ce que votre bande-passante soit prochainement taxée.

Eh oui, encore une fois, vous allez être amené à la tonte. Oh, bien sûr, on prétendra présenter la facture aux industriels, mais ceux-ci se contenteront, en toute logique, de la reporter, au moins en partie si ce n’est en totalité, aux clients finaux. Que voulez-vous : vous pouvez toujours mettre une taxe sur le lait, ce ne sera jamais la vache qui la payera. Et le plus agaçant, de loin, est que cette taxe n’est en réalité réclamée par personne à l’exception des habituels ponctionnaires, et surtout pas par ceux qui devront en subir la charge une fois mise en place, c’est-à-dire essentiellement, … les consommateurs.

Devant cette énième introduction d’une taxe à marche forcée, je ne peux m’empêcher de me demander combien de temps encore le peuple français — et dans une moindre mesure, le reste du monde aussi — va supporter cette domination systématique des États sur sa vie. Combien de temps faudra-t-il pour que chaque consommateur, puis chaque contribuable, puis mieux encore, chaque citoyen se rende compte qu’il est devenu l’esclave servile et constamment humilié de celui qui était désigné, au départ, pour l’aider, le protéger, et le servir ?

Regardez les choses en face : non, l’État n’est pas là pour organiser la ponction. Il n’a jamais été destiné à mettre son peuple sous le joug, pas plus qu’il n’a été conçu pour dénombrer le cheptel, en prendre les appétissantes mensurations, avant de le tondre, le découper ou le ponctionner autant qu’il lui plaît.

Dans un monde normal, dans lequel le citoyen contrôle effectivement les institutions, l’État doit demander, obséquieusement, avec la plus grande humilité, l’autorisation d’avoir le droit d’espérer obtenir éventuellement un pécule de la part du citoyen. Moyennant quoi, ce dernier lui accorde (ou non) cette autorisation, après un calcul éventuel. Encore mieux, le citoyen peut même déterminer a priori les postes de dépenses qu’il souhaite affecter à l’argent qu’il consent à donner.

La réalité est bien sûr un tantinet différente : l’État pioche ce qu’il veut, le citoyen doit se taire. L’État lui rend éventuellement s’il estime, de son propre chef, avoir trop pris. Parfois, il n’en fait rien. Dans les deux cas, le citoyen doit se taire. Et si l’Etat veut tout prendre, ce qu’il ne manquera pas de faire dans les prochains mois en France lorsque la situation partira en sucette, le citoyen devra aussi se taire.

Effectivement, on a complètement oublié qui sert qui. On a même inversé les rôles. Seuls quelques gauchistes pathétiques aux pulsions totalitaires mal contrôlées s’en réjouissent encore. Et seuls quelques naïfs sociodémocrates croient encore aux vertus démocratiques censées mettre un frein aux ardeurs étatiques … La bonne blague.

Non, décidément, on a complètement oublié que dans un monde normal, c’est le politicien qui sert l’électeur, et non l’inverse. Dans ce pays où l’électeur n’est plus qu’une clef pour la serrure des caisses publiques desquelles couleront les picaillons par millions, le politicien ne répond plus de ses agissements et n’a plus d’ordre à recevoir de son électeur qu’aux douloureux mais trop, bien trop rares moments du vote. Il n’est qu’à voir le luxe de précaution dont s’entourent les personnages de l’État, les élus et les politiciens en vue pour ne pas être en contact trop direct avec la foule, avec ce peuple qui l’a mis là, pour bien comprendre qui sert qui, qui se sert, et qui finance.

Décidément, on a totalement désappris que c’est le fisc qui devait servir le contribuable et non l’inverse. Dans un monde normal, une association à but non lucratif comme devrait être l’État, qui reçoit chez elle des donateurs qui amènent, tous les ans, des centaines de milliards d’euros (oui, des centaines de milliards !), ferait l’effort d’ouvrir toutes grandes ses portes, offrirait de bons fauteuils moelleux voire un petit café en cas d’attente, et finirait tout entretien par un merci presque obséquieux et, le regard inquiet, par la question rituelle « Vous reviendrez bien l’année prochaine, s’il vous plaît, dites ? »

En lieu et place de quoi, on a le droit à des horaires alambiqués, des réceptions glaciales, un guichet froid et des explications volontairement confuses pour extirper le maximum d’argent sous la contrainte. Et c’est vrai pour tous les services publics en général, qui sont devenus une illustration parfaite de ce parfait renversement de valeurs, où celui qui paye, lourdement, de sa sueur et de son temps, est reçu comme un chien, devant des grilles, appelé par un numéro inscrit sur un petit ticket de papier recyclé, et comment vous n’avez pas le Cerfa 27B-6 ? Ah mais désolé il va falloir revenir…

On a oublié qui sert qui, et qui, du policier ou de l’honnête citoyen, doit défendre qui (non, l’embuscade avec un radar n’est pas une protection, désolé). On a omis qui rapporte à qui, qui doit respect à qui. Non, messieurs les élus, je ne vous dois que le respect qu’on doit à un majordome, et encore, disons un intendant qui sabote son travail et celui des maîtres du château.

Et ayant ainsi inversé, petit-à-petit, mais complètement, la hiérarchie, on en a inversé le sens des valeurs, le sens du respect, et le sens des devoirs. Tout à coup, le citoyen doit son consentement à l’impôt. Il doit se rendre à tel guichet, à telle administration, à tel rendez-vous fixé par une autorité qu’il paye de son travail. Il est convoqué par l’élu, le ministre, le président comme un larbin auquel il doit obéissance. Il doit laisser le passage aux cortèges officiels. Il doit faire des efforts, il doit payer, il doit surtout se taire et mieux encore qu’encaisser, … décaisser.

Et devant tel renversement, nombreux sont alors ceux qui s’étonnent que les enfants ne respectent plus les enseignants, que les policiers maltraitent l’honnête citoyen, que le fisc harcèle le contribuable ou que le politicien méprise presqu’ouvertement le citoyen.

Quelque part, à un moment donné, ce citoyen s’est fait monumentalement entuber.

> H16 anime un blog.

Related Articles

12 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • maintenon , 5 juin 2015 @ 16 h 19 min

    Je me demande si un jour je pourrais lire que les sénateurs ( ceux qui sont dans la maison de retraire de la république) sont renvoyé cher eux et que les députés ont reversé la moitie de leur salaire a l’état (ou a nous contribuable) la je serais content Mais ce n’est qu’un réve

  • Charles , 5 juin 2015 @ 16 h 31 min

    La solution consiste simplement à fuir.
    La fuite extérieure consiste à sortir de France.
    La fuite intérieure consiste à ne plus entreprendre.

    Il est inutile de vouloir vaincre les forces de l’empire marronique.
    Ils sont partout et sont trop forts et trop déterminés.

    En face, les Français sont soit pauvres donc exposés et épuisés/amorphes
    soit riches donc protégés et négationnistes “modérés” du réel des pauvres.

    Pourtant, nous sommes les mieux placés en Europe
    pour rebondir grâce à l’héritage reçu de nos ascendants
    sur 2.000 ans de culture Chrétienne atrophiée de jour en jour
    depuis Jean 23 le félon ayant renversé en 1958 Grégoire XVII (Cardinal Siri)

  • Charles , 5 juin 2015 @ 16 h 38 min

    Pour ceux qui veulent juger sur pièces
    et se faire leur propre idèe sur le sujet,
    il y a plein de contenus sur Youtube avec des images d’archives.

    https://www.youtube.com/watch?v=BY2zcuZ1mOw

  • Laurent , 5 juin 2015 @ 18 h 14 min

    Victimisation et complaintes classique. On en a inversé le sens des valeurs ! C’était mieux avant !
    J’entends souvent parlé du respect dû au maire, à l’instituteur ou au notable, mais rarement le respect qu’ils donnaient alors qu’ils étaient payés par la communauté. Que bien avant, le sir ou le petit noble était craint par le serf et non l’inverse.

    Alors elle est ou l’époque ou celui entretenu par la communauté respecté la plèbe ? C’est l’organisation humaine qui veut ça, et on a peut être atteint une nouvelle sorte de sommet du scandale, mais je ne crois pas qu’avant c’était mieux.

    ————–

    Et dans un article précédent (http://www.ndf.fr/poing-de-vue/03-03-2015/une-neutralite-du-net-pas-tres-nette#.VXHHVc9_NBc), H16 expliquait que garder la ”neutralité du web” tel qu’actuellement, cela allait permettre l’innovation et tout et tout. Donc il se plaignait allègrement que tout allait mal, que c’était pas bien.
    En gros, les fournisseurs d’accès ne peuvent pas ponctionner par ko la bande passante, c’est mal, ca bloque l’innovation.
    L’état tente de ponctionner la bande passante … Pas d’innovation et tout ? Pas de boost pour les entreprises tentant d’optimiser notre réseau pour moins faire payer les grosses entreprises ?

    On a ici l’exemple type du râlage pour le râlage. Le but est de ne pas être content, on verra le sujet après.

    Qu’on ait gardé la neutralité du web, c’est très bien (explication de plusieurs personnes dans les commentaires dans l’article en lien). Que l’état puisse ponctionner, c’est sans doute légèrement moins pire que les fournisseurs même si on va certainement y venir.
    Et faut m’expliquer comment Google va faire pour me faire payer ses taxes. Google peut ronger ses marges, me mettre plus de pub, optimiser sa transmission de données (et diminuer ainsi sa future taxe), mais pas me faire payer plus, parce que je ne paye rien directement et que je ne compte pas filer du pognon à google pour mes recherches internet.

  • duroc , 5 juin 2015 @ 20 h 54 min

    ” Qui sert Qui … ? ” et qui a écrit cet article ? je voudrais bien le savoir …et je ne suis sûrement pas le seul … une vraie tartine interminable d’un zozo ( qui ne signe pas ses textes, ce qui est assez curieux sur ce site ) qui devrait réfléchir sur l’esprit de synthèse … ce qui nous éviterait d’avoir à lire cette espèce de galimatias … et à son auteur d’avoir mal aux doigts … parce qu’un gamin d’une classe de sixième serait bien capable d’en faire un résumé en dix lignes ! bonne fin de soirée …

  • bygp , 6 juin 2015 @ 3 h 45 min

    Le problème n’est pas nouveau, il y a toujours eu deux sortes d’hommes, les productifs et les profiteurs. Les profiteurs se sont renforcés au cours des siècles, en nombre et en méthodes, dès qu’un nouveau marché non-taxé apparaît, ils excellent dans l’art de créer des arguments justifiants une nouvelle taxation, et ils sont payés par l’état, c’est-à-dire par nous, le comble.

    On voit aujourd’hui le même genre de manoeuvres pour saboter le marché de la cigarette électronique, pourtant à peine plus nocive que le café… mais dont le circuit de vente a pris de vitesse les bureaucrates assignés à la croissance de la taxe globale. (Il est interdit de vendre des articles de e-cig sur des sites d’annonces entre particuliers, même si ce ne sont que des batteries)

    Heureusement pour nous, ce gros pachyderme étatique est lent à manoeuvrer, c’est nuisible en général pour la France, mais dans ces cas précis, il y aura toujours des petits génies non-asservis pour contourner les nouveaux péages. Taxer la bande passante ? Il y aura toujours un fournisseur (ISP) rusé pour échapper à la règle et en tirer de grOs profits.

    Ne désespérons pas !

  • DE MOI , 6 juin 2015 @ 16 h 15 min

    Cher Duroc. Un galimatias ? C’est faire bien d’honneur à cette panade indigeste sortie tout droit d’un chaudron d’arrière cuisine vaguement philosophique !

Comments are closed.