La CGT machine à dire non

Finalement ce 3 février, c’est bien le camarade Martinez, si souriant sur les photos, que le Comité confédéral national de la CGT a élu au poste de secrétaire général. Le nouvel homme fort du syndicat communiste a obtenu 93,4 % des voix. Ce score à peine inférieur aux records de l’époque stalinienne, et, disons-le aussi, légèrement en retrait par rapport à la tradition cégétiste depuis 1945, mérite qu’on revienne sur les épisodes précédents. Mais même avec cette nuance on reconnaîtra que Martinez Philippe a la gueule de l’emploi.

Tous le décrivent comme particulièrement dictatorial. “Sa gouvernance à la métallurgie, raconte ainsi le responsable d’une autre fédération, est très autoritaire. Ce qui court à la confédération, c’est qu’il ferait régner la terreur. Et qu’ils font profil bas dans sa fédé (1).”

Or, secrétaire général de la fédération de la métallurgie, Martinez avait déjà été proposé le 13 janvier comme nouveau secrétaire général par son prédécesseur démissionnaire Lepaon.

La veille de cette réunion, qui s’était soldée par un premier refus, 12 janvier, la commission exécutive de la centrale, composée de 56 membres, avait accepté cette candidature mais seulement par 28 voix contre 18 et 6 abstentions.

Dans une organisation passée en 1942 sous le contrôle des staliniens, cela fait désordre. On a aussi accusé le secrétaire général déchu d’avoir voulu piloter sa propre succession. Le personnage ayant été politiquement liquidé pour cause de scandales relatifs à son train de vie, malencontreusement révélés par des lettres anonymes adressées au Canard enchaîné, les vertueux camarades ne voulaient pas de cette apparence ridicule.

Le Monde analyse ainsi ce que Martinez incarne. On baptise à la CGT ce concept de “ligne Boulogne-Billancourt” :

“Martinez, est intervenu à cinq ou six reprises pour affirmer qu’après avoir été choisi comme futur numéro un de la CGT, il avait composé sa nouvelle équipe. Il a ensuite refusé toutes les propositions pour modifier cette éventuelle direction.” ‘C’est un bureau de purge stalinien’, commenta un responsable de fédération. ‘À aucun moment,ajoutait un autre dirigeant, Martinez n’a parlé de sa vision du syndicalisme. Il est incapable de rassembler la CGT.’ Ancien de Renault, patrons des métallos depuis 2008, M. Martinez n’a pas un profil de « réformiste ».

Cette ligne est jugée à la fois très revendicative et proche du Parti communiste dont il est très proche (d’après Libé) membre (dixit Le Monde).

Il y  a trois semaines, lors du vote de janvier, son refus d’ouverture aurait été très mal perçu au sein de la commission exécutive et il explique l’approbation à l’arraché.

Notons qu’alors sa compagne, Nathalie Gamiochipi, responsable de la fédération de la santé, “qui ne tient pas sa fédé” était allée jusqu’à voter en faveur de Martinez, en contradiction avec le mandat qui lui avait été confié, ladite fédération ayant décidé, à une majorité de 75 %, de voter contre cette proposition.

Mais Pierre Laurent avait affirmé le 7 janvier sur France Info souhaiter “au plus vite une CGT en état de marche”.

Il lui a donc fallu patienter quelques semaines, mais tout est rentré dans l’ordre.

Machine à dire “non”, bien rodée, bien relayée auprès des rédactions  sympathisantes des radios, toujours à la recherche de “grognes” la CGT s’enfermera sans doute dans son isolement sectaire, refusant de signer tout accord professionnel.

Les médias, toujours avides d’un nouveau cliché, ont adopté le contresens flatteur désignant le comité confédéral national (CCN) de la vieille centrale comme s’il s’agissait d’un “parlement”. Ce glissement sémantique ne doit pas être tenu pour innocent : c’est exactement le contraire, puisque les représentants des fédérations ne sont pas élus pour siéger à la CCN. Celle-ci ne fait que rassembler les dirigeants des structures corporatives et régionales. et cela s’apparente plutôt à ces assemblées de notables que les organisations islamiques appellent la “choura“… Pourquoi ne pas utiliser ce mot ? À moins qu’à la CGT, on lui préfère celui de présidium, ou de soviet ?

1. Cf. Libération du 3 février, qui juge bon de souligner que l’intéressé est“d’origine espagnole”. À quoi sert ce “scoop” inutile ? S’agirait-il d’une pierre dans le jardin du premier ministre ?

> Jean-Gilles Malliarakis anime un blog.

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18 Comments

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  • vu de sirius , 6 février 2015 @ 11 h 20 min

    Tiens ils ont choisi le sergent Garcia!

  • Vautrin , 6 février 2015 @ 12 h 16 min

    Une “CGT en état de marche”, c’est pour ce qu’il reste de l’économie française une marche funèbre. La CGT, c’est comme les verdâtres écolos : une minorité dotée d’un pouvoir de nuisance inversement proportionnel à sa représentativité.

    Avec un fossile stalinien à sa tête, la CGT s’opposera encore davantage à toute tentative, même timide, de libéralisation de l’économie. Grèves, occupations, séquestrations, chantages, prise en otage des usagers : tout cela va se multiplier dans une époque où nous avons un besoin vital de reprise économique.

    Tout ce qu’il reste à espérer, c’est que le stalinien exaspère les cégétistes au point qu’une révolution de palais le contraigne à lâcher le cocotier.

  • Alainpsy , 6 février 2015 @ 17 h 42 min

    Je suis allé, l’année dernière, voir Marine Le Pen en petit meeting, très sympathique. Il y avait, dehors, avec des drapeaux rouges, une trentaine de traines misères de la CGT qui gueulaient “halte au fascisme”. Il fallait voir le cortège, on aurait dit des alcooliques sortant d’un hôpital psychiatrique, totalement figés dans un délire d’oppression fantasmé, pathétiques dans leurs postures antédiluviennes, accompagnés de deux ou trois fossiles de l’éducation nationale et de quelques pouffiasses de la bien-pensance bouffies d’aigreur.
    Aujourd’hui, je ris à l’idée qu’à cette époque, pendant que les ringards, bien exploités dans le sens du poil marxiste, défilaient sous la pluie, le chef faisait des travaux de grand luxe sur leur dos !
    C’est pas beau ça ? l’exploitation du cégétiste de base par celui des hautes sphères, vas-y, serre le poing bien haut contre le FN qui met en danger ta liberté grand couillon, nous on s’occupe de tes cotisations, bien comme il faut, bien profond et de tout temps ! Et un petit coup d’internationale….et ça repart. Tous cocus et tous fiers de l’être.

  • Yves Tarantik , 6 février 2015 @ 17 h 54 min

    Il a la tête de l’emploi :
    Un camarade communiste à la Ceaucescu (et apparemment doté d’une “Elena” pour le seconder).
    ça promet un joli conte de fée pour les années à venir…
    Pauvres cégétistes…

  • Maurice , 6 février 2015 @ 19 h 34 min

    Vos détails sur les — traînes misères de la CGT — sont savoureux ! En plus, c’est tellement vrai.

  • Badola , 6 février 2015 @ 20 h 10 min

    Le voyou-métallo, et ses bacchantes staliniennes… A moi ,don Camillo !

  • Charles , 6 février 2015 @ 21 h 54 min

    Dans le regard, je lui trouve un petit air de DSK à NY,
    au Sofitel plus précisément, et face à qui vous savez.

    Il a une tête à faire peur aux enfants.

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