Plaidoyer pour un Buisson ardent

Je ne connais pas Patrick Buisson. Le lynchage médiatique auquel il vient d’être soumis me le rend sympathique. Il mériterait d’être triplement récompensé. Les citoyens sont dignes d’être informés sur ce que font et sur ce que sont les politiciens en qui ils placent leur confiance et à qui ils confèrent le pouvoir de les diriger. M. Buisson est un révélateur. Il dit que la plupart sont nuls, que celui qui les a nommés le sait et ne ressent pas de respect à leur égard. Il nous apprend aussi quel est le niveau de réflexion et de préoccupation au plus haut degré de l’État : une cuisine politicienne assaisonnée de mépris pour les personnes et de manipulation de l’opinion. L’effet est saisissant : les masques tombent. Même ceux qui ont soigné leur image auréolée d’une rigidité gaullienne ou qui sont entrés à l’Académie se montrent très en dessous des exigences requises. M. Buisson est une éminence grise, un homme intelligent, cultivé, mais qui préfère l’ombre à la lumière, les coups tortueux aux actions d’éclat, le vrai pouvoir des coulisses à celui, fallacieux, qui resplendit sous les ors des  ministères. On ne peut lui reprocher dès lors que celui qui lui a attribué ce rôle a montré par là quelle conception il se faisait de la démocratie : un conseiller du Prince est plus puissant qu’un Ministre, plus écouté qu’un élu. C’est lui qui compte, et non le peuple qu’on manipule, parce que son rôle est justement de penser la manipulation qui va permettre de prendre ou de garder le pouvoir et les nombreux avantages qui en découlent. M. Buisson est un cynique qui ne fait aucune illusion sur les capacités et les motivations des politiciens. Si Sarkozy l’a choisi, c’est qu’il pense de même et ne se fait pas pour lui-même une autre opinion de la politique. Les résultats ont été au rendez-vous. La stratégie buissonnière consistait à abandonner l’idée qu’il fallait se faire élire au centre pour, au contraire, siphonner l’électorat montant du Front National. Il a poussé le Président vers cet électorat populaire qui rassemble tous ceux qui, à droite comme à gauche, ne sont pas insensibles à la préférence nationale et souhaitent qu’on les protège davantage de l’immigration et de l’insécurité. Mission accomplie en 2007, et en voie de l’être en 2012. L’échec de 2012, ce n’est pas Buisson, mais les effets d’un mandat chaotique commencé par une stupide ouverture à gauche après la victoire à droite, bousculé par la crise et plombé durant la campagne par les réticences des belles âmes, un premier ministre inconsistant, une candidate nombriliste à la mairie de Paris, et les plus nuls des ministres, au premier rang desquels figure Mme Bachelot.

“Que Raffarin et consorts se consolent de leur manière lamentable de diriger le pays en accusant de tous les maux celui qui n’a pas leurs idées, comme si, eux, en avaient, devrait réjouir Buisson, l’âne de la fable qui mérite cette avoinée d’honneur.”

M. Buisson doit donc être félicité pour avoir été le seul à bien conseiller Sarkozy, pour avoir été l’un des seuls à défendre ces idées de droite que la France n’a jamais eu le courage de mettre en œuvre, en raison du poids paralysant des groupes de pression, des coteries, et du microcosme médiatique parisien. La lâcheté et l’ignorance sont très répandues dans notre caste politique. M. Buisson n’est pas ignorant, mais il placé son espérance dans le courage d’autrui alors même que sa conception des hommes l’incline au cynisme et à la certitude que peu d’hommes ont ce courage. C’est la faiblesse de son attitude. La question n’est pas de savoir s’il a trahi Sarkozy, mais de savoir si Sarkozy et lui ont l’idée d’une humanité où de tels comportements sont impossibles. Évidemment non ! Il a enregistré au cas où… et l’ancien Président tempête contre les risques qu’il court et non contre la déloyauté du confident. La loyauté n’est plus une qualité politique. Toute réussite à « droite » semble même reposer sur la trahison, celle de Chirac en 1974, puis en 1981, celle de Sarkozy en 1994  à l’encontre de Chirac, mais il avait commencé en « doublant » Pasqua » à Neuilly. Patrick Buisson a enregistré des conversations à l’insu des protagonistes. C’est un délit de captation, mais ce n’est pas lui qui a livré les bandes aux médias qui les diffusent. La curée à laquelle il se trouve exposé, par sa violence, a d’autres motivations que l’exigence morale, peu crédible chez les politiciens qui l’expriment.

La vie politique française est atteinte d’une maladie, la médiocrité, celle des compétences et celle des valeurs morales. Non seulement les résultats économiques nous placent aujourd’hui sous la surveillance renforcée de Bruxelles, mais encore il n’y a pas de jour sans qu’une affaire sordide ne vienne entacher l’image des deux grands partis et des responsables politiques. Alors, c’est notre grand La Fontaine qui peut éclairer l’affaire Buisson : « A ces mots on cria haro sur le baudet ». Que Raffarin et consorts se consolent de leur manière lamentable de diriger le pays en accusant de tous les maux celui qui n’a pas leurs idées, comme si, eux, en avaient, devrait réjouir Buisson, l’âne de la fable qui mérite cette avoinée d’honneur.

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24 Comments

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  • 0 / 10
  • rovigo , 7 mars 2014 @ 11 h 25 min

    La condition nécessaire pour devenir un homme d’Etat pourrait bien être une traversée du désert, cf Churchill, De Gaulle ou Clémenceau pour n’en citer que quelques uns, Sarkozy ne devrait donc pas se précipiter et jouer trop vite le retour. Il devrait mettre à profit cette traversée pour élaborer un véritable projet pour la France, incluant une refonte des institutions, aujourd’hui épuisées. Buisson a permis de montrer l’inanité de la classe politique actuelle; il réservait ses enregistrements probablement à la rédaction d’un livre comme Peyrefitte ou Attali;
    Quelle aubaine pour la classe politique que leur diffusion; elle se refait une santé en criant haro sur le facho comme d’habitude!

  • CASTELMAURE , 7 mars 2014 @ 14 h 06 min

    Bien analysé à ceci près que l’électorat “du Front national” n’était pas “montant” à l’époque; au contraire, tout laissait pensé que, au lendemain du deuxième tour de l’élection présidentielle 2002-qui avait avant tout démontrer l’incapacité de Jean-Marie Le Pen à accéder à la fonction suprême- ce dernier ne ferait pas le même résultat et, au mieux, reviendrait aux résultat de 1995.
    2002 a paru possible en raison d’un contexte particulier (absence de Pasqua…) alors que 2012 traduit davantage la modification introduite par la problématique “Marine Le Pen”

  • Jo , 7 mars 2014 @ 17 h 21 min

    81% ! Vous lui faîtes des cadeaux là ! Il serait à 17% de satisfaits !

  • DitratoKa , 7 mars 2014 @ 17 h 33 min

    Je suis surpris que des français espèrent encore en Sarkozy !!

  • Catoneo , 7 mars 2014 @ 18 h 00 min

    Désolé Monsieur Vanneste, mais M. Buisson n’est pas un révélateur en soi, et ses cassettes pas plus. Il n’y a pas de masques qui tombent car personne n’en porte puisque c’est inutile au milieu du peuple des veaux.
    Le maître de Buisson use de sa vulgarité naturelle pour renvoyer un écho populaire aux questions qu’il imagine qu’on lui pose. Son discours est primitif, son comportement en société grossier, sa posture diplomatique grotesque (photos au Vatican, photos à Zhonnanhai pour ne citer que les meilleures).
    Le “casse-toi-pauv’con” résume toute la philosophie de ce camelot de rue.

    C’est le système politique qui fabrique cette médiocrité. Un nain chasse l’autre, et celui-ci ventripote et fait du scooter ; on le dit froid calculateur égocentrique sous un travestissement débonnaire et rigolard. Où est son masque dès lors que nous le savons tous ?

  • Anne Lys , 7 mars 2014 @ 20 h 41 min

    Je partage votre scepticisme …

  • Anne Lys , 7 mars 2014 @ 20 h 46 min

    La curée contre M. Buisson, de la part de la gauche et aussi de la droite, prend de telles proportions que, sans avoir de raisons de le défendre (je ne le connais pas, je n’ai aucun lien avec lui ou sa tendance UMP), cela m’écœure et je me sens de plus en plus encline à le faire.

    Alors, je vais présenter l’hypothèse qui lui serait le plus favorable :

    Que ce soit pour préparer, dans un avenir plus ou moins lointain, un ouvrage historique sur le quinquennat de M. Sarkozy (sur ce qu’il espérait être son « premier » quinquennat), ou parce que, se sachant haï et craint non seulement par la gauche, mais sans doute plus encore par ceux des caciques de l’UMP qui pensent et penchent plus à gauche qu’à droite, et sachant que l’assassinat moral et même physique n’est pas exceptionnel dans les milieux politiques, il voulait, comme il l’aurait confié, avoir une « police d’assurance », M. Buisson prenait des notes. Et comme il est un homme d’aujourd’hui, et non du XIXème siècle, il ne les prenait pas avec un petit carnet de moleskine et un crayon, mais avec un appareil d’enregistrement.

    Jusqu’ici, pas de quoi fouetter un chat. Même s’il n’avait pas expressément averti M. Sarkozy et ses interlocuteurs de ces enregistrements, ceux-ci, n’étant pas des naïfs, savaient très bien que beaucoup des personnes qui les approchaient laissaient, comme par mégarde, leurs téléphones portables en position d’enregistrement. Ils savaient qu’il fallait toujours et partout surveiller leurs paroles et, s’ils ne le faisaient pas, ce n’est pas parce qu’ils avaient la certitude de ne pas être écoutés, mais tout bonnement parce qu’il est humainement impossible de surveiller ses paroles en permanence.

    Qu’elles aient été imprudentes (ou, mais je ne le crois pas, trop confiantes), les personnes dont les propos ont été enregistrés, y compris sans doute M. Sarkozy, préfèrent évidemment crier à la trahison plutôt que de reconnaître qu’elles auraient mieux fait de « mettre une garde à leur bouche » et d’y tourner sept fois leur langue avant de proférer certaines appréciations, et ce d’autant plus si celles-ci avaient le mérite de la vérité.

    Donc, supposons que M. Buisson n’avait nulle mauvaise intention en enregistrant les propos tenus autour du Président de la République. Mais qu’en a-t-il fait ? On peut supposer qu’il les gardait sous clef, ou dans un coffre bancaire. Comment se sont-ils retrouvés à la rédaction du Canard enchaîné ?

    L’hypothèse la plus répandue est que ces enregistrements font partie des documents qui ont été saisis lors des perquisitions qui ont été menées à son domicile et à son bureau dans le cadre de l’affaire dite des sondages de l’Élysée (dans laquelle Mme Taubira fait l’objet d’une plainte, étant à la fois juge et partie). En ce cas, comme on sait que les secrets des instructions n’en ont jamais été un pour le Canard, des personnes proches de l’instruction (n’en disons pas plus) les lui auraient communiqués, ce qui est parfaitement illégal, mais on sait que bizarrement, ce type d’illégalité, quand il est de nature à nuire à la droite, n’est jamais sanctionné.

    Mais M. Buisson aurait été fort imprudent, n’ignorant rien ni des risques de perquisition chez lui sous n’importe quel prétexte, ni du risque de voir ensuite le Canard ou autre organe de gauche en prendre connaissance, de conserver ces enregistrements dans des lieux aussi exposés. Il semble d’ailleurs avoir constaté la disparition d’une partie de ceux-ci avant ces perquisitions. En pareil cas, ce ne serait pas d’un viol du secret de l’instruction, mais d’un vol pur et simple, qu’aurait bénéficié le Canard. Mais on sait que l’illégalité de la source d’un document qui pourrait, peut-être, être à charge d’un adversaire de la gauche n’est plus, pour la justice actuelle, un motif suffisant pour la déclarer nulle, ou pour la suspecter (alors que l’absence d’une signature de greffier sur un procès-verbal suffit à annuler la condamnation d’un meurtrier par une cour d’assises ! – mais un meurtrier a droit à tous les égards de la loi, non un homme politique d’un parti adverse…).

    Qui aurait pu commettre ce vol ? L’éventail des suspects est très vaste, allant de personnes de son entourage privé ou d’amis politiques avec qui il se serait brouillé, à des truands achetés par des adversaires politiques (ou par de prétendus amis, qui ne supportaient pas qu’il incite M. Sarkozy à faire la politique pour laquelle il avait été élu et non celle que souhaitait la gauche). Il se peut aussi que, pour éviter de conserver ces documents dans ses locaux, il les ait remis à quelqu’un de confiance chez qui ils auraient été volés, à moins qu’il n’ait mal placé cette confiance et que le dépositaire des documents les ait détournés.

    Si les hypothèses que j’émets ainsi s’avéraient exactes, M. Buisson serait alors une victime et non un coupable…

    Et, jusqu’à preuve du contraire, je m’abstiendrai de participer à la curée contre le Buisson.

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