La Manif pour Tous, ne pas confondre brûlot et navire amiral

Tribune libre de Cyril Brun*

La situation actuelle de notre « mouvement » de masse, telle que je la perçois depuis ma vigie, ressemble peu ou prou à un immense vaisseau corsaire balloté en pleine mer, sur lequel rien n’aurait été arrimé et que pirates et navires réguliers de la Royale chercheraient à prendre à l’abordage,  pour les uns, ou à couler, pour les autres. Une vraie pagaille où s’entrechoquent barriques, cordages, canots et autres bastingages déboulonnés. Dans le brouhaha assourdissant des canons ennemis, du vent dans les drisses, des vagues ronflantes, des objets livrés à eux-mêmes roulent d’un bord à l’autre entre deux sauve-qui-peut tandis que chacun s’affaire courageusement à sa tâche isolé dans son carré ou sur son pont. Dans ce désordre, nul ne peut distinguer les consignes d’un état-major lui-même isolé, divisé, bien peu expérimenté et surtout, qui peine à sortir de ses rangs le pacha que tout le monde attend et qui seul pourra, sabre au poing, indiquer le cap à suivre et ainsi permettre aux  bordées affolées de hisser les voiles et barrer de conserve.

Cela ne veut pas dire que le commandant du navire doit descendre à fond de cale pour expliquer au chef mécanicien comment faire fonctionner ses pompes ou au manœuvrier comment reprendre un ris. Ils le sauront mieux que le pacha lui-même. Mais à eux de s’entendre avec le chef de quart pour régler l’allure en fonction des ordres du commandant. Or, aujourd’hui, chacun œuvre, souvent avec talent et génie, mais dans son coin parce que personne ne montre sabre au poing le cap. Nous sommes dans la désorganisation la plus complète, confinant à un désarroi grandissant. Et tout cela, parce qu’entre ceux qui veulent tout régenter et ceux qui se rebellent, ceux qui voudraient la place mais n’osent pas la réclamer, se confondant en stériles préséances, l’état-major se condamne à l’inaction et laisse le vaisseau sans erre, sans avoir le courage de le reconnaître et de faire jeter l’ancre, ce qui au moins éviterait que le navire parte à la dérive.
Car la grande question que posent matelots, officiers mariniers, aspirants et officiers, jusqu’au carré du commandant, c’est bien… Et maintenant ? Le bateau est là, c’est même une véritable armada équipée comme jamais, avec des équipages d’exception. Mais qu’en faisons-nous ? Les commandants vont-ils saborder leurs navires, de peur qu’ils ne tombent entre les mains des pirates de l’UMP ou du FN ? Le vaisseau amiral va-t-il s’entendre avec la flotte régulière et rentrer sagement au port ? Les équipages vont-ils déserter, se mutiner ? Telle est la grande question que soulève l’absence de commandant en chef de ce mouvement. Tous ces bâtiments, quels que soient leurs équipements et leurs raisons d’être, sont issus de ce vaste océan de mécontentement face à un projet de civilisation, dont le refus les a constitués en une véritable flotte unie sous un même pavillon. Ils se sont tous regroupés derrière le bâtiment le plus gros, celui qui semblait le plus fort au point de leur laisser croire qu’il pouvait être le vaisseau amiral. Mais le comportement erratique de ce vaisseau révèle chaque jour davantage qu’il ne possède ni carte ni boussole à bord et que le gouvernail, bloqué sur le « mariage gay », fonce sans discernement sur tous les récifs qui l’entourent – union civile, peur de l’homophobie, peur d’être pointés du doigt pour fascisme, extrémisme -, et fait courir le risque de dislocation de la flotte jusqu’à demain l’entraîner dans le Triangle des Bermudes.

“On ne gagne pas la guerre avec des brûlots.”

Il est grand temps que l’ensemble des commandants de navires, des AFC aux Hommen, en passant par le Camping pour tous, le Printemps français, l’Humanité Durable, l’Alliance Vita, l’Ecologie humaine et tant d’autres prennent conscience que ce qu’ils ont cru un temps être un navire amiral risque de se réduire à un formidable brûlot. On ne gagne pas la guerre avec des brûlots. Une fois la flotte ennemie affaiblie, que font les autres bâtiments ? Ils engagent le combat, s’ils ont un stratège, ou virent de bord pour retourner  se perdre dans l’immensité de l’océan.

Voilà ce qui risque de se passer le 26 mai 2013, si derrière les brûlots des actions passées, la flotte n’est pas en ordre de bataille. Car ne nous y trompons pas : se battre uniquement pour couler le mariage pour tous, c’est comme prendre en chasse un leurre. Le véritable objet de notre combat naval n’est pas d’investir le rocher du « mariage Taubira » qui  dépasse pour y planter le glorieux pavillon de la Manif pour tous ! Car l’espace que notre flotte doit réinvestir n’est rien de moins que le champ des valeurs de notre civilisation !

Que les commandants des différents navires et leurs équipages prennent acte de leur force, mais aussi de la faiblesse que constitue l’absence de véritable navire amiral avec carte et boussole. Se ranger derrière un vaisseau amiral, dans la marine à voile ce n’est pas se fondre dans le grand tout des sisterships. Chaque vaisseau est unique et répond d’une façon qui lui est propre aux mêmes conditions climatiques. Coordonner une telle flotte revient à laisser à chaque bateau la maîtrise de sa manœuvre sans cesser de voguer de conserve, être attentif à ce que la prise au vent des uns ne diminue pas celle des autres pour maintenir le cap et l’allure dont seul l’amiral et son état-major sont les garants.

Que notre armada de brûlots, de cabotiers et de corsaires deviennent cette flotte unie derrière son vaisseau amiral et la civilisation Taubira aura vécu !

*Cyril Brun est le délégué général de l’Institut éthique et politique Montalembert à Paris.

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32 Comments

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  • 0 / 10
  • A. , 7 mai 2013 @ 9 h 47 min

    Je ne savais qu’il y avait encore des gens en France, pour écrire ou penser ce genre de choses…

  • sacha , 7 mai 2013 @ 10 h 36 min

    Que de clapotis et d’évaporation alors qu’il faut prendre la Bastille !

  • Francois Desvignes , 7 mai 2013 @ 12 h 42 min

    Sous la cendre, la braise !

    Si le reste d’Israêl, celui qui n’ayant ni honte de son Dieu et de son Roi, fait plus que Les confesser puisqu’il Les revendique,

    alors sûrement, à la condition de sa revendication claire de vérité et droite de justice,

    tous les israélites se rallieront pour reconstruire Israël.

    Et douze suffirent pour refonder le monde.

    Or nous sommes plus de douze pour refonder la France, Lumière du Monde civilisé.

    Chaque jour, nous sommes toujours plus nombreux, toujours mieux instruits, toujours plus édifiés des nécessités et des valeurs de notre combat.

    Nous courrons de victoire en victoire à la manière du grain de blé sur l’échiquier doublant son nombre à chaque case.

    Au début, personne ne nous vît. Et quand ils nous voyaient c’était pour se moquer.

    Mais demain, quand ils nous regarderont, stupéfaits de nos progrès, ce sera trop tard pour eux ; nous les aurons déjà vaincus.

    Et c’est ce à quoi, sur une génération, nous sommes en train d’assister : nous organisons les funérailles de l’athéisme militant, de la laicité marrianiste, cette haine à peine polie de Dieu, de ses Fils, et en définitive du genre humain.

    Ce sera bientôt, avant même qu’ils nous regardent, le triomphe de la folie de notre Dieu ( Qui est aussi notre Roi, invaincu) sur la sagesse mortifère de Marianne (qui est déjà défaite)

  • Milou , 7 mai 2013 @ 23 h 32 min

    Il est drôle cet article.

    Personne ne semble comprendre les causes des succès de ces manifestations depuis 6 mois.

    Moi je crois avoir compris.

    Hier la classe moyenne supérieure était composée de contremaitres, aujourd’hui elle est composée de scientifiques.

    Le contremaitre ne pouvait pas se battre avec l’ouvrier, il ne pouvait se battre que contre lui, sans quoi toute la société s’effondrait et les usines ne tournaient plus.

    Mais aujourd’hui cette classe moyenne supérieure des scientifiques, professions libérales, auto-entrepreneurs, consultants, n’ont plus personne sous leurs ordres, ils sont donc désormais désireux de se battre pour eux, mais aussi pour ceux qui sont dans les classe sociale inférieure, pour les faire grimper et changer de classe, puisque tout le monde est travailleur indépendant, tout le monde est libre de ses combat politique.

    Et du chaos né l’équilibre.

    Vous ne comprenez pas que nous vivons quelques chose qui bouleverse notre structure sociale, comme la révolution industrielle !

    Les vaisseaux amiraux, les chefs, tout cela appartient au passé.

    Nous arrivons à un stade du processus évolutif, à partir duquel le dernier métier qui perdurera sera celui de chercheur.

    Et la recherche lorsqu’elle réussit, elle est comme notre manif, sans vaisseau amiral, perpétuellement en risque de chute.

    La désorganisation la plus complète est notre force.

    La mutinerie perpétuelle est le moteur de la démocratie semi-directe.

    La politique se fait et se fera ainsi désormais, dans tous les pays.

    Un chef ?

    Nous n’en avons plus besoin.

    Des mouvements sur le même principe apparaitront demain contre le nucléaire, contre l’euro et ils seront tout aussi désordonnés, tout aussi apolitiques, tout aussi incompréhensibles pour la classe politique.

    Et pour finir, la succession de ces mouvements fera naitre l’équilibre d’une démocratie semi-directe.

    Alors continuons à jeter des oeufs sur les députés UMP et à nous faire gazer en veillant avec les veilleurs chaque soir, puis dans le même désordre, commençons à porter d’autres questions, d’autres affiches, d’autres initiatives.

    Prendre un pancarte et écrire dessus :

    Tchernobyl = 980 000 morts (bilan provisoire)
    Communisme = 150 millions de morts
    Fukushima = 2 milliards de morts ?

    Cela ne coute rien et dans ce bordel il en sortira de nouveaux équilibres.

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