Drôle de couple franco-allemand…

Selon un sondage Odoxa, les Français jugent à 67% qu’Angela Merkel est la personnalité politique qui a le plus d’influence sur les décisions prises par l’Union Européenne. Ils sont 2% à croire que c’est « leur » Président, François Hollande, qu’ils placent derrière Mario Draghi, le patron de la BCE (14%), Jean-Claude Juncker, le président de la Commission Européenne (10%), et même Donald Tusk, le « Président de l’Union »(4%). Comme ces trois-là appartiennent à l’appareil européen, même si le dernier n’y fait que de la figuration, les placer devant « notre » Président national n’a rien d’absurde. Il est d’ailleurs rassurant de le voir à égalité avec David Cameron, le Premier Ministre britannique, et devant l’italien Renzi. Seulement, Angela Merkel n’est comme eux qu’un chef d’exécutif national, David Cameron est entre l’Europe et le Grand Large, et l’Italie pèse moins que la France. Il n’est pas difficile de trouver l’erreur : la vraie « patronne » de l’Europe serait la Chancelière allemande, à la tête d’un géant économique, certes, mais d’un supposé nain politique, dont les dirigeants français continuent à proclamer que la France est sur les deux plans, le complément parfait pour donner au continent, son moteur, le couple franco-allemand. Ce couple ressemble de plus en plus à ceux que Dubout dessinait : une matrone opulente conduisant un petit monsieur rabougri, comme Merkel conduisant Hollande devant une garde d’honneur de l’armée allemande…

L’Allemagne est le poids lourd de l’Union Européenne. Première puissance économique, quatrième mondiale, grâce à son industrie et notamment le secteur automobile qui se situe au plus haut niveau, emploie un Allemand sur sept et constitue 40% des exportations, l’Allemagne affiche un excédent commercial record de 217 milliards d’euros, et le chômage le plus bas du continent, à 4,7%. Cette performance économique a pour amont et pour aval, une gestion saine des finances publiques. La République Fédérale consacrait 46,3% de son PIB aux dépenses publiques en 1991, au lendemain de la réunification. Après avoir crû, celles-ci sont redescendues à 43,9% en 2014, malgré la crise. La paresse, le manque de courage, le laxisme de nos gouvernants ont fait passer le taux français de 45% en 1978, à 50,7% en 1991 et à 57,2% en 2014. Depuis 2012, l’Allemagne enregistre des excédents budgétaires et résorbe sa dette, de 80,3 % du PIB en 2010 à 73,1 en 2014. La France vogue sans vergogne vers les 100%, avec des déficits depuis les années 1970. Reste l’ombre de sa démographie et de son histoire : l’Allemagne vieillit, et continue à subir le poids de son passé. Ce sont les deux causes d’une insuffisante résistance à l’immigration et d’une très insuffisante implication dans les conflits armés qui sont à nos portes.

Le géant économique n’est plus un nain politique. L’élargissement à l’est de l’Europe, la meilleure santé du nord du continent forment une zone d’influence qui augmente son rayonnement. C’est l’Allemagne qui donne le « la » dans la crise grecque comme dans la crise ukrainienne. Mais cette prééminence « physique » par rapport à la France ne produit qu’une politique terne, dans la mesure où l’alliée fidèle des Etats-Unis, condamnée par son histoire à un pacifisme bêlant, est incapable de cette indépendance que les résultats pitoyables de notre pays et sa lamentable classe politique lui ont fait abandonner.

Le plébiscite des Français en faveur d’Angela Merkel ne se résume pas à la reconnaissance d’un rapport de force. C’est aussi un jugement sans appel sur la qualité des hommes et des femmes qui dirigent un pays et expriment souvent les qualités ou les défauts de celui-ci. Madame Merkel est sans doute le type « d’homme d’Etat » auquel les Français aspirent : digne et simple à la fois, ferme et mesuré, c’est-à-dire assez sérieux et responsable pour susciter la confiance. La Chancelière allemande est politiquement habile, comme sa longévité en témoigne, mais ce n’est pas une politicienne. Elle a été physicienne et chercheuse, elle sait faire autre chose. Nos derniers Présidents montrent à quel point les politiciens professionnels, passés ou non par l’ENA, ont été d’une redoutable inefficacité, privilégiant la communication et l’apparence, au détriment du courage des réformes. Ils passent à la tête d’un pays qui n’échappe pas à son déclin et se vautre parfois dans la décadence. On peut croire que Waterloo fut un jour de gloire et humer dans le parfum des violettes la griserie des retours. Il faut être plus lucide sur les conséquences d’une défaite, et ne pas excuser ceux qui en ont été les acteurs.

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13 Comments

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  • Phénix Royal , 6 juillet 2015 @ 22 h 12 min

    Que nenni, elle ne prend en effet pas ses décisions pour l’Europe mais pour l’Allemagne et dans l’intérêt prioritaire des allemands, ce qui est tout à fait légitime. Nos arrivistes prennent leurs décisions dans l’intérêt de leur petite communauté de courtisans donc ni pour l’Europe, ni pour la France. Voilà toute la différence.

  • Phénix Royal , 6 juillet 2015 @ 22 h 22 min

    … d’ailleurs si notre industrie se traîne loin derrière, ce n’est pas par manque de talents ni d’efforts, mais plutôt parce que nos plus grands groupes industriels sont menés par des “élites” qui ont subies le formatage kafkaïen de l’X, l’ENA et autres “grandes” écoles qui enseignent tout sauf l’efficacité et le bon sens.

  • Phénix Royal , 7 juillet 2015 @ 5 h 34 min

    MDR, quelle éblouissante objectivité, votre érudition me laisse pantois.
    Vous oubliez tout le reste, et la liste est longue : Optiques, ergonomie, tablettes graphiques, switches mécaniques, chaussures, aérospatiale, défense, informatique (HW et logiciels), transport (autres qu’automobile), recherche fondamentale émergente, bio-médical, cryptographie, chimie des matériaux, énergies nouvelles, instruments de musique… et ce n’est qu’un échantillon en vrac. En comparaison, les seuls domaines où on a une longueur d’avance : recherche en télécommunication, gros ouvrages, vitrages, nucléaire, vins, gastronomie, haute couture.

    Mais quels que soient les domaines, l’ingénierie française, pour une raison que j’ignore semble totalement fâchée avec l’ergonomie et la finition des produits. J’ai donc par exemple un téléphone portable Alcatel qui n’affiche pas le niveau de batterie quand je suis en ligne et qui éclate en pièces détachées si il tombe de 20 cm de haut… On a des tas d’idée mais on bâcle la conception, on fait du claquant au détriment de l’efficacité. Je préfère ne pas parler de l’ergonomie des sites web à la française ou des tableaux de bord de voiture, ça en devient comique. Et je ne juge pas de loin, je suis ingénieur généraliste.

  • penelope , 7 juillet 2015 @ 16 h 44 min

    je ne comprends pas comment on peut encore faire confiance à un pays qui depuis quelques années à reçu des centaines de milliards,dans quel but et ils en ont fait quoi?Pas payer leurs dettes,au contraire les as fait augmenter,n’a pas parait-il fait progresser le pouvoir d’achat;il serait bon de se demander où sont passés ces prêts?Ce ministre ne veut pas recevoir d’ordre de l’union,bien,cependant il veut continuer à être renfloué en promettant de rembourser en 2050,cela semble être de la bouffonnerie;ce monsieur doit se dire qu’il préfère les devoir toute sa vie que de les faire perdre;c’est vraiment se moquer des gens;et les autres tremblent à l’idée de sa sortie de l’euro,impossible de comprendre leur point de vue”ce serait une catastrophe pour tous ?” 28 pays sont dans l’union et un seul partant ferait tout s’écrouler,cela est douteux de la part de nos dirigeants et semblent cacher quelque chose.

  • tetene , 7 juillet 2015 @ 17 h 27 min

    mais oui cela cache qqchose:
    cela cache la peur de perdre leurs beaux fauteuils dorés pour les élus et leur sinécure Bruxelloise pour la noria de fonctionnaires de l’Europe, couverts d’avantages de toutes sortes à commencer par une retraite a 55 ans je crois et de l’ordre de quelques milliers d’euros mensuels. Alors si l’Europe de désagrège que vont ils devenir? Continueront nous à les engraisser à rien faire comme pour certains en France!!!
    Voilà une raison et sans doute y en a t il d’autres pas plus avouables mais moins évidentes
    pour nous le cochon de payant!!!

  • nauticat , 7 juillet 2015 @ 18 h 44 min

    bonjour Phénix Royal , et vous me dites ça maintenant ! Il fallait me le dire il y a tantôt 45 ans qu’il fallait épouser une Bavaroise !

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