Valls, ministre du verbe

Le talent de Valls, c’est l’éloquence du menton. Après chaque fait divers qui témoigne de la médiocrité des résultats de son action, il est sur les lieux et le port droit, le regard ferme, affirme que c’est inacceptable, inadmissible, intolérable. La foule applaudit. Quel homme ! De gauche, mais sécuritaire, voire autoritaire. Évidemment, à la longue, il va lasser : Marseille, la banlieue parisienne, la Corse… Les mots ne changent pas les choses. Alors, le Grand Chaman de l’Intérieur, devant l’ampleur de son échec marseillais, a lancé une nouvelle incantation. Le moyen de lutter contre l’emprise de la délinquance liée à la drogue, contre la loi des voyous qui règne et a rétabli la peine de mort à son profit, contre le surarmement du crime… c’est le Pacte National ! On en tombe par terre ! Ah! La toute-puissance de la pensée, la force irrésistible des mots ! À peine l’ont-ils entendu dans les quartiers-nord qu’ils en ont été foudroyés, anéantis, qu’en colonnes, ils se pressent devant les commissariats pour se constituer prisonniers… et être libérés aussitôt par manque de places.

Pourtant, sans doute pour plaire aux classiques conservateurs de droite, on ne peut pas dire que l’impérieux Manuel cultive l’originalité. Son mot magique permet certes aux journalistes qui ne disent rien et sont très contents d’eux, comme Barbier, de gloser, mais son « abracadabra » est usé jusqu’à la corde. On se souvient de l’utilisation efficace par Seguin du « Pacte Républicain ». Il l’avait soufflé à Chirac pour effacer la fracture sociale. L’illusion avait réussi. Chirac a été élu, l’illusion s’est dissipée et le nouveau Président n’a rien fait sauf dissoudre l’Assemblée nationale, un tour raté celui-là. Depuis, très régulièrement, le « pacte » est ressorti de sa boîte et permet d’annoncer des mesurettes ou de ne rien faire. L’essentiel comme toujours dans la magie, c’est la manière de prononcer la formule, d’observer le rite et les gestes. Le Pacte, c’est important et, quand il est républicain, quasiment sacré. La voix doit être solennelle, le ton inspiré. On doit sentir que ça ne rigole pas ! Alors, il est utilisé sur tous les bancs, de Marisol Touraine pour justifier sa politique hospitalière jusqu’à Ciotti pour fustiger la future loi Taubira.

Le Pacte, c’est du sérieux, du super-contrat. La preuve : on avait usé du mot pour le PaCS, tellement plus important que le ringard contrat de mariage. Le Pacte, c’est une convention, et solennelle encore. Le mot sert même pour les Traités entre États, comme celui de Varsovie, ou pour désigner la Constitution, comme en Suisse. Il y a dans ce mot un parfum qui mêle subtilement l’égalité pleine de respect mutuel des contractants, à la hauteur morale de leur engagement. Si vous ajoutez « républicain », la lumière vous auréole et la Marseillaise (!) retentit intérieurement : c’est la transe ! On revit la fondation de la République ! Donc, il s’agit ici d’établir une sorte de traité pas avec les délinquants, mais avec les « partenaires » sociaux et politiques, collectivités territoriales, services de l’État, associations pour déclarer la guerre à la drogue et au banditisme qu’elle génère. C’est comme un traité d’alliance contre un ennemi commun. Sauf qu’ici, on croyait être en guerre depuis longtemps, et que les alliés ne sont pas des puissances souveraines et égales entre elles. Celui qui devrait mener la lutte c’est celui dont la sécurité des citoyens est le premier devoir : l’État. Que des ministres avouent leurs joints de jeunesse, que d’autres soient favorables à des salles des shoot, et que certains de leurs amis militent en faveur de la légalisation du cannabis, tout cela montre bien qu’il y a besoin d’un pacte… dans la majorité, mais pas avec des communes, des services publics ou des membres de la société civile qui doivent à l’évidence concourir à l’ordre républicain et au respect de la loi, sans qu’il y ait besoin de pactiser.

D’ailleurs, c’est curieux comme le Français est subtil : le pacte est éclatant, pactiser sent le sournois. Passer du nom au verbe, c’est quitter la grand messe pour faire des choses qui se disent en confession. On pactise avec le diable, avec l’ennemi, on tombe du noble compromis dans la compromission inavouable. J’avais refusé la « transaction pénale » de Méhaigneries, parce qu’on ne transige pas avec le crime. Mon amendement avait triomphé moins par la force de mes arguments que par le souci des chiraquiens de contrarier Balladur qui m’en avait voulu. La logique de la gestion hôtelière des prisons l’avait emporté grâce à Perben quelques années plus tard avec la composition pénale. On ne doit pourtant pas non plus composer avec le crime. On applique la loi. On la renforce au besoin et l’État se donne les moyens de l’appliquer avec le concours de tous les citoyens et des entités diverses auxquelles ils participent plutôt que de perdre son temps et notre argent à s’occuper de choses qui ne le concernent pas. Il y a plus de morts en Guadeloupe qu’à Marseille, nous dit le Procureur de Pointe-à-Pitre. On craignait que ce fût pour relativiser. Non, c’était un SOS, mais qui se termine, on croit rêver, par une demande de cessez-le-feu. Il n’y a pas de guerre avec le crime, mais une injustice et un désordre dont sont victimes les Français, et qui proviennent du fait que l’État ne respecte pas le contrat social qui fonde son pouvoir et l’oblige à garantir la sécurité des Citoyens. Il n’est nul besoin d’un « pacte » superflu, que le ministre appelle « national », comme le Front, pour poursuivre sa mission de draguer la frange droitière et populaire de l’électorat. De Marseille à la Guadeloupe et ailleurs, les mots magiques ou non sont vains. IL FAUT DES ACTES !

Related Articles

39 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • ranguin , 8 septembre 2013 @ 7 h 06 min

    je continue
    Mais les phrases sont placées différemment dans son discours.
    En fait c’est un perroquet.
    Nous avons une volière au gouvernement.
    Une buse derrière un emeu à l’Elysée… je vous laisse la suite.

  • mariedefrance , 8 septembre 2013 @ 8 h 09 min

    L’occasion m’a été donnée de voir qq extraits du direct à Marseille.

    La réunionite avait les mêmes sanglots longs des violons qu’à l’habitude. Je me demande même si le constat a réellement été fait, pris en compte et en conscience.
    Il m’a paru que chacun des protagonistes présents (tous sauf FN) était en campagne électorale.
    C’était à qui mieux mieux proposait la lune.

    Valls -absent- continuait à battre le vent.
    C’est alors que je me suis dit : il attend la solution car il n’est , lui aussi, qu’exécutant !

    futur premier ministre ?
    future premier de France ?
    qu’on me laisse en rire !!!

  • mariedefrance , 8 septembre 2013 @ 8 h 15 min

    Vive la paix sociale au détriment de notre devenir mais en phase avec la décadence.

    Il arrive un moment me semble-t-il où il va bien falloir choisir ce que l’on veut et taper sur la table !
    Plus le temps passe avec ces socialo-bobo-coco, plus ils cassent les codes du bien vivre ensemble.

    Le flan écrasé ne peut “”rassembler””” ! Il ne tient pas droit à lui tout seul.

    quel joli mot que ce mot de “rassembler” !
    il va très vite réapparaitre dans le langage.
    La période va être propice.

  • Psyché , 8 septembre 2013 @ 16 h 10 min

    Voici la recette Hollande :
    – une sauce pseudo sécuritaire facon Manuel Valls,
    – une promesse de guerre sanguinaire façon Fabius, histoire de bien se faire saigner et contaminer …
    – un meli-melo homosexualiste, LGBT, théorie du genre, colonialo-éternel-repentant façon Taubira,
    – des promesses iniques de redressement productif façon Montebourg
    – des taxes , des taxes et des taxes, aux familles surtout …

    Non merci !

Comments are closed.