Wim Delvoye, suppôt de l’Art contemporain

Wim Delvoye, après Jan Fabre et d’autres pointures de l’Art très contemporain, l’AC, occupe le Louvre : rien de nouveau sous le soleil ? Si ! On nous dit que Delvoye, pour une fois, c‘est joli. Les affiches, les journaux exhibent son « gothique technologique » qui en séduit plus d’un : dessinées par ordinateur, des résilles flamboyantes sont plaquées par Delvoye sur toutes sortes d’objets. Notez que son gothique techno, Delvoye l’a d’abord appliqué sur une pelleteuse : histoire de dire « je déblaye le passé »… et dans une vidéo ci-dessous :

Wim déblaye à grandes pelletées : “On pourrait remplacer le mot art par le mot gaspillage…”, “pour moi l’art c’est pas grand chose…”  Dans un grand numéro de fausse humilité, notre Wim se sent tout petit face aux artistes du passé… mais “le Louvre est mieux avec les artistes contemporains que sans” ; quant à Notre Dame, elle peut mieux faire et Delvoye décerne des notes (ce qui est très vieux jeu) : 10/10 à son gothique dessiné par ordinateur !

Delvoye est connu pour avoir inventé « Cloaqua », la très technologique machine à fabriquer des excréments. Il faut écouter ce grand penseur de la postmodernité dire que la scatologie est le summun de la démocratie égalitaire… Delvoye nous donne une version bouffonne du désir secret de l’oligarchie au pouvoir : la démocratie, qui prend du temps et  coûte de l’argent, est à évacuer d’urgence.

“L’AC est l’art du fondamentalisme marchand.”

Le « joli » de Delvoye cache deux bombes : la première s’attaque à l’humanisme, car Tim a posé sous les lambris dorés du Louvre. Tim, cet homme dont Delvoye tatoua le dos en même temps qu’un cochon. Le cochon est une spécialité de Wim, il les élève dans une ferme en Chine, les tatoue, et quand un collectionneur veut son œuvre dans son salon, Wim tue le cochon, lui tanne la peau et le tour est joué. D’autant mieux qu’en Chine, notre BB nationale ne peut pas râler. Le défunt Tim subira le sort du cochon, Tim a vendu sa peau à Delvoye et dans le contrat signé avec l’artiste, Tim doit s’exhiber quelques jours par an, d’où sa présence au Louvre. Toute l’intelligentia pro AC s’émerveille de « cette manifestation ultime de la fusion de l’art et de la vie », quand on pense que le quai Branly vient de monter une exposition pour expliquer que c’était très mal d’exhiber autrefois les sauvages dans les musées et autres zoos humains : mais que fait donc le Louvre ? Au secours Madame Filippetti : Y a-t-il encore une humaniste au ministère ? Quelqu’un qui comprenne la leçon assénée par le Louvre où, du haut de sa pyramide, l’inculture nous contemple : l’homme est une marchandise comme une autre. Et l’AC est l’art du fondamentalisme marchand.

La deuxième bombinette, pour la énième fois, explose la figure du Christ. Avant d’envahir le Louvre, Wim avait squatté le musée Rodin en 2010, on y voyait “Helix”, sculpture qui  partait « d’un objet classique, omniprésent en Chrétienté et chargé de sens, pour le multiplier, le tordre, l’assembler et en faire une double hélice » digne de l’ADN. Ce jeu formel avec le crucifix était censé s’inscrire « dans le mythe du progrès scientifique, mais aussi dans toutes les angoisses bioéthiques ou évolutionnistes » écrit un admirateur. Au Louvre, rebelote : des crucifix tordus, intitulés “Moebius”, « en cercles et rubans infinis, tout comme Dieu ». Question mystique, Delvoye est loin de Sainte Angèle de Foligno, qui entendit la voix du crucifié lui dire :

– Ça n’est pas pour rire que je t’ai aimée…

Le dernier Livre d’Aude de Kerros, Sacré Art contemporain, aux éditions Jean-Cyrille Godefroy, est donc le viatique indispensable pour comprendre les rapports très tordus de l’AC et du christianisme.

Cependant, après « Gogotha pique-nique » et la pièce de Castelluci, rebaptisé Scatoluci par les connaisseurs, cette provoc anti-catho, esthético-ludique, fait kitsch, pétard mouillé. On se consolera avec “Suppo”, jolie pièce fuselée en Gothique à 10/10. Les journaux jubilent, « le fondement de la pyramide de Pei accueille la pièce maîtresse de l’événement » (sic, Direct matin du 22 juin, p.38) .

Bref, le Louvre fait dans la dentelle, Versailles aussi, mais nous verrons cela la semaine prochaine…

> Le blog de Christine Sourgins

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