Exploitation des peurs, émotion et Viktor Orbán

Ces dernières semaines, la question des migrants, arrivés par centaines de milliers dans les différents pays de l’Union européenne, et la politique du gouvernement hongrois mené par M. Viktor Orbán, dominent les médias. A cette occasion, la Hongrie est systématiquement pointée d’un doigt accusateur : elle construit un mur, forcément de la « honte » (1), pour protéger sa frontière avec la Serbie, et M. Orbán agite forcément un « spectre », celui d’une invasion. Les journaux d’information ne peuvent s’empêcher d’accoler au gouvernement de M. Orbán, le qualificatif de « populiste », comme par exemple lors du journal de RFI du samedi 4 septembre, 21h, heure de Paris, que j’ai entendu en circulant en voiture dans les rues de Yaoundé. Il s’agissait d’une présentation se voulant factuelle, d’un vote du parlement. Le journaliste devait se sentir obligé d’ajouter ce qualificatif subjectif, peut-être pour éviter que les auditeurs estiment normal et rationnel le vote d’une loi renforçant le contrôle des frontières, pour faire face à la multiplication des franchissements illégaux de celles-ci. Agacé par cette énième attaque, car il était impossible d’éviter de les entendre tout au cours des dernières semaines, et lassé d’entendre ou de lire systématiquement ces opinion subjectives dans ce qui se voulait de l’information, l’idée m’a paru intéressante d’analyser ce qu’on disait de M. Orbán cette dernière fin de semaine. Aussi ce papier n’a-t-il pas la prétention de proposer une solution pour la question des migrations massives en Europe, mais plus simplement d’en éclairer le traitement par les médias, et plus singulièrement, de comprendre les attaques obligées, ouvertes ou insidieuses, contre la politique de la Hongrie, soutenue d’ailleurs par la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne. La mort par noyade du malheureux Aylan Kurdi, avec son frère, si médiatisée, semble contribuer à un changement politique en Europe, isolant davantage les tenants d’une politique hostile à l’immigration illégale, à l’instar de M. Orbán.

Le procès de Jésus

Il n’est bien-sûr guère besoin des propos du premier ministre du Luxembourg pour savoir que M. Viktor Orbán n’est pas Jésus. Faut-il pour autant croire M. Jean Asselborn, ministre en exercice au Grand-Duché de Luxembourg, lorsqu’il dit aux téléspectateurs allemands : « Si Viktor Orbán est chrétien, alors (l’ex-dictateur nord-coréen) Kim Il-sung l’est aussi (2) » ?

Le juge et romancier canadien, sir Adolphe-Basile Routhier, auteur du poème O’Canada adopté comme hymne national de ce pays, analyse les jugements du Sanhédrin et de Ponce Pilate, condamnant Jésus à mort. (3) Sir Routhier explique (4) :

Le crime pour lequel il a condamné Jésus, est d’avoir déclaré lui-même qu’il était le Messie, le Fils de Dieu. Mais cette affirmation solennelle de l’accusé n’était un blasphème que si elle était fausse. Or, c’était là précisément la question à décider, et le Sanhédrin ne l’a pas même examinée. Tout le litige était là. Jésus s’est proclamé Fils de Dieu ; s’il ne l’était pas, il a certainement blasphémé, et mérité la mort, d’après la loi juive. Mais s’il l’était, le Sanhédrin devait tomber à genoux devant lui, et l’adorer. Or, c’était le devoir de ce haut tribunal, composé de pontifes, de prêtres, de scribes, et de docteurs en Israël, qui attendaient la venue du Messie, d’examiner et d’étudier les titres que prétendait avoir Jésus à la filiation divine. En ne le faisant pas, ils commettaient un déni de justice.

Une analogie permet de mieux comprendre la portée du principe :

Si quelqu’un est accusé de parjure devant un tribunal compétent, et s’il répond à l’accusation, en disant: « J’ai en effet affirmé sous serment le fait allégué dans l’accusation, et je l’affirme encore, parce que ce fait est vrai », quel sera le devoir du tribunal ? Evidemment, il devra dire aux accusateurs: « prouvez maintenant que le fait est faux ». C’est la seule question qu’il s’agit d’examiner et d’instruire. Car, si le fait affirmé est vrai, il n’y a pas de parjure ; et c’est à vous, accusateurs à prouver qu’il est faux.

Par conséquent, conclut Routhier :

Si le tribunal, au lieu d’agir ainsi, disait à l’accusé : « Vous admettez avoir juré tel fait; donc vous êtes un parjure, et je vous condamne », ce serait un déni de justice et un crime. (5)

Les médias et M. Orbán

On attend généralement des journaux d’information, dès lors qu’il ne s’agit ni d’une tribune ni d’un éditorial, une présentation objective des faits, afin de permettre de se forger une opinion. Un exposé impartial des enjeux est naturellement le bienvenu. Mais qu’observe-t-on dès lors que le gouvernement de M. Orbán est concerné ? L’adjectif péjoratif de populiste est souvent et gratuitement accolé au nom du premier ministre hongrois, comme ce fut le cas dans le journal de RFI du 4 septembre 2015, 20h GMT. M. Orbán défend les racines chrétiennes de l’Europe, et pense qu’une immigration massive et incontrôlée les met en danger. Ce sont des propos et une position qui méritent certes d’être rapportés à titre d’information. Mais dans ce cas, pour trop de journalistes, dès lors que M. Orbán expose ses craintes à ses partenaires européens, il s’agit forcément d’une « tirade » selon Le Figaro. (6) Pourquoi ce mot péjoratif ? Le Monde, qui veut éclairer ses lecteurs, nous offre un portrait du premier ministre hongrois dans son article du 4 septembre, « Qui est Viktor Orbán » (7). On y découvre que les réfugiés, venant certainement de Syrie sont majoritairement musulmans. L’article cite entre guillemets les mots « majoritairement musulmans » qu’aurait prononcés Viktor Orbán dans un entretien au grand quotidien de Francfort. Fort bien, on comprend donc que Le Monde cite les propos de M. Orbán, et qui semblent d’ailleurs justes à qui a une idée de la religion majoritaire en Syrie. Mais pourquoi donc l’auteur de l’article glisse-t-il avant la citation un malicieux « selon lui » ? Veut-il sous-entendre que c’est son opinion et qu’elle est sujette à caution ? Ou veut-il insinuer qu’il s’agit d’un phantasme ou d’une obsession ? Cet ajout semble bien innocent mais donne une coloration péjorative aux propos plutôt censés de M. Orbán. Pour les lecteurs qui ne comprendraient pas, on nous explique immédiatement après que c’est une « position qui choque », même s’il semble exact prima facie qu’elle

« détonne de plus en plus avec la volonté affichée des instances européennes, depuis la diffusion de l’image tragique de l’enfant syrien gisant mort sur une plage turque, de trouver une solution rapide à l’accueil des migrants. »

Mais au fond, si elle « détonne », quoique le mot est fort, c’est bien avec les propos publics de beaucoup de dirigeants européens depuis la mort des enfants Kudri, mais pourquoi cela détonnerait avec « la volonté affichée des instances européennes, (…) de trouver une solution rapide à l’accueil des migrants » ? Faut-il penser que M. Orbán ne veut pas trouver de solution rapide à ce problème ? Il semblerait pourtant qu’il y travaille puisqu’il prend de nouvelles mesures et a fait voter une nouvelle loi pour se donner davantage de moyens. Ou est-ce parce que sa politique ne plaît pas à l’auteur de l’article ?

Ce même article-tribune est une mine, et M. Orbán risque bien d’exploser à son contact. Que nous dit-on encore ? Que « depuis quelques mois, son gouvernement de droite dominé par le Fidesz (Union civique hongroise) distille les ferments d’une politique clairement tournée contre les étrangers. »

Passons sur l’emploi du mot « dominé » qui est aussi péjoratif et donne une couleur violente au gouvernement. Il y a encore le verbe « distille », comme dans « distiller du poison » et qui sous-entend de la malice. Mais c’est de « ferment » dont il s’agit, ce qui n’est guère mieux et ajoute encore une image négative. Mais malgré la distillation, qui apparaît lente et sournoise, sa politique est quand même « clairement tournée contre les étrangers » (8). On ne sait pas en quoi elle serait « tournée contre les étrangers » en tant que tels. L’accusation n’a pas besoin d’être explicite, puisque sa politique est « clairement » tournée contre eux. Voilà qui dispense de faire de l’information.

Le lecteur doit encore prendre conscience que « pour le premier ministre, l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier est devenu un argument servant son nouveau thème fétiche : les étrangers sont des profiteurs ou des terroristes en puissance ».

Il est donc moralement interdit d’analyser les causes de la tuerie de janvier 2015, car il ne faut pas en faire un argument si les conclusions vont à l’encontre des vœux du journal de référence. Et les objectifs des pouvoirs publics hongrois ne sauraient être que « fétichistes », parce que les migrants ne peuvent pas être à la recherche d’une vie meilleure ni profiter d’allocation publiques, peut-être supérieures à un salaire dans leur pays d’origine ; les terroristes quant à eux ne peuvent se recruter que chez les nationaux convertis et fanatisés par d’autres nationaux, bien sûr.

Cela ne veut bien sûr pas dire que le gouvernement Fidesz a raison, ni qu’il fasse une analyse fine de la réalité, mais les accusations semblent tout simplement gratuites. Bref, la véritable information fait défaut, nous n’avons que le verdict coupable. D’autant plus qu’on connaît le mobile du crime : « Les étrangers », nous explique-t-on, sont des « boucs émissaires parfaits pour détourner l’attention des électeurs de la corruption du pouvoir et de la chute de popularité du Fidesz face à l’extrême droite du Jobbik. » Il ne s’agit pas ici de corruption en Hongrie, que ce soit dans les entreprises ou services publics, mais bien du « pouvoir », et l’impression donnée est que ce phénomène date de la victoire électorale du Fidesz, même si ce n’est pas écrit explicitement. Il se peut bien qu’il y ait des affaires, mais après tout, peu importe la présomption d’innocence : il faut que M. Orbán soit coupable. En effet, les « populistes » ne sont pas dignes d’exercer le pouvoir ; mais dès lors qu’il s’agisse du parti d’extrême droite Jobbik, il faut croire à sa bonne foi si son témoignage est décisif : le Jobbik « avoue lui-même ne pas pouvoir, sur la question des migrants, doubler le gouvernement par la droite. » Ne pensons surtout pas que ce parti ait une tactique et des arrières pensées, ou veuille donner le baiser qui tue à son concurrent et adversaire le plus sérieux. D’ailleurs, dans notre code de la route, il est formellement interdit de doubler à droite.

En conclusion de ce portrait, le lecteur comprend que M. Orbán est un « populiste », même si on ne sait trop de quoi il s’agit. On peut penser que le populiste n’a aucune idée personnelle mais veut simplement flatter le peuple pour prendre ou conserver le pouvoir. Et concernant M. Orbán, comme ce doit être cela, il convient alors d’ajouter au portrait un parfum de trahison, la trahison d’un idéal, s’il a pu en avoir un. En effet, Viktor Orbán « décrit aujourd’hui la Russie comme un partenaire d’avenir, tournant définitivement le dos à l’âge où il était un fier militant antisoviétique. » Doit-on comprendre que le communisme n’est donc pas encore tombé et que l’URSS existe toujours ? Que M. Orbán fait maintenant allégeance à la puissance occupante de son pays ? Ce pourrait-il qu’un homme ayant des « accents nationalistes » ne fut pas l’ennemi d’une doctrine criminelle, ni d’un occupant, mais d’un pays, et qu’il doive le rester l’occupation finie et la doctrine morte ?

Quelques interventions politiques

Nous avons vu plus haut le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, M. Jean Asselborn, comparer Orbán Viktor au dictateur sanguinaire et un rien dément de Corée du nord. Sans doute le ministre du GrandDuché ne supporte-t-il pas qu’on puisse estimer important de préserver au mieux l’identité de l’Europe, si cette identité est chrétienne. Et quel enfant n’a pas tenté de mettre en contradiction une personne, se disant chrétienne, avec ses actes, dès lors qu’ils ne s’accordent pas aux désirs de l’enfant ? D’ailleurs l’on sait que « Chrétien » veut dire « saint ».

Il est certainement hors de question de discuter rationnellement des exigences chrétiennes dans la question des migrants ou des réfugiés, de distinguer entre ces deux catégories, de réfléchir sur la notion d’asile politique ou la condition de réfugié. Il suffit de vouloir faire respecter le droit et les frontières pour se voir condamner, sans qu’il faille rechercher si les arguments exposés sont justes ou non.

L’Europe toute entière est concernée et la recherche d’une position juste et commune se justifie. Mais si l’on veut l’unité, cela présuppose-t-il la solution à adopter ? Le Figaro nous apprend que « Frank-Walter Steinmeier, le patron de la diplomatie allemande, s’est emporté vendredi lors d’un rendez-vous avec ses collègues à Luxembourg. » Cela ressemble fort à une sainte colère. Quel en était le motif ? Le journal cite ses propos : «L’Europe n’a pas le droit de se diviser face à un tel défi, dit-il, il est temps de passer à un autre genre de travail en commun. » Fort bien, mais qui est facteur de la division ? Ceux qui veulent changer les règles, décider unilatéralement d’accueillir tout venant au préjudice éventuel d’Etats plus petits et pauvres, au risque d’un changement profond et irréversible de la culture européenne ? Ceux qui veulent travailler à une solution durable, voyant les conséquences à long terme audelà de l’urgence ? On voit mal pourquoi le fauteur de divisions devrait toujours être l’autre. M. Orbán devrait être soulagé de n’être qu’un fauteur de division, il aurait aussi bien pu être traité d’imbécile, car Flaubert définit ce mot ainsi : « Ceux qui ne pensent pas comme vous. » (9)

Le principe des accords de Schengen repose sur le contrôle des frontières extérieures à l’espace. La Hongrie a une telle frontière. Elle met en œuvre des moyens nouveaux pour mieux remplir ses obligations, notamment en bâtissant une barrière. Mais nous savons que « le Français Laurent Fabius avait dénoncé la politique ”scandaleuse” de la Hongrie et l’installation d’un rideau de barbelés destiné à couper la route aux réfugiés arrivant de Serbie. » On croit donc qu’il n’est pas légitime de protéger ses frontières, et que seule la Hongrie ose commettre un tel « scandale ». Mais n’a-t-on pas vu il y a quelques mois un reportage sur une grande chaîne nationale, consacré à la crise économique et budgétaire en Grèce, nous expliquer incidemment que l’Union européenne continuait de financer une barrière à la frontière entre la Grèce et la Turquie ? Si cela est vrai, comment concilier la stigmatisation de la seule Hongrie avec les actes de la Grèce et de l’Union européenne ? D’ailleurs, les médias dont le rôle est d’informer, ne peuvent-ils faire un travail d’enquête sur les pratiques aux frontières d’autres pays, comme la Bulgarie par exemple, lorsque la Hongrie est montrée du doigt ? Et comment comprendre la situation à Calais où les migrants sont empêchés de se rendre au Royaume-Uni ? N’y a-t-il aucune barrière ?

Il devrait être clair que la question des migrants et des réfugiés est une question très difficile, qui a des implications morales, des implications économiques, mais aussi des implications à long terme de culture et de civilisation. Ne peut-on faire crédit aux responsables politiques de rechercher sincèrement la meilleure solution, ou du moins d’entendre les raisonnements ?

Sur le plan moral, l’Eglise catholique se veut compétente, et la morale a toujours fait partie de ses attributions, ses fidèles sont tenus normalement par ses définitions. Différents souverains pontifes se sont prononcés sur la question de l’accueil des réfugiés et sur l’immigration. En France, le Cardinal Vingt-Trois s’est exprimé. Le Figaro donne un article intitulé « Migrants : le Cardinal Vingt-Trois fustige ceux qui brandissent ”l’épouvantail d’une invasion” » (10) Ce titre est à rapprocher avec des récentes déclarations du premier ministre hongrois. S’il est ou non explicitement visé par le Cardinal, la fustigation peut raisonnablement s’adresser à lui.

Que dit monseigneur Vingt-Trois ? Selon Le Figaro, il invite à « un examen de conscience » «certains responsables politiques», Ceux qui jouent en particulier la « surenchère verbale » en brandissant « l’épouvantail d’une invasion » alors qu’ils devraient expliquer aux gens ce qui se passe avec « pédagogie ». Les examens de conscience sont toujours recommandables, de même que la pédagogie. Mais le débat de fond que propose Orbán Viktor est justement celui d’un afflux massif de centaines de milliers de personnes de culture étrangère, souvent de religion musulmane, et de ces effets sur le destin de l’Europe. Dès lors que ces propos et la position du gouvernement sont argumentés, ne faut-il pas les examiner pour leur valeur ? Ne doit-on pas vérifier s’il y a ou non risque « d’invasion » d’une culture étrangère, non pas seulement de fait de l’accueil des migrants ou réfugiés actuellement présents en Europe, mais surtout des nouveaux afflux de migrants dès lors qu’il est clair que l’Europe accueille tous les venants ?

Ou alors, comme le Sanhédrin qui condamna Jésus sur la seule base de son affirmation d’être le Messie, sans examen du fond de la question, faut-il condamner M. Orbán (11) au seul motif qu’il craint le suicide de l’Europe en tant qu’Europe-civilisation et culture ?

Le Figaro nous rapporte que selon le Cardinal, « l’Europe, avec plusieurs centaines de millions d’habitants, a la capacité d’accueillir, si on veut bien en prendre les moyens ». Cela semble raisonnable a priori, mais la question concerne aussi les moyens que l’on se donne pour leur accueil, notamment l’assimilation si les migrants ont vocation à rester, les structures permettant un retour chez eux des réfugiés la paix revenue. Mais il s’agit aussi de voir les conséquences futures, les centaines de milliers pouvant se multiplier avec les années, si les portes sont réputées ouvertes.

La mort d’Aylan et de son frère

Les autorités hongroises sont hostiles à des quotas obligatoires de migrants ou de réfugiés, pour chaque Etat membre de l’Union européenne. La position officielle de la France était la même jusqu’à ce que la diffusion des photographies émouvantes du corps de petit Aylan provoque une prise de conscience, par l’opinion, de la gravité de la situation pour les migrants.

M. Hollande s’est exprimé ainsi (12) :

Je ne voudrais pas que l’on en reste simplement au registre de l’émotion que nous avons d’un enfant de trois ans, son frère à peine plus âgé et puis d’autres familles, celles que nous ne voyons pas (sic).

L’émotion est toujours plus forte lorsqu’on est amené à voir concrètement les malheurs et les souffrances, et le président de la République a assurément raison de penser également aux centaines ou plus de victimes des tempêtes lors des traversées de la mer vers les rives de l’Europe. Mais faut-il croire que nos dirigeants politiques étaient aveugles et ignorants du drame humain des migrations illégales, et que les photographies leur ont ouvert les yeux, du moins à ceux qui ont changé de ligne politique et veulent ouvrir les frontières ? La politique, la recherche du bien commun, doit-elle être fondée sur l’émotion, celle des majorités ou celle des gouvernants ?

Il est clair que ce drame amène à se poser des questions. Mais doit-il être instrumentalisé pour faire accepter une ligne politique que les majorités refusent ? C’est pourtant ce qui semble être le cas, car « L’Allemagne et la France entendent profiter de l’« effet Aylan » pour ressouder l’Europe sur un programme d’accueil cohérent en faveur des rescapés de quatre ans de massacres en Syrie » (13)

Si l’unité de l’Europe est une bonne chose, en quoi la mort d’Aylan et de son frère change-t-elle les données objectives de la question, ou milite-t-elle pour la solution de l’accueil systématique ? Le premier ministre hongrois ne semble pas de cet avis, et rien ne permet de le dire insensible aux drames qui se produisent. Au fond, tous les ordres sociaux sont fondés sur cette maxime de la Common law : « hard cases make bad law ».14

L’analyse des faits devrait d’ailleurs faire percevoir les causes réelles derrière cette tragédie et ces nombreuses autres lui ressemblant.

Nous apprenons par le Wall Street Journal (15) que M. Kurdi, Syrien ayant fui Damas, puis Alep et Kobané, vivait depuis trois ans en Turquie, à Istanbul, où il travaillait dans la construction pour 17 dollars par jour. Sa sœur vit au Canada où il aurait aimé la rejoindre. Il devait avoir des problèmes de dentition puisqu’il voulait, sur le conseil de sa sœur et grâce aux fonds qu’elle lui avait envoyés à cet effet, se rendre en Europe pour s’y faire soigner. Son objectif semble avoir été, une fois en Europe, d’y faire venir sa famille. Il changea d’avis et décida de faire le voyage avec toute sa famille, en traversant illégalement la mer pour rejoindre la Grèce à l’aide d’un passeur. C’est au cours de cette traversée que le bateau sombra et que sa famille mourut noyée.

Est-ce un drame de réfugié ? Sa vie n’était plus en danger depuis trois ans. C’est l’espoir d’une meilleure vie en Europe qui l’a conduit à prendre des risques important, et cet espoir a été rendu possible par la publicité donnée au traitement favorable des migrants en Europe, sous la pression du nombre.

Faut-il exploiter l’émotion des peuples européens pour leur faire accepter une politique qu’ils estiment mauvaise, ou peut-on analyser les causes du drame et y voir les conséquences d’une politique migratoire incohérente, à la fois accueillante et généreuse pour les demandeurs d’asile, mais officiellement limitée aux véritables demandeurs d’asile ? Si une politique de libre immigration avait été en place, ces drames n’auraient pas lieu, mais combien de temps l’Europe (16) existerait-elle ? Inversement, une politique de refoulement systématique, comme le pratique l’Australie de M. Abbott, dissipant le mirage d’une immigration illégale en Europe, épargnerait aussi bien des vies (17).

Conclusion

Cet article ne prétend pas donner de solutions à la question des migrants ou des réfugiés : l’accueil des véritables réfugiés se justifie comme la fermeté pour la sauvegarde de l’identité européenne. Il s’agit ici plus simplement, en analysant les attaques systématiques contre Orbán Viktor et sa majorité, de montrer qu’elles sont gratuites au mieux.

Au pire, le but de ces attaques semble être de discréditer, à travers M. Orbán, tout ceux qui osent dire leur inquiétude quant à une immigration massive et forcément incontrôlable, et de les condamner à la seule exposition de cette inquiétude, sans examen de son éventuel bien fondé. Le débat rationnel est interdit par les anathèmes, les attaques, directes de la part de responsables politiques, indirectes et vicieusement camouflées dans les articles d’information. Les émotions sont exploitées sans pudeur. (18) (19)

La réponse donnée à cette question pressante aura des conséquences fondamentales et irréversibles. Son choix mérite un réel débat.

Notes :

1. Comme d’ailleurs en Israël lorsqu’un gouvernement Likoud entend ainsi diminuer les incursions terroristes venant des territoires palestiniens, ou encore aux Etats-Unis d’Amérique pour empêcher l’immigration sauvage en provenance du Mexique.

2. Propos rapportés par Le Figaro du 4 septembre 2015, http://www.lefigaro.fr/international/2015/09/04/01003- 20150904ARTFIG00362-quotas-de-migrants-la-hongrie-divise-l-europe.php

3. Dans son roman, Le centurion, 1909, pp. 380 et s de la 2ème édition.

4. Op. cit. p. 383

5. P. 384. Souligné par moi.

6. Le Figaro, 4 septembre 2015 : « Mais ses tirades sur une ”Europe chrétienne” assaillie de toute part rencontrent un solide écho chez les voisins slovaques, tchèques, polonais et même ailleurs. » http://www.lefigaro.fr/international/2015/09/04/01003-20150904ARTFIG00362-quotas-de-migrants-la-hongriedivise-l-europe.php

7. http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/09/04/hongrie-viktor-orban-heraut-de-la-politique-antiimmigration_4746275_3214.html

8. Souligné par moi.

9. Dans son Dictionnaire des idées reçues. A l’article « Allemand », on y trouve « Peuple de rêveurs (vieux) », ce qui est assez piquant dans la situation présente.

10. En date du 4 septembre 2015, voir http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/09/04/01016-20150904ARTFIG00329-migrants-le-cardinal-vingttrois-fustige-ceux-qui-brandissent-l-epouvantail-d-une-invasion.php

11. Ou encore M. Giscard d’Estaing, qui parla d’invasion il y a plus de dix ans ?

12. Voir des extraits du communiqué diffusé aux médias tel que dans Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/09/04/31001-20150904ARTFIG00272-communique-truffe-de-fautes-saiton-parler-francais-a-l-elysee.php

13. Le Figaro, « Quotas de migrants : la Hongrie divise l’Europe, » http://www.lefigaro.fr/international/2015/09/04/01003-20150904ARTFIG00362-quotas-de-migrants-la-hongriedivise-l-europe.php

14. L’infâme Oliver Wendell Holmes, Jr. rendit célèbre cette ancienne maxime en la transcrivant dans son opinion sous l’arrêt Northern Securities Co. v. United States (1904) : « Great cases like hard cases make bad law. For great cases are called great, not by reason of their importance… but because of some accident of immediate overwhelming interest which appeals to the feelings and distorts the judgment. » Voir dans Wikipedia, https://en.wikipedia.org/wiki/Hard_cases_make_bad_law

15. http://www.wsj.com/articles/image-of-syrian-boy-washed-up-on-beach-hits-hard-1441282847

16. Le magazine allemand Spiegel, dans sa version anglaise, publie un long article de la rédaction, plaidant pour l’accueil des migrants, et montrant les bienfaits de cet apport de sang neuf. Les rédacteurs reconnaissent que cette immigration de masse « changera fondamentalement » l’Allemagne, dès le sous-titre de l’article, mais pour le mieux selon eux. Voilà qui est honnête, même si la position inverse est systématiquement dénigrée, puisqu’il s’agit de « l’Allemagne sombre contre l’Allemagne lumineuse. » Voir « Dark Germany, Bright Germany: Which Side Will Prevail Under Strain of Refugees? ». http://www.spiegel.de/international/germany/spiegel-cover-story-the-newgermany-a-1050406.html

17. Valeurs Actuelles rapporte ces propos récents du premier ministre australien : « Je sais qu’il y a de l’intérêt pour la politique mise en place par l’Australie parce que si on met fin à l’activité des trafiquants, alors forcément il n’y a plus de décès en mer. La chose la plus humaine à faire à moyen et long terme c’est anéantir ce trafic malfaisant ». Voir l’article du 4 septembre 2015, « Refus des quotas ou accueil des clandestins : les réactions », in fine http://www.valeursactuelles.com/monde/refus-des-quotas-ou-accueil-des-clandestins-les-reactions-apres-ladiffusion-de-la-photo-du

18. C’est d’ailleurs ce reproche que l’on fait généralement aux partis de droite et aux partis d’extrême droite.

19. Peut-être que l’exploitation la plus indécente est celle de Mme Taubira, qui cherche à se mettre en valeur par sa poésie : voir l’analyse de Natacha Polony, « Le déshonneur et la guerre », Le Figaro, 4 septembre 2015 : « Quand une ministre de la Justice dont on attend des mesures et des prises de paroles politiques préfère écrire des poèmes sur les réseaux sociaux que d’assumer ce qu’elle prétend être. ”Son prénom avait des ailes, son petit cœur a dû battre si fort que les étoiles de mer l’ont emporté sur les rivages de nos consciences.” Merci, Christiane Taubira, beaucoup ont dû admirer votre sensibilité, votre âme de poète, puisque c’était visiblement le but. Mais après, est-ce là toute votre mission? », http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/09/04/31003-20150904ARTFIG00378-natacha-polony-ledeshonneur-et-la-guerre.php

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6 Comments

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  • 0 / 10
  • V_Parlier , 7 septembre 2015 @ 17 h 51 min

    L’UE amie des Pays Baltes, pensaient-ils tous il y a encore quelques semaines !

    A part la Hongrie (le “grand mauvais élève” de l’UE, pour cause), et quelque peu la République Tchèque, qui avaient bien compris que l’UE ne les courtisait et ne les manipulait que pour les remonter obsessionnellement contre la Russie et rien d’autre, les autres vont commencer à comprendre ce qu’est un membre de l’UE.

    On ravage la Libye et la Syrie (initiative franco-germano-anglo-américaine), et ensuite on accuse les pays tiers envahis (quant à eux innocents) de tous les maux! Ca aide à se donner bonne conscience! Et je ne parle pas de la Grèce que l’UE détruit à présent de deux manières: l’économique et la migratoire! Au passage, c’est l’occasion de remarquer l’effet du pétard mouillé Syriza qui n’a pas voulu sortir de l’UE… bande de soumis dégonflés qui laissent les habitants de Lesbos assaillis, au point que là-bas c’est une véritable guerre civile. Ils voudraient nous préparer la venue d’Aube Dorée qu’ils ne s’y prendraient pas mieux. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que l’UE contribue à mettre en place des “ultras” (selon le terme à la mode) dans les pays qu’elle veut simplement éloigner de la Russie, quitte à les détruire si elle ne peut les absorber.

  • jsg , 8 septembre 2015 @ 6 h 09 min

    Orban, est le seul à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas en Europe, notre culture etant à la base chrétienne.
    C’est une évidence.
    Nos pays sont déjà déséquilibrés par un nombre trop important de musulmans, qui ont comme seul but non avoué de convertir à leurs stupides pratiques toutes les sociétés dans laquelles ils viennent faire leurs enfants.
    Je ne veux pas parler des muslams modérés qui sont le vecteur potentiel de futurs djihadistes dont la pratique religieuse est de convertir par la ruse et ensuite par la force.
    Donc accueillir les chrétiens martyrisés dans leurs pays EST UN DEVOIR, refouler humainement les musulmans vers des pays de “culture” muslam devrait être aussi un devoir.
    C’est tellement évident, que tous les “chefs d’états sans c**illes” qui n’ont pas le courage de mettre en pratique ce principe de survie, le paieront tôt ou tard de leur poste, et seront responsables sur leur vie des conséquences dramatiques que leur manque de courage pourraient provoquer.
    Vox poluli vox Déi !
    et toi le journaleux qui me traite de populiste, va te faire f****e !

  • citoyen de france , 8 septembre 2015 @ 7 h 52 min

    _1 la Hongrie ne fait que son travail aux frontières Scheinghen à la différence de d’autres
    _2 entendre un ministre du Luxembourg (Etat totalement pourri voir Junker) parler de morale c’est à mourir de rire ou pleurer d’indignation

  • V_Parlier , 8 septembre 2015 @ 13 h 55 min

    ++++
    Ce n’est pas la première fois que ces LuxemBOURGES mondialistes bien planqués donnent des leçons aux gueux qui subissent. Ils mériteraient qu’on leur affrète un convoi de bons somaliens bien actifs, avec livraison à domicile!

    Et en effet, la Hongrie respecte parfaitement les directives européennes en canalisant les arrivants vers un seul point d’entrée pour les enregistrer. Ensuite l’Allemagne tant demandeuse peut les faire arriver…

  • flammande , 8 septembre 2015 @ 19 h 07 min
  • Brakmaro , 9 septembre 2015 @ 8 h 51 min

    Tout comme le Sanhedrin etait aux ordres du pouvoir romain (comme il le fut plus tard a ceux de Napoleon), les medias sont aux ordres du pouvoir socialiste et progressiste.

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