L’État offre vos comptes bancaires sur un plateau

Grande nouvelle chers lecteurs : l’administration publique se modernise ! Si, vous êtes pris, comme moi, d’un rapide réflexe glutéal à l’idée que le Léviathan deviendrait soudainement plus efficace, vous aurez raison, c’est un réflexe sain. D’abord, toute amélioration sensible de son efficacité se traduira par une misère répartie… plus efficacement. Ensuite, l’apport de nouveautés et d’améliorations d’un côté entraîne généralement des dérives, déroutes et catastrophes de l’autre. Et dans le cas présent, ça ne loupe pas.

Rassurez-vous cependant : toute l’administration n’est heureusement pas concernée par une subite amélioration de son efficacité. Comme on dit pour ne pas noircir le tableau, il restera de larges domaines pour lesquels une forte marge de progression est possible. Cependant, pour ce qui concerne la partie fiscale, on sent que les services de l’État ont mis les bouchées doubles.

Eh oui. On aurait pu croire que, de toutes les administrations qui servent le public, les autorités compétentes, forcément compétentes, auraient souhaité améliorer la modernisation de celles qui sont le plus en contact avec les citoyens. Ainsi, on aurait pu penser qu’il devenait impératif, pour « moderniser » l’administration, de diminuer la quantité invraisemblable de papiers officiels pour en obtenir d’autres, ou accroître la souplesse et (soyons fous) l’utilisation des moyens modernes de communication (SMS, e-mail, pour n’en citer que deux) de la part de ces foultitudes de guichets que le Français lambda doit fréquenter à intervalles réguliers (pour une carte grise, un passeport, un livret de famille, un certificat de naissance, de décès, ou que sais-je, tous documents qui sont, la plupart du temps, parfaitement inutiles pour vivre mais indispensables car eux-mêmes demandés sans arrêt par… l’État).

Mais non. L’État, que voulez-vous, pense d’abord à lui-même. Et s’il a un souci actuellement, c’est bien celui de faire rentrer l’argent dans les caisses, ou, plus à propos de mon billet, d’éviter qu’il n’en sorte trop par erreur. C’est une des raisons invoquées pour permettre à certains organismes d’interroger le fichier des comptes bancaires (fichier gentiment nommé FICOBA, c’est très laid, c’est Français, c’est l’administration française, ça, môssieu). Dans ces organismes, on trouve logiquement le fisc, les douanes, et toute une panoplie d’organismes comme les caisses d’allocations familiales…

 

“L’État ne veut pas votre bien. Il veut surtout vos biens. Le reste, il s’en fiche.”

Et récemment, suite à l’arrêt du 17 octobre publié le 29 octobre dernier, c’est Pôle Emploi qui rejoint les rangs de ceux autorisés à savoir si vous avez un ou plusieurs comptes bancaires, si vous êtes interdit de chéquier ou pas, et de façon générale si la Banque de France vous reproche des bricoles. Pôle Emploi pourra ainsi se prévaloir de l’article L152 du Livre des procédures fiscales pour apprécier les conditions d’ouverture et de maintien de droits pour un demandeur d’emploi, pour calculer les indemnités auxquelles il peut prétendre ou encore pour obtenir le recouvrement de prestations indûment versées. Bon évidemment, il ne s’agit pas de dire ici que tout le monde va pouvoir aller fouiller sur votre compte en banque. D’ailleurs, Pôle emploi explique clairement que ce ne sera pas le cas, promis juré, croix de bois, croix de fer :

« Tous les agents n’auront pas cet accès à ce fichier, seuls les auditeurs de la prévention des fraudes pourront y accéder et seulement si il y a une suspicion de fraude. La consultation de ce fichier est en effet d’un usage très strict et contrôlé. Par ailleurs, le fichier FICOBA ne renseigne que l’identité des personnes et les comptes qu’ils possèdent, mais aucune information concernant ni le solde ni les mouvements qui y sont opérés. »

Ouf. Nous voilà super-rassurés de savoir qu’un organisme supplémentaire, dont la gestion a toujours été irréprochable et dont l’utilité sociale n’est plus à démontrer, se voit à présent doté d’un moyen nouveau d’aller fouiller dans nos vies. Et comme l’existence de ce fichier le prouve, comme le nombre d’organismes qui y ont accès le montre tout autant, petit à petit, la société panoptique prend forme : bientôt, vous ne saurez à peu près plus rien de l’État et des gens qui s’activent en coulisse pour vous pourrir consciencieusement la vie de régulations, de contraintes, de taxes et d’impôts, mais en revanche, eux en sauront fort long sur vous-mêmes, vos proches et vos habitudes.

On pourrait croire que j’exagère en évoquant, tout de suite, cette histoire de panoptique qui sent bon le Big Brother de pacotille. Surtout lorsqu’on met ce concept orwellien, paré d’une efficacité froide et implacable, à côté du pauvre Paul Employ, être amorphe, mou et gluant dont l’essentiel de la force réside dans son inertie d’administration mal gérée. Mais à bien y regarder, non, il n’y a pas exagération.

J’en veux pour preuve le fait que, parallèlement à cet accès de Popol au fichier FICOBAR, il faut savoir que cet organisme, comme d’autres, a déjà la possibilité de connaître le montant de vos impôts. En effet, il existe depuis peu un « Service de vérification de l’avis d’impôt sur le revenu » sur internet (SVAIR), qui lui est accessible, ainsi qu’à vous (de façon accessoire). Ce service offre la possibilité de vérifier en ligne les informations contenues dans le justificatif d’impôt d’un contribuable lambda, à la condition que ce dernier ait fourni les éléments nécessaires à l’identification de son avis d’imposition, c’est-à-dire son numéro fiscal et la référence de l’avis d’impôt sur le revenu.

Et à nouveau, ceux qui ont deux sous de bon sens ont encore un petit réflexe glutéal ! Et paf, ça n’a pas loupé, le service est sécurisé comme une passoire. La CNIL, saisie de cet aspect puisque le service offre finalement accès à des données assez personnelles, explique en effet :

« Toute personne disposant de ces deux numéros pourra accéder directement à SVAIR »

Or, là où le bat blesse, c’est qu’obtenir ces numéros ne représente aucune espèce de difficulté. Comme l’a montré un récent article d’Économie-Matin, obtenir ces numéros, directement auprès du fisc, est d’une facilité déconcertante : en téléphonant à deux Centres des Finances Publiques et en prétendant n’avoir pas reçu d’avis d’imposition, les journalistes ont pu obtenir, par téléphone, le numéro d’identifiant fiscal et le numéro de l’avis en déclinant simplement une identité. Eh oui : c’est effectivement, et encore une fois, la foire du slip. Si, pour une information aussi sensible que la déclaration fiscale, une sécurité aussi minimale est établie, on ne peut que frémir pour une information plus courante, comme celle des comptes en banques.

L’État, on le sait, manque cruellement d’argent. Dans sa recherche toujours plus excitée de revenus et dans son désir, enfin, de faire un minimum attention à son arrosage compulsif, il en vient donc à tenter des vérifications, et mettre des garde-fous, à tenter de lutter contre la fraude qu’il n’aurait jamais eu besoin d’éteindre s’il n’était pas devenu si avide. Et comme on pouvait s’y attendre, cela se traduit une nouvelle fois par une désinvolture tragique face à des données personnelles essentielles.

La seule conclusion qui s’impose ici est que l’État ne veut pas votre bien. Il veut surtout vos biens. Le reste, il s’en fiche.

> h16 anime le blog hashtable. Il est l’auteur de Égalité taxes bisous.

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25 Comments

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  • 0 / 10
  • Bernard , 7 novembre 2013 @ 13 h 19 min

    OUI…. MAIS SAVEZ VOUS COMBIEN ,,??
    L ETAT NOUS PONCTIONNE 82% DE CE QUE TOUCHONS c a d
    82%( SALAIREx2 ) car pour l’employeur il verse un 2° salaire de charges diverses à l’Etat

    NOTRE VIE n’est qu’un esclavage en Liberté !! Et ce n’est pas fini….

  • de Kercohan , 7 novembre 2013 @ 15 h 35 min

    J’aime beaucoup les interventions de H16 et j’avoue que non seulement elles sont intéressantes mais aussi très drôles et que souvent je rigole bien. Et aujourd’hui plus que d’habitude, lorsque je suis tombé sur ce bout de phrase : “…un certificat […] de décès, ou que sais-je, tous documents qui sont, la plupart du temps, parfaitement inutiles pour vivre mais…”

  • Bernard , 7 novembre 2013 @ 17 h 38 min

    POUR rire un peu ………….
    Aux impôts………………………..

    A la question :

    – Avez-vous des personnes à votre charge ?

    Un citoyen a répondu :

    – 2,1 millions d’immigrés illégaux,

    – 4,4 millions de chômeurs,

    – 900 000 criminels répartis dans 85 prisons,

    – 650 crétins au parlement,

    + la totalité de la Commission Européenne…………..

    L’administration lui à renvoyé sa déclaration en disant que sa réponse était inacceptable.

    La personne a alors demandé :

    “ Pourquoi, j’ai oublié quelqu’un ? ”

    A VOTRE AVIS ?
    réponse = FLAMBY !!!

  • Centulle , 7 novembre 2013 @ 17 h 51 min

    Voici ce que peut nous réserver l’avenir avec l’interconnexion des ordinateurs :
    La commande d’une pizza en 2020

    On y arrive…sans sen rendre vraiment compte !
    ******

    > > Standardiste: Speed-Pizza, bonjour.

    > > Client: Bonjour, je souhaite passer une commande s’il vous plaît.
    > > Standardiste: Oui, puis-je avoir votre NIN, Monsieur?

    > > Client: Mon Numéro d’Identification National? Oui, un instant, voilà, c’est le 6102049998-45-54610.

    > > Standardiste: Je me présente je suis Noa Legarrec-Garcia. Merci Mr Jacques Lavoie. Donc, nous allons actualiser votre fiche: Votre adresse est bien le 174 avenue de Villiers à Carcassonne, et votre numéro de téléphone le 04 68 69 69 69. Votre numéro de téléphone professionnel à la Société Durand est le 04 72 25 55 41 et votre numéro de téléphone mobile le 06 06 05 05 01. C’est bien ça, Monsieur Lavoie?

    > > Client (timidement): oui!!

    > > Standardiste: Je vois que vous appelez d’un autre numéro qui correspond au domicile de Mlle Isabelle Denoix, qui est votre assistante technique. Sachant qu’il est 23h30 et que vous êtes en RTT, nous ne pourrons vous livrer au domicile de Mlle Denoix que si vous nous envoyez un XMS à partir de votre portable en précisant le code suivant AZ25/JkPp+88.

    > > Client: Bon, je le fais, mais d’où sortez-vous toutes ces informations?

    > > Standardiste: Nous sommes connectés au système croisé, Monsieur Lavoie.

    > > Client

    (Soupir): Ah bon!…. Je voudrais deux de vos pizzas speciales mexicaines.

    > > Standardiste: Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, Monsieur Lavoie.

    > > Client: Comment ça?

    > > Standardiste: Votre contrat d’assurance maladie vous interdit un choix aussi dangereux pour votre santé, car selon votre dossier médical, vous souffrez d’hypertension et d’un niveau de cholestérol supérieur aux valeurs contractuelles. D’autre part, Mlle Denoix ayant été médicalement traitée il y a 3 mois pour hémorroïdes, le piment est fortement déconseillé. Si la commande est maintenue, la société qui l’assure risque d’appliquer une surprime.

    > > Client: Aie! Qu’est-ce que vous me proposez alors?

    > > Standardiste: Vous pouvez essayer notre Pizza allégée au yaourt de soja, je suis sûre que vous l’adorerez…

    > > Client: Qu’est-ce qui vous fait croire que je vais aimer cette pizza?
    > > Standardiste: Vous avez consulté les ‘Recettes gourmandes au soja’ à la bibliothèque de votre comité d’entreprise la semaine dernière, Monsieur Lavoie et Mlle Denoix a fait, avant hier, une recherche sur le Net, en utilisant le moteur ‘booglle2.com avec comme mots clés ‘soja’ et ‘alimentation’. D’où ma suggestion.

    > > Client: Bon d’accord. Donnez-m’en deux, format familial.

    > > Standardiste: Vu que vous êtes actuellement traité par Dipronex et que Mlle Denoix prend depuis 2 mois du Ziprovac à la dose de 3 comprimés par jour et que la pizza contient, selon la législation, 150 mg de Phénylseptine par 100g de pâte, il y a un risque mineur de nausées si vous consommez le modèle familial en moins de 7 minutes. La législation nous interdit donc de vous livrer. En revanche, j’ai le feu vert pour vous livrer immédiatement le modèle mini.

    > > Client: Bon, bon, ok, va pour le modèle mini. Je vous donne mon numéro de carte de crédit.

    > > Standardiste: Je suis désolée Monsieur, mais je crains que vous ne soyez obligé de payer en liquide. Votre solde de carte de crédit VISA dépasse la limite et vous avez laissé votre carte American Express sur votre lieu de travail. C’est ce qu’indique le Credicard Satellis Tracer.
    > > Client: J’irai chercher du liquide au distributeur avant que le livreur n’arrive.
    > > Standardiste: Ça ne marchera pas non plus, Monsieur Lavoie, vous avez dépassé votre plafond de retrait hebdomadaire.

    > > Client: Mais, ce n’est pas vos oignons! Contentez-vous de m’envoyer les pizzas! J’aurai le liquide. Combien de temps ça va prendre?

    > > Standardiste: Compte-tenu des délais liés aux contrôles de qualité, elles seront chez vous dans environ 45 minutes. Si vous êtes pressé, vous pouvez gagner 10 minutes en venant les chercher, mais transporter des pizzas en scooter est pour le moins acrobatique.

    > > Client: Comment diable pouvez-vous savoir que j’ai un scooter?

    > > Standardiste: Votre Peugeot 408 est en réparation au garage de l’Avenir, en revanche, votre scooter est en bon état puisqu’il a passé le contrôle technique hier et qu’il est actuellement stationné devant le domicile de Mlle Denoix. Par ailleurs j’attire votre attention sur les risques liés à votre taux d’alcoolémie. Vous avez, en effet réglé quatre cocktails Afroblack au Tropical Bar, il y a 45 minutes. En tenant compte de la composition de ce cocktail et de vos caractéristiques morphologiques, ni vous, ni Mlle Denoix n’êtes en état de conduire. Vous risquez donc un retrait de permis immédiat.

    > > Client: @#/$@&?#!

    > > Standardiste: Je vous conseille de rester poli, Monsieur Lavoie. Je vous informe que notre standard est doté d’un système anti-insulte en ligne qui se déclenchera à la deuxième série d’insultes. Je vous informe en outre que le dépôt de plainte est immédiat et automatisé. Or, je vous rappelle que vous avez déjà été condamné en juillet 2014 pour outrage à agent.

    > > Client (sans voix): ……

    > > Standardiste: Autre chose, Monsieur Lavoie?

    > > Client: Non, rien. Ah si, n’oubliez pas le Coca gratuit avec les pizzas, conformément à votre pub.

    > > Standardiste: Je suis désolée, Monsieur Lavoie, mais notre démarche qualité nous interdit de proposer des sodas gratuits aux personnes en surpoids. Cependant à titre de dédommagement, je peux vous consentir 15% de remise sur une adhésion flash au contrat Jurishelp, le contrat de protection et d’assistance juridique de Speed assurance. Ce contrat pourrait vous être utile, car il couvre, en particulier, les frais annexes liés au divorce… Vu que vous êtes marié à Mme Claire Lavoie, née Girard, depuis le 15/02/2008 et vu votre présence tardive chez Mlle Denoix, ainsi que l’achat il y a une heure à la pharmacie du Canal d’une boîte de 15 et d’un flacon de lubrifiant à usage intime. À titre promotionnel, je vais faire joindre aux pizzas un bon de 5 EUR de réduction pour vos prochains achats de préservatifs valable chez Speed-Parapharma. Toutefois, veuillez éviter les pratiques susceptibles d’irriter les hémorroïdes de Mlle Denoix, pour lesquelles Speed-Parapharma se dégage de toute responsabilité. Bonsoir Monsieur et merci d’avoir fait appel a Speed Pizza.

    ( je ne suis pas l’auteur de ce texte et je rend hommage a cet inconnu)

  • Bernard , 7 novembre 2013 @ 18 h 03 min

    Cela confirme ce que j’ai évoqué ICI,
    nous serons alors des
    Bel avenir, avec le multiculturalisme, la charia, l’UMPS etc…………
    >> Alors chantons: on va s’aimer, tous, on va chanter ensemble et dès MAINTENANT !!

    – QUI a déclaré que les Français étaient sous anti dépresseurs ??

  • Gisèle , 7 novembre 2013 @ 23 h 01 min

    Sur la 3 , à 14 h , j’ai vu une séance du Sénat …. pleine !!! oui !!! pleine !!!! heu …. de sièges vides !!!!
    Mais où étaient ils donc passés nos sénateurs ????
    Ah ! je sais !!! partis se baigner en Corse !!
    Mais , quand même , Marisol Touraine y était . Chemisier largement ouvert ( faisait chaud …) elle répondait , ou plutôt lisait la réponse donnée au sénateur des Hautes – Pyrénées .
    Mais il me semble qu’à un moment , elle était tellement plongée dans la rivière des mots , elle a parlé de francs ….

  • Gisèle , 7 novembre 2013 @ 23 h 07 min

    Avec la puce implantable tout sera devenu simple et super rapide !

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