Éric Zemmour : « Le Louvre à Lens ou le rendez-vous de tout ce que le pays compte de cultureux branchés »

Le Zemmour du vendredi. « Salvador Dalí prétendait en plaisantant que Perpignan était le centre du monde. Cette semaine, Lens l’a remplacé. En tout cas, comme centre de la France. Le chef de l’État lui même et tout ce que le pays compte de cultureux branchés a fait le voyage pour la ville nordiste. Et de se balader dans l’ancien chaos des mines, et de s’extasier et de se congratuler. Une idée de la droite chiraquienne mise en œuvre par les socialistes hollandais : c’est l’union sacrée des bonnes âmes. Dans ce paysage qui rappelait tant la révolution industrielle du XIXe siècle, on ne pouvait s’empêcher de songer aux dames patronnesses qui apportaient à l’époque un peu de réconfort aux plus démunis. Nos dames patronnesses d’aujourd’hui, de la rue de Valois, ont remplacé la religion par l’art qui, Malraux l’avait prophétisé, est le dernier refuge du sacré dans un monde sans Dieu. Jadis, on apportait les beautés de la religion à des miséreux qui travaillaient trop, désormais, on porte les beautés de la culture à des miséreux qui ne travaillent pas assez. Pendant des siècles, l’art fut l’ornement de la puissance et de la richesse des mécènes et des rois. Il est désormais la consolation des pauvres. Ils veulent du pain ? On leur donne de la brioche. La mondialisation a façonné une nouvelle géographie des riches et des pauvres : les vainqueurs de la nouvelle loterie sont les grandes villes et les ports, tous les autres peuvent crever, comme on le voit à Florange. En attendant, vous admirerez bien un beau Renoir ?

L’État n’arrive pas à endiguer ce flot trop puissant, il ne parvient plus à répartir équitablement les richesses au sein du territoire national. L’Europe lui interdit toute politique industrielle. D’ailleurs, la partie du rapport Gallois qui est consacrée à la politique industrielle est curieusement passée inaperçue. Alors, comme l’État a renoncé à aménager le territoire, Le Louvre est chargé de déménager ses chefs-d’œuvre. Les élus locaux ont l’occasion de montrer leur utilité mais aux frais de leurs contribuables : 155 millions d’euros payés avant tout par la région et les autres collectivités. Les pauvres payent pour les pauvres. Le socialiste Daniel Percheron rêvait d’imiter Bilbao et son fameux musée Guggenheim qui avait attiré des touristes et des devises dans l’ancienne zone industrielle sinistrée du Pays basque. Ah, le modèle espagnol… Ses 25% de chômeurs, ses milliers de m2 de logements vides, ses salaires en baisse ! Le Louvre à Lens donne raison à Michel Houellebecq qui, dans son dernier roman, annonçait à la France un destin de réserve touristique pour le monde riche de demain, de la Chine au Brésil, là où les usines fonctionnent encore. Un immense Disneyland mais… en moins vulgaire. Les descendants de mineurs et d’ouvriers chers à Zola deviendront au mieux gardiens de musée, garçons de café, vendeurs de bimbeloterie. Mais il n’y a pas de sot métier, que de sottes gens. Allez, vous reprendrez bien un petit bus de Rodin, un dernier Rembrandt pour la route avant de rentrer à Paris !”

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7 Comments

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  • hoplite , 7 décembre 2012 @ 11 h 19 min

    Si au moins le Louvre Lens avait une quelquonque utilité… C’était une excellente occasion d’exposer, enfin, les trésors qui dorment dans les reserves. Oui,mais finalement non, nos élites culturelles en on décidé autrement: on va montrer au bon peuple qu’on ne se fout pas de lui :
    Alors on déménage la liberté de Delacroix ou la sainte Anne de Da Vinci !
    Pensez: La liberté guidant le peuple, par exemple, à été peinte à Paris, pour des évènements parisiens, avec des représentations de monuments de Paris Et bien, non Hop direction chez les ch’tis…Pour qui pourquoi , Qui à t’on consulté ? Mystère !
    Est ce qu’un jour les politicards de ce pays pourront enfin se souvenir que le patrimoine national appartient au peuple ? C’est lui qui le paie et c’est lui qui l’entretient et le protège. Et il semble normal qu’il doive y avoir accès et qu’il puisse être associé aux décisions le concernant.

  • Dejan , 7 décembre 2012 @ 11 h 30 min

    Humour zémourien !!!
    Je me reprendrais bien un p’tit coup d’vangogh en ce qui me concerne.
    Maintenant la décentralisation des sites réservés aux arts n’est pas si mauvaise que cela, à condition d’une gestion exemplaire.
    Le centre Pompidou de Metz commence à montrer ses limites. et déçoit pas mal de monde.

  • Philippe Régniez , 7 décembre 2012 @ 15 h 02 min

    Rien à redire, approprié comme toujours.

  • perchè_no , 7 décembre 2012 @ 16 h 08 min

    Merci Zemmour, bien vu une fois de plus !

    @ hoplite

    La logique de Papa1 est respectée : il envoie Hulot sauver la Planète, Peillon “incarner la révolution religieuse dont l’Humanité a besoin ” dans les écoles maternelles, la Liberté guider les chtis,et en 5 ans, ne nous inquiétons pas, il trouvera bien d’autres sauveurs pour les causes les plus nobles de l’Humanité Nouvelle et Triomphante…

  • fauvette , 8 décembre 2012 @ 9 h 06 min

    Eri Zemmour parle bien haut et fort toujours a propos .Le Louvre à Lens quelle belle connerie .La ville du foot a bien des pretentions et le pas de Calais devrait plutot chercher à implanter des usines plutot que d’ouvrir un musee pour un public qui n’y viendra pas!

  • Paul63 , 8 décembre 2012 @ 12 h 52 min

    Tout à fait d’accord avec vous ! je n’ai pas oublié le rêve de F.Mitterrand ” faire de la France un pays de villégiature” on y arrive peu à peu !

  • Etienne92 , 8 décembre 2012 @ 17 h 03 min

    Très bonne chronique !

    Par contre il me semble que c’était la gare de Perpignan, et non la ville, le centre du monde de Dali !

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