Les Roms : censurer la parole, n’est-ce pas casser le thermomètre ?

« Roms, l’unique objet de mon ressentiment » semblent dire les uns après les autres les maires de Cholet, de Croix ou de Roquebrune-sur-Argens. Ces « dérapages » verbaux, épinglés par les médias et sanctionnés ou au moins désavoués par les partis de rattachement sont faciles à stigmatiser. Il est plus intéressant d’analyser le processus dans lequel ils se situent. La présence inopportune, non souhaitée et dérangeante des Roms est de plus en plus mal supportée par les riverains  des campements insalubres dans lesquels il s’installent illégalement, en suscitant de nombreux soupçons sur leurs activités et l’origine de leurs ressources. Les élus locaux, parfois détenteurs de mandats nationaux, sont souvent dans la situation schizophrénique de tenir des discours « politiquement corrects », c’est-à-dire hypocrites dans leurs interventions officielles, et de se laisser aller à des boutades démagogiques dans la chaleureuse ambiance des réunions de proximité : un bon mot, un excès de langage ou un coup de colère qui rencontrent l’adhésion de l’assistance par le rire ou les applaudissements sont des tentations difficiles à éviter. Le fil du rasoir est particulièrement délicat pour les élus de centre-droit dont les électeurs sont majoritairement à droite mais les états-majors soumis à la pensée unique parisienne. Soit ils se taisent au risque de décevoir leur public, soit ils encourent les foudres des médias qui les accusent de plagier le Front national, celles de leur parti et éventuellement celles de la Justice. Ils sont donc astreints au double langage : durs sur le terrain, et prudents ailleurs. On sait depuis Freud que les plaisanteries sont un retour du refoulé. Il est sûr que les maires souhaiteraient voir les Roms ailleurs, mais lorsqu’ils l’ont dit de manière politiquement incorrecte, les voilà condamnés aux circonlocutions ou aux contorsions pour échapper au piège : ils n’ont fait que reprendre la phrase d’une personne de l’assistance. Eux-mêmes sont aux antipodes de ces mauvaises pensées. Comme disait l’autre, je ne parlais pas des Arabes, mais des Auvergnats. Ces retraites sans gloire masquent l’acuité de la question.

Cette question est celle de la tolérance. Lorsque la passivité à l’égard de l’illégalité voire de la délinquance accompagne la répression de la parole indignée contre elles, alors c’est la société qui dérape et devient injuste aux yeux de la plupart des citoyens. Spinoza écrivait : « Il est impossible d’enlever aux hommes la liberté de dire ce qu’ils pensent ».  Si on les en empêche, ils n’en penseront pas moins, jusqu’au moment où la pression de l’inacceptable deviendra telle que faute de parole, on passera aux actes. La liberté d’expression est donc à la fois une libération salutaire, une « catharsis » et un indicateur de l’opinion qu’il faut prendre en compte avant qu’il ne soit trop tard. C’est une sorte de désobéissance civile « à blanc ». Toutes les désobéissances ne se valent pas. Lorsqu’une poignée de farfelus estiment posséder la vérité qui leur donne le droit de saccager un magasin ou un champ expérimental d’OGM, c’est doublement inacceptable, puisqu’aucune censure ne frappe leur discours et que leurs victimes sont dans la plus parfaite légalité. En revanche, comme le dit encore Spinoza : « Une mesure provoquant l’indignation générale a peu de rapport avec le droit de la Cité ». Autrement dit, lorsque l’opposition à une situation, même protégée par le Droit, soulève les foules, comme on le voit en Bretagne, il est nécessaire de lui trouver une solution politique et non judiciaire. Les dérapages verbaux ne sont que des signaux annonciateurs. Les réprimer aveuglément revient à casser le thermomètre lorsque la fièvre monte. Actuellement, les Roms sont nombreux à venir et à revenir en France, à s’y installer dans des conditions déplorables, à se livrer pour certains à la mendicité et à des activités délictuelles. Ils seront plus nombreux demain si l’on intègre leurs pays d’origine, assez incertains, comme l’affaire Leonarda l’a montré, dans l’application du Traité de Schengen. La lenteur de la Justice, la volonté et les moyens de l’État, le droit et l’idéologie de l’oligarchie européenne irritent davantage encore l’indignation. Comme beaucoup d’autres en ce moment, il faut l’écouter, entendre un peuple qui pense à 88% que les gouvernants ne s’intéressent pas à ses problèmes.

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34 Comments

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  • monhugo , 7 décembre 2013 @ 17 h 09 min

    On peut penser (et espérer ne pas se tromper dans cette analyse) à de la tactique, pour MLP – se placer dans le sens du vent (quitte à sacrifier quelques pièces mineures d’un ensemble) est de bonne guerre, pour ne pas faire peur à une partie de l’électorat potentiel, perméable à la propagande constante de la bien-pensance en direction du FN.
    Les catholiques “pratiquants” seraient peu favorables au FN. Voir (avec les précautions qui s’imposent, eu égard au “sondage” en cause, et au média l’ayant commandé) :
    http://satirique.canalblog.com/archives/2013/12/05/28594767.html

  • Bernard , 7 décembre 2013 @ 17 h 20 min

    FAUT IL CENSURER cette info ??

    Plusieurs « usines à bébés » de ce type ont été découvertes au Nigeria par les forces de l’ordre ces derniers mois, notamment dans le Sud-Est. Le trafic d’êtres humains est très répandu en Afrique où les enfants sont souvent achetés à leur famille pour aider dans les champs, les mines, les usines ou pour les tâches ménagères.

    Voir aussi, sur E&R :
    « Pierre Bergé : “Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ?” »
    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Pierre-Berge-Louer-son-ventre-pour-faire-un-enfant-ou-louer-ses-bras-pour-travailler-a-l-usine-15921.html

    dans quel MONDE vivons nous ?

  • monhugo , 7 décembre 2013 @ 17 h 30 min

    À ce « Roms, l’unique objet de mon ressentiment » d’accroche, je répondrai, en écho : “Roms, vils éternels”.

  • jean2 , 7 décembre 2013 @ 17 h 54 min

    Notre gouvernement encourage les Roms à venir s’installer en France et comme dit plus haut à détruire notre belle France. Nos communes sont obligées de les accueillir et même de leurs
    fournir un logement tandis que de l’autre côté il y a des SDF français dans la rue, sans toit.

  • sergio , 7 décembre 2013 @ 18 h 00 min

    monhugo : excellent le calembour !…..vous reprendrez bien un p’tit ver de Rom ?…..

  • monhugo , 7 décembre 2013 @ 18 h 01 min

    Le SDF romanichel, c’est tellement plus “chic”, voyons !

  • monhugo , 7 décembre 2013 @ 18 h 19 min

    Pas mal aussi, en calembour double dose – “ver” opportunément orthographié. Les romanichels et autres bohémiens (comme on le dit moins aujourd’hui) sont le ver dans le fruit, assurément.

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