L’égalité… mais à condition d’être plus égal que les autres !

Etrange pays que le nôtre ! On y célèbre la Révolution, comme si la France n’avait pas existé auparavant. On proclame les valeurs de liberté et d’égalité comme si notre génie national les avait inventées. Pourtant la liberté y est contrainte plus que dans la plupart des autres grandes démocraties par une réglementation tatillonne appliquée par une administration envahissante, par des prélèvements obligatoires qui restreignent l’autonomie de chacun, et même par l’extension et l’interprétation outrancière des lois sur la liberté de la presse ou la laïcité qui permettent à des groupes de pression d’exercer une censure sur la libre expression des opinions. La France vote souvent à droite, mais le cerveau désinformé de ceux qui la dirigent si mal, penche à gauche. C’est pourquoi l’égalité depuis les coupeurs de tête de 1793 jusqu’à aujourd’hui a toujours pris le pas sur la liberté, au point que « libéral », ce mot qui désigne un homme de gauche aux Etats-Unis est chez nous voisin de l’injure et le plus souvent accompagné d’un « hyper » ou d’un « sauvage » clairement accusateur.

Pourtant, il faut être bien naïf ou distrait pour ne pas voir que l’égalité, en dehors des discours convenus et hypocrites, joue un rôle bien modeste dans notre pays. Les deux piliers de la République sont l’envie et la peur. Le souci de l’égalité a moins tendu à abolir les privilèges qu’à en déposséder les titulaires. Plus que d’une justice, il s’agissait d’une revanche. Une fois les Biens Nationaux pris à l’Eglise, aux nobles et au domaine royal et acquis par la nouvelle caste au pouvoir, celle-ci n’a plus songé qu’à conserver sa situation. L’envie a fait tourner le moteur révolutionnaire jusqu’à ce que la peur le mette à l’arrêt. Thermidor, l’exécution de Babeuf, Bonaparte, et 1830 face au « milliard » des immigrés ont été les conséquences de ce souci de préservation des avantages acquis. Un mauvais esprit pourrait voir dans la frénésie égalitaire française le rideau de fumée idéologique qui cache le passe-temps de beaucoup de Français, et de ceux qui ont un morceau de pouvoir en particulier : la chasse aux privilèges.

Des retraites-chapeau et autres parachutes dorés qui permettent aux énarques qui ont pantouflé dans les grandes entreprises de se voir offrir une vieillesse luxueuse jusqu’au statut propre à la fonction publique ou aux régimes spéciaux qui font bénéficier d’une retraite précoce et confortable, c’est à qui trouvera le bon filon. Les petits malins suscitent l’indignation, mais ils sont en fait exemplaires d’une République qui ne l’est guère. C’est ainsi qu’on vient d’apprendre que le Chef de l’Etat qui a émargé à la Cour des Comptes pendant trois ans, il y a trente ans, a pu continuer à cotiser à ce titre, grâce à un détachement et non une disponibilité, refusé aux Ministres désormais, mais accessible au Président. Au total d’une vie si remplie et tellement profitable à ses concitoyens, il touchera une pension de 36000 Euros tous les mois.

Toutefois, le symbole le plus éloquent de l’imposture de notre système est aujourd’hui le Secrétaire Général de la CGT, Thierry Lepaon. Ce syndicaliste de combat et de rupture qui conteste tout et ne signe rien, au niveau national, vient de bénéficier coup sur coup, d’une prime de départ de son poste à la tête du Comité Régional CGT de Basse-Normandie à la hauteur de 30000 Euros, d’un appartement de fonction de 120 m2 en lisière du bois de Vincennes, rénové pour un coût de 120000 Euros, et d’un bureau remis à neuf pour 62000 Euros. Bien sûr ces indiscrétions fâcheuses sont moins liées à une exigence de justice et de transparence, qu’aux sordides rivalités de pouvoir à l’intérieur de l’organisation. Mais l’affaire jette surtout une lumière crue sur le syndicalisme français à travers le syndicat le plus important.

Le syndicalisme français est malade. Il est représentatif des pathologies nationales à défaut de l’être de salariés. Premier symptôme : le taux de syndicalisation est l’un des plus bas du monde avec à peine 7,7 % des salariés, contre une moyenne de 25% en Europe et 67% en Suède, là où on a su réformer, dans le consensus, le système des retraites Second symptôme : Il est plus important dans le secteur public que dans le privé. 15,2%, trois fois plus : sur dix salariés syndiqués, 5 sont fonctionnaires, 1 travaille dans une entreprise publique et 4 seulement dans le privé. Les syndicats sont financés à 80% par de l’argent public et à 20% seulement par des cotisations. On mesure une fois encore la structure socialiste de notre pays avec un secteur public démesuré, détenteur d’avantages et où peuvent faire grève par procuration et sans souci des conséquences économiques, ceux dont l’emploi n’est nullement menacé. Les fonctionnaires allemands n’ont pas le droit de grève. Troisième symptôme : Il y a plus de syndicats pour moins de syndiqués. Il y a trois syndicats en Allemagne, la toute puissante DGB dans le privé, celui des fonctionnaires et un petit syndicat chrétien peu représentatif. Nous en avons cinq « historiques » plus quelques autres qui regroupent 1,8 Million adhérents, dont 400 000 retraités et chômeurs face aux 7 Millions de syndiqués allemands. Le résultat, c’est la compétition électorale, la surenchère revendicative, marque de fabrique de la CGT ou de SUD, qui empêchent le consensus, bloquent les réformes parce que la capacité de nuisance l’emportant sur la représentativité, le syndicat fait peur au pouvoir. Mais chaque syndicat est aussi un pouvoir, une niche à privilèges, que leurs détenteurs veulent évidemment sauvegarder.

Partout dans le monde, le syndicalisme recule devant la montée de l’individualisme, sauf dans les pays qui réservent le bénéfice des services et des retombées des accords à leurs membres. Cette mesure aurait l’avantage de pousser les salariés à participer davantage à travers leur adhésion syndicale à la vie de leur entreprise et à la politique économique et sociale, en général. Là où il y a plus de syndiqués et moins de syndicats, le dialogue social est plus efficace. La France est un pays de féodalités discrètes et d’inégalités masquées. Dans le domaine syndical, comme ailleurs, la démocratie, la vraie doit progresser : l’affaire Lepaon nous y pousse à l’évidence.

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12 Comments

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  • victor , 7 décembre 2014 @ 14 h 06 min

    La révolution française est une révolution coloré ;
    redescendons sur terre !

    https://www.youtube.com/watch?v=YciyjZTFUAA#t=12

  • Pascal , 7 décembre 2014 @ 16 h 09 min

    Il y a belle lurette que la CGT est un syndicat jaune. Du temps où il était au service de la classe ouvrière on lui envoyait la troupe, on le finançait pas à hauteur de 80%. On ne peut prétendre être du côté des travailleurs tout en soutenant l’immigration, l’UE, Schengen, Maastricht, Lisbonne, la directive détachement des travailleurs, les clandestins, etc… Les Français l’on bien compris. Attendre des syndicats qu’ils défendent les travailleurs c’est comme attendre du JT qu’il nous dise la vérité alors que Radio Paris ment radio Paris est allemand et que les syndicats ont des comportements de miliciens.

  • pas dupe , 7 décembre 2014 @ 17 h 05 min

    “…et même par l’extension et l’interprétation outrancière des lois sur la liberté de la presse ou la laïcité qui permettent à des groupes de pression d’exercer une censure sur la libre expression des opinions…”

    Zemmour a été invité chez TSR Suisse pour parler de son livre dans une émission qui s’appelle Infra-Rouge. Cette émission est d’un tout autre niveau de celle que l’on trouve en France. Je dirai une “classe” au-dessus. Notamment si on se réfère à celle de Ruquier. Ce qui, toutefois, n’empêcha pas le petit piquant dans les échanges qui eurent lieu entre les divers journalistes et Eric Zemmour ! Les remarques/reproches étant toujours sur les mêmes sujets… J’ai relevé cependant une réflexion intéressante !!!! A environ 46.10

    E.Z : “Vous dîtes : “Là où je ne suis pas d’accord… Vous allez dans le sens du lecteur”… c’est le lecteur qui m’a choisi, c’est pas pareil ! … Je vais dans un sens inverse à la doxa dominante depuis 40 ans. Je vais dans un sens inverse de ce que disent les élites depuis 40 ans, d’ailleurs vous avez qu’à voir l’accueil que j’aie reçu de leur part !

    IR : “…Oui, mais vous prenez acte de ce que pense la population beaucoup plus nombreuse que l’élite – 46.26

    EZ : “Eh alors, elle n’a pas le droit de vivre ?”

    IR : “Non, mais elle a le droit d’apprendre à penser et apprendre à penser c’est remettre en question ce qu’on a déjà en tête !”

    EZ : “C’est très intéressant ce que vous dîtes : “Apprendre à penser pour le peuple çà veut dire penser comme les élites !””

    IR : “Non, çà veut dire remettre en question ce qu’on pense déjà !

    EZ : “moi, je pense que c’est le peuple qui a raison !…”
    http://arretsurinfo.ch/video-zemmour-chez-les-helvetes/

  • France d'abord , 7 décembre 2014 @ 19 h 15 min

    « Lorsque les politiques grecs qui vivaient dans le gouvernement populaire , ne reconnaissaient d’autre force qui put le soutenir, que celle de la vertu, ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesse et de luxe même.

    Lorsque cette vertu cesse, l‘ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir et l’avarice entre dans tous. Les désirs changent d’objets : ce que l’on aimait, on ne l’aime plus. On était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. Chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître. Ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était règle, on l’appelle gêne ; ce qui était attention, on l’appelle crainte. C’est la frugalité qui y est avarice et non le désir d’avoir. Autrefois, le bien des particuliers faisait le trésor Public ; mais, pour lors, le trésor public devient le patrimoine des particuliers. La république est une dépouille et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous. »

    Montesquieu

    « Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs et des traitres n’est pas victime, il est complice. »

    Georges Orwell

  • eric-p , 7 décembre 2014 @ 19 h 45 min

    Mouais.

    Encore faut-il ajouter 2 choses:

    1-Une partie des français refusent de voter….parce qu’il contestent le système
    ou autre.

    2-Les Français sont très loins de savoir ce qui se passe et de prendre les meilleures décisions.

    3-Même si on trouvait un système “raisonnable” dans lequel tous les fraçais seraient informés des meilleures infos relatives à leur pays,
    ils pourraient être amenés à prendre des solutions non optimales
    …tout simplement parce que la France est entourée d’autres nations qui sont
    susceptibles de faire pression sur le pays…

  • Droal , 7 décembre 2014 @ 20 h 02 min

    La France meurt en 1830, avec la fin du règne du dernier roi oint à Reims, Charles X (69ème roi de France).

    Après, c’est la République jusqu’à la cinquième. Maintenant, la Constitution de 1958 a été remplacée par la constitution €uropéenne contre le désir du peuple français.

    Maintenant « la France » c’est fini et bien fini. Elle a été remplacée par François… et son extraordinaire absence de tout.

  • Pascal , 7 décembre 2014 @ 21 h 41 min

    «Après [1830], c’est la République jusqu’à la cinquième».
    Vous avez boulotté deux monarchies et un Etat français !
    Nous ne sommes plus en République,vous avez raison.
    Non «la France ce n’est pas fini et bien fini», elle peut renaître de ses cendres, son peuple a montré qu’il était bien vivant en 2013. Courage !

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