Défense du mariage : Rester fidèle à la troupe

Réponse de Pierre Mayrant* à la Lettre ouverte à Frigide Barjot et sa team

Le bon usage de la sémantique n’est pas l’apanage des partisans du mariage pour tous. En référence au « printemps arabe », le « printemps français » est une nouvelle association qui tente de recueillir au-delà des opposants au mariage gay, les mécontents d’une situation qui ressemble à celle de la France pré-révolutionnaire.

Ce printemps m’en rappelle un autre, le « printemps des peuples » en 1848 qui a mis le feu en Europe. Mais l’inspiration est de nature pessimiste. Je ne pense pas à la France, je me réfère à la révolution autrichienne qui aurait abouti à l’abolition de l’Empire s’il n’y avait pas eu l’intervention du grand maréchal Alfred de Windisch-Graetz. Celui-ci avait eu l’idée géniale de laisser la ville de Vienne décider elle-même de son sort sous l’emprise des révolutionnaires. Avec cette certitude tirée des expériences passées que les révolutions n’étaient que l’agrégat de mécontentements divers, de factions ennemies, avec comme seul objectif commun de renverser le régime en place. Les laisser seuls décider de leur sort dans un milieu urbain clos réveillait ce pour quoi ils se détestaient avant. Il n’aura fallu que quelques mois pour que le chaos s’instaurât de nouveau dans la ville et offrir au Maréchal l’opportunité de reprendre aisément la ville et mettre fin à la Révolution. En 1870, Adolphe Thiers usa de la même stratégie contre les communards. La méthode de Windisch-Graetz devint un cas d’école en stratégie militaire.

En politique aussi. Depuis mai 1968, il semblait impossible de contrôler le relais médiatique qu’imposait la rue. François Mitterrand avait l’art d’y céder facilement. Au-delà d’un million de personnes, la République semblait en danger, selon lui. Jacques Chirac, le débonnaire, s’était fait une coutume de courber l’échine et de planter Matignon, dont le siège devenait chaque jour plus éjectable.

Mais les temps changent. Le premier grand succès revient au manœuvrier Nicolas Sarkozy qui, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, aura réussi à vaincre l’une des grèves les plus importantes qu’a connue l’Université depuis 1968, dans un silence médiatique incroyable, en 2007-2008. On pourra dire que pour cette année-là, plus que pour tout autre, les diplômes auront été donnés, puisque la plupart des universités étaient fermées. C’était certes le début du quinquennat du président. Mais le fait que les médias de gauche, pourtant sensibilisés à ce type de cause, aient aussi peu relayé l’information, fut pour le moins étonnant. Pour ce cas, deux tactiques ont été utilisées : l’isolement médiatique (Nicolas Sarkozy proposait tellement de réformes, que les traitements approfondis de chacune d’elles devenaient impossibles) et le temps (les rendre suffisamment impatients pour que les dissensions internes remplacent l’unité originelle de la contestation).

Ce qui a fondamentalement changé la donne en 2007 avec l’arrivée de la nouvelle génération d’hommes politiques au pouvoir, est la prise en compte que l’espace urbain de contestation a disparu au profit de l’espace médiatique. Autrement dit, 1,4 million de manifestants ne valent que s’ils ont une existence médiatique. Si le pouvoir politique réussit à isoler médiatiquement quelque contestation qu’elle soit, il a gagné, car le sentiment d’injustice étiole l’unité et divise.

Comme Nicolas Sarkozy, François Hollande applique la méthode de Windisch-Graetz, d’autant plus que cela correspond parfaitement à son type de personnalité. Il esquive. L’animal politique a le sang-froid. Les seuls coups, il feint ne les avoir jamais reçus. Il ignore la Manif pour tous. Il parle des manifestations comme l’expression d’une opinion spirituelle. Il irrite. Puis les médias, ayant sur lui tant d’autres objets d’accusation, dévie le regard de la masse qui s’était initialement prononcée. Pour chaque cas, il laisse le temps. Il est expert dans le détournement.

Et comme si l’histoire se répétait, Les opposants au mariage pour tous commencent à se molester : « extrémisme » de certains, « agit prop » chez d’autres, contre usage de la sémantique du « sens de l’histoire ». L’opposition au mariage pour tous est loin d’être homogène. Les Associations familiales catholiques veulent bien être traitées de bourgeois ringards par la « Barjot », mais seulement le temps du succès. Comme tout mouvement de contestation, tous les moyens à court terme sont jugés bons pour rendre l’action la plus efficace possible. Maintenant que ça traîne en longueur, ces moyens sont contestés, d’autant plus que, selon cet adage propre à la morale catholique, la fin ne justifie jamais les moyens.

Oui, mais ce sont ces moyens qui ont permis la masse. Et c’est cette petite masse de 170 000 personnes le 17 novembre dernier qui a permis la fédération de tant de forces qui a contribué au succès que l’on connaît. Depuis le début, les méthodes sont celles de n’importe quel mouvement insurrectionnel. Par exemple, chercher les arguments dans la filiation sans prendre en compte la question de l’homosexualité, par peur du soupçon d’homophobie, c’était déjà contourner le vrai problème (cf. cet article). C’est en tant que véritable professionnelle de l’agit prop, que Frigide Barjot a mobilisé par trois reprises, autant de monde dans les rues de Paris.

Désormais, cette dernière condamne la violence de certains mouvements associés à l’ensemble. Règlement de compte en interne, peut-être ? Continuité d’une stratégie de combat qui, depuis le début, est plutôt gagnante, sans doute. Combien de fois a-t-on entendu ce type de discours à la CGT ou à la FO : « Nous condamnons toute forme d’excès ». Madame Barjot condamne la violence autant qu’elle s’en réjouit. La violence peut nuire à l’ordre public qui, surtout en ce moment, ne doit pas être troublée. Encore une fois, elle ne veut surtout pas être associée à quelque forme d’homophobie que ce soit. Cette condamnation n’est qu’une garantie pour les assurances en cas de dommages collatéraux.

En conclusion, pour répondre à la lettre ouverte à Frigide Barjot et sa team, quel que soit la justesse du propos, je n’ai personnellement jamais vu une troupe contester son chef en plein milieu du combat sans avoir la certitude d’être conduite au casse-pipe. Il est primordial, dans ce type de combat, de se positionner sur une stratégie à long terme dans la fidélité à ceux qui fédèrent le mouvement d’ensemble. La division interne serait l’échec assuré.

*Pierre Mayrant est historien et journaliste.

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34 Comments

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  • Lucotin , 9 avril 2013 @ 16 h 47 min

    tout à fait d’accord avec cet article
    Ceux qui sèment la division sont des allés objectifs des promoteurs de cette loi, qui “crachent dans la soupe”
    Je fais confiance à Frigide qui est la garante de la diversité de la “Manif pour Tous”, un des artisans de son succès.

  • Adock , 9 avril 2013 @ 21 h 03 min

    Lorsqu’on se comporte comme un veau on fini à l’abattoir.

  • Frédérique , 9 avril 2013 @ 21 h 13 min

    @Henri
    +1000

  • Adock , 9 avril 2013 @ 21 h 36 min

    @En 68 :

    Je ne sais pas comment répondre à votre bêtise et votre obscurantisme, engendrés par la propagande des médiocrités gouvernantes ou officielles.

    Le nucléaire est une singularité qui mène à l’extinction de l’espèce humaine à très brève échéance (quelques décennies).

    Le nucléaire n’est pas “dangereux”, les EPR ne sont pas “dangereux”, ils sont une hypertélie.

    Cela est scientifiquement irréfutable.

    Une hypertélie est une disparition d’espèce à cause de ses propres choix.

    Laissez moi vous démontrer, sans argument d’autorité, comme l’idiot qui au moyen-age tentait de démonter que la terre est ronde, en expliquant aux obscurantistes, le fonctionnement d’un cadran solaire :

    Quel est le risque induit par une seule centrale nucléaire ?

    Chernobyl ?

    Fukushima ?

    Tsar Bomba ?

    Non.

    Le pire risque serait la perte de contrôle totale d’une piscine de combustible.

    Ces derniers jours, d’ailleurs, il y eu une perte de contrôle de 3 à 18 heures du refroidissement des piscines de Fukushima.

    Si on perdait par exemple le contrôle de la seule piscine du réacteur 4, nous aurions 150 fois Chernobyl.

    Cela signifie que dans une zone de 1km les Hommes mourraient en moins de 10 minutes.

    Par effet cascade, les Hommes ne pouvant plus pénétrer dans cette zone, il y aurait la perte des piscines et réacteurs de tout le complexe de Fukushima, de telle sorte qu’on pourrait atteindre 600 fois Chernobyl ou beaucoup plus.

    Selon tous les physiciens.

    Il n’est même pas nécessaire de citer des sources, ces faits ne sont même pas niés par les promoteurs même du nucléaire, comme vous le constaterez lorsque sans veuleries vous étudierez sérieusement la question.

    Et après ?

    Après il n’y a aucune solution.

    Ce volcan serait une source active de radioactivité, que nul ne saurait éteindre, le Japon serait intégralement à évacuer, très rapidement tout l’hémisphère nord serait lui aussi à évacuer et l’hémisphère sud serait peut-être sauvé, ou pas.

    L’apocalypse mon cher ami.

    Mais cela vous n’y croyez pas, car vous préférez demeurer dans vos oeuvres matérialistes, celles du 20ème siècle qui prétendent que l’Homme est un dieu.

    Vous évoquez enfin les EPR.

    Cette technologie est pire.

    Puis, viendront les surgénérateurs, là, c’est la fin du monde assurée avec un chance sur douze.

    Les physiciens, comme Andreï Sakharov et ceux de son calibre (le père fondateur de la bombe atomique russe, qui renonça à ses travaux et fut torturé lorsqu’il expliqua que la Tsar Bomba fit par les seules retombées radioactives, 4 millions de morts… en bilan provisoire, puisque la radioactivité est toujours présente), ont donc face à l’aveuglement des Hommes, développé directement de nouvelles disciplines.

    Pour eux, l’Homme est inadapté à son environnement et il disparaitra donc le plus probablement, sauf prise de conscience, par hypertélie, à courte échéance.

    Puisque vous voulez des arguments d’autorité, en voilà un, lisez les travaux de Andreï Sakharov ou même de son condisciple français Jean Pierre Petit…

    Le physicien Alexandrov à qui nous devons les travaux probabiliste sur l’hiver nucléaire, fut assassiné à Madrid…

    Alors, pourquoi évoquer les centrales nucléaires et l’arme atomique en même temps ?

    Car c’est la même technologie.

    Car une piscine de combustibles de plutonium (le fameux MOX livré par Areva France à Fukushima, dont les livraisons viennent tout juste de reprendre à plein régime) contient plus de réactifs qu’une bombe atomique elle même !

    Autrement dit et c’est le risque évité à Chernobyl, s’il se produit un mélange de ces barres de combustibles (séisme, typhon, comme actuellement à Fukushima) et que ces combustibles mélangés sont violemment entrechoqués avec une masse d’eau, vous avez une réaction thermonucléaire.

    BOUM L’HUMANITE.

    C’est exactement ce qui fut évité de juste à Chernobyl (Chernobyl sans T, soit dit en passant, ce qui démontre encore la médiocrité des polytechniciens… énarques, républicains, journalistes…), car, d’énormes quantités d’eau se stockaient dans les sous sols de Chernobyl et la dalle sur laquelle repose le coeur fondu du réacteur (corium syndrome chinois), étant en train de céder.

    Si le corium avait violemment rencontré cette masse d’eau, BOUM L’EUROPE TOUTE ENTIERE.

    C’est pourquoi 600 000 liquidateurs sont allés crever pour creuser des galeries sous Chernobyl, pour y pomper l’eau (exactement ce qu’ils sont en train de faire à Fukushima) et y couler une dalle de béton de 20 mètres d’épaisseur (ce que les macaques japonais ne font pas actuellement sur Fukushima).

    Alors quoi, toutes nos élites ne seraient pas au courant ?

    Non, elles ne le sont pas.

    Qu’est ce que nos élites si ce n’est une tribu de singes ?

    C’est ainsi que nous voient les extra-terrestres.

    D’ailleurs Sakharov dans son discours de prix noble, en conclusion il évoqua les extra-terrestres.

    Vous croyez que s’ils existent, qui les extra-terrestres contacteraient en priorité sur terre ?

    Hollande, Obama, les polytechniciens, les énarques ?

    Probablement pas.

    En priorité s’ils existent, ils contacteraient discrètement les physiciens de la trempe de Sakharov…

    Alors j’en ai rien à foutre des glapissements de singes, car l’Homme court à sa perte à très brève échéance et nous n’avons plus le temps de le ménager pour produire une rupture de paradigme.

    Il n’y a d’ailleurs peut-être à ce stade de singeries humaines, qu’un contact officiel avec des extra-terrestres, malgré le risque induit par ce contact, qui pourrait d’une foutre la bonne claque dont nous avons besoin pour nous remettre les idées à l’endroit.

    Du reste il y a d’autres solutions envisagées :

    La fusion aneutronique.

    Ha, j’oubliais, les polytechniciens français ne savent même pas que cela existe, alors qu’aux USA et en Russie ils produisent des sortes de bombes atomiques sans hiver nucléaire avec…

    Voilà pourquoi aucune autre voie que le nucléaire n’est actuellement exploitée, car au lieu de penser la physique de demain, on fait des bombes avec…

    Avec les surgénérateurs (EPR MOX puis ASTRID), nous n’aurons plus qu’une chance sur douze de survie sur terre à partir de 2020.

    Tout cela pour ne pas dépendre du pétrole saoudien ?

    Des singes, nous nous comportons comme des singes.

    Un nouvel age d’or ou la fin du monde, voilà ce que nous connaitrons de notre vivant.

  • Adock , 9 avril 2013 @ 21 h 43 min

    Cette lutte contre “le mariage homosexuel” pour nécessaire qu’elle soit, n’est elle même qu’un combat de tribus de singes, un sexe des anges, le chant du signe avant le grand BOUM.

    Tant que l’Homme ne réalisera pas sa fragilité et qu’il ne se soumettra donc pas aux réalités de sa condition.

  • alain , 12 avril 2013 @ 0 h 58 min

    J’ai vu que Virginie Merle épouse Tellenne condamne les « fachos » que lui désigne la gauche et les médias (c’est une redondance) et de braves colleurs d’affiches qui collent sur d’autres affiches, celles de la LGBT – action qui frise comme chacun sait le crime contre l’humanité (gay).

    Alors je me suis dis , je vais écrire à Virginie.

    Ma Chère Virginie,

    J’ai croisé le dénommé Tellenne dans mon jeune temps dans les locaux du Parti des Forces Nouvelles (PFN) en face de la Tour Saint Jacques à Paris.

    Le PFN était le successeur d’Ordre Nouveau .

    J’ai oublié de vous dire que j’ai toujours eu des fréquentations sulfureuses.

    Je pense même que le Tellenne qui partage votre couche (ou l’inverse) a même pondu quelques articles dans une revue mensuelle sulfureuse que je lisais à l’époque et qui portait le nom de » Défense de l’Occident ».

    Défense de l’Occident avait été fondée par Maurice Bardèche qui avait écrit à l’époque qui nous intéresse un livre dont le titre était » Je suis un écrivain fasciste ».

    Je pense que Frijide devrait en parler à Virginie qui devrait en parler à Tellenne.

    A propos Maurice Bardèche était le beau-frère de Robert Brasillach.

    Veuillez agréer chère Frijide etc …

    PS Brasillach était homosexuel, il n’était donc pas aussi mauvais qu’on le dit encore maintenant

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