La chasse au Buisson est ouverte !

L’affaire Buisson éclaire notre vie politique. Tandis que depuis les miradors les faisceaux sont braqués sur l’ennemi public n°1, c’est au contraire derrière les projecteurs qu’il faut regarder d’où jaillit la lumière. C’est là que se situe le spectacle, un spectacle de chasse à courre très en vogue dans le microcosme médiatique. Le cerf ou le sanglier une fois débusqué, la meute est lancée. Peu importe ce qu’il a fait ou dit, c’est le gibier lui-même qui intéresse. Nos belles âmes humanistes ne reprochent pas à leur proie ses actes, mais d’être ce qu’elle est. C’est un aveu intéressant chez ceux qui affirment en général leur antiracisme que cette propension à cataloguer les gens, à leur poser une étiquette pour affirmer qu’ils sont essentiellement ceci ou cela. Le comportement incriminé n’aura fait à leurs yeux que révéler la nature profonde de la bête à abattre. C’est exactement ce que fait le raciste à propos de celui qui est pour lui un Juif ou un nègre qui ne pouvait que faire ce qu’il a fait. C’est la même histoire de l’affaire Dreyfus à «Dans la Chaleur de la Nuit »… A part qu’ici le scénario pose le principe qu’un homme de droite qui a dirigé Minute ne peut qu’être une mauvaise personne. On l’accuse d’avoir commis un acte répréhensible. Le choeur de la bienpensance répond en écho : on vous l’avait bien dit. La psychanalyse devrait se pencher avec intérêt sur ce cas de projection : un racisme anti-droite chez les antiracistes professionnels. Pourtant, les faits sont bénins. L’enregistrement pouvait être réalisé pour rappeler qui a dit quoi en cas de contestation. Ce pouvait servir au travail de l’écrivain Buisson. N’est-ce pas ce qu’avait fait Attali avec Mitterrand pour Verbatim ? Il avait pris des notes. Mais son travail a été contesté peut-être parce qu’il n’avait que des notes. Ce qui est vraiment grave est d’avoir dérobé les enregistrements et de les avoir diffusés.

Mais la chasse est un rite. Il y a les sonneries. C’est ici le moment de l’indignation surjouée. Il n’y aura pas de mot assez blessant pour stigmatiser le criminel et son crime. C’est d’abord celui de trahison. Mais où commence-t-elle vraiment ? A la diffusion plus qu’à la captation ! Raffarin en bon publicitaire, qu’on prend pour un homme politique, parle de violence. N’est-ce pas pourtant le vol plus que la captation qui a violé celui qui détenait les enregistrements et n’en a pas fait usage ? On lance ensuite la meute qui va hurler, aboyer, et mordre. On rappelle le passé. On dessine un portrait, comme la police le fait pour un criminel : cet homme vient de l’extrême-droite. Il en a tous les vices : méprisant les politiques, paranoïaque, complotiste. Lorsqu’une caméra le poursuit contre son gré et qu’il se plaint des méthodes policières de la presse « gestapiste », le couperet tombe : sa réaction est typiquement d’extrême-droite. Dans ce registre, l’un des chiens de chasse les plus appliqués aura été Domenach dans son duel avec Zemmour. Pour lui, Buisson est un voyou. Pourquoi ? Mais parce qu’il s’est livré à des « écoutes ». Domenach emploiera ce terme à plusieurs reprises. C’est un bon exemple de glissement sémantique visant l’amalgame. Une « écoute » désigne un procédé par lequel vous captez une conversation privée à laquelle vous n’êtes pas convié. Ici, Patrick Buisson participait à la conversation. Il n’a donc écouté que ses interlocuteurs et s’est en grande partie enregistré lui-même. Quand on connaît les autres protagonistes de ces échanges, n’était-ce pas de sa part un acte de prudence ? L’emploi volontaire du mot procède de la mauvaise foi. Elle vise à accroître la gravité du crime et la noirceur du criminel. Qu’un journaliste emploie les procédés des commissaires politiques et des accusateurs publics n’est pas reluisant, mais indique dans quelle étuve à l’air  empoisonné d’idéologie toxique, notre vie politique est condamnée à vivre.

“Dans les chasses à courre, j’ai toujours préféré l’animal traqué.”

C’est beau une chasse à courre : habits magnifiques, chevaux superbes, meutes splendides. L’esthétique de la curée n’échappe qu’à la bête traquée. Dans la curée médiatique, on retrouve à côté des journalistes, les politiciens gourmands de ces petits jugements vitriolés qu’on ne fait que devant les caméras et exclusivement contre les gens de son camp. Quand on n’a pas d’idées à soi, c’est le meilleur moyen de séduire les journalistes et d’être réinvité. Bachelot et Rama Yade en savent quelque chose. Quelle en est l’esthétique ? C’est l’utilisation perverse de la morale. Ces méchancetés sont drapées de morale. Fillon trouve le procédé de Buisson « répugnant », Bachelot en ressent du « dégoût ». Rama Yade voudrait qu’avec la fin de Buisson, la droite retrouve ses valeurs. Comme si elle savait ce qu’est la droite et ce que c’est qu’une valeur.

Après vient le temps du repas où la bête, il faut qu’on se la mange. Et là éclatent les désirs de revanche remâchés contre celui qui avait raison contre eux en conseillant à Sarkozy de faire une politique de droite. Sarkozy s’est contenté de faire des campagnes à droite et une politique d’ouverture à gauche. Il s’est fait élire à droite, a manqué de peu de se faire réélire de la même façon. Une fois élu, il a eu tort d’écouter ces belles âmes qui ne sont que des têtes creuses, et a pratiqué une politique qui a déçu ses électeurs. Et ce sont les coucous de la droite qui se vengent aujourd’hui de celui qui a fait leur nid et a failli le conserver. Dans les chasses à courre, j’ai toujours préféré l’animal traqué.

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15 Comments

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  • lhemeu , 9 mars 2014 @ 16 h 14 min

    Pompidou disait : faites la politique des VOTRES . ne faites pas la politique des autres ……
    C’est en voulant plaire à l’autre bord , en refusant d’assumer qu’ils avaient été élus pour faire une politique de droite , que Giscard , puis Sarkozy ont loupé leur réélection .

  • Pg , 9 mars 2014 @ 17 h 31 min

    Un magnétophone sur la table d’une réunion d’entreprise, ce n’est pas la même chose qu’un mini-magnéto dans une poche et qui enregistre à l’insu de tous les propos d’un chef d’état et de son entourage dans l’exercice de leurs fonctions.
    M. VANNESTE nous lasse qq peu avec cette défense de P. BUISSON : certes celui-ci a recruté dès 2005 dans les milieux de la droite nationale catho chez les journalistes de droite un réseau de plumes et de relais d’opinion, grassement rémunérés pour certains, obtenant des postes en récompense pour d’autres, bénéficiant de la mansuétude de leurs employeurs (pour ne pas dire plus, surtout pour certains blogueurs influents et fonctionnaires) pour d’autres, plus quelques ”concours discrets et divers” pour demeurer pudique pour d’autres. .
    Je comprends donc que son retrait forcé prévisible du champ politique comme pièce maîtresse d’une reconquête sarkoziste du pouvoir en peine, déçoive, affole, attriste, désespère, brise les espérances personnelles de beaucoup de gens de ce réseau.
    Mais tout ceci était prévisible : le ”génie” Buisson, pour qui le connait depuis longtemps, n’était qu’un arriviste sans scrupule, usant de la corruption sans gêne aucune et sa fin de partie correspond assez bien à ce son parcours.
    Ne soyons pas trop tristes pour lui, M. VANNESTE : M. BUISSON comme d’autres qui affectent d’être de droite en refusant une vraie démocratie et en acceptant la diabolisation de 20 % de français votant à droite, saura rebondir pour lui à titre personnel.
    Placé à côté de Sarjkozy pour lui faire dire des mots que celui-ci ne pensaient pas, afin de mieux tromper ceux qui croyaient en ces mots, P. Buisson n’avait pas choisi le meilleur : maintenant Sarkozy veut faire campagne au centre gauche pour bloquer BAYROU.
    On vole très haut, très haut à côté de la France.

  • flammande , 9 mars 2014 @ 17 h 54 min

    Halali pour Buisson (qui cache la forêt)… Malgré l’insignifiance des propos enregistrés, on diabolise, on fabrique une “Affaire d’Etat”… L’occasion est trop belle pour le “Camp du Bien” de rappeler les HLPSDNH, les liens dudit Buisson avec un FN sans doute menaçant… Et se faire de belles plumes : les socialistes défilent en jurant qu’on ne les y prendraient pas (même H.Désir l’arbitre des élégances morales !). Ils ont déjà tous oublié les écoutes illégales de la Mitterrandie, les plombiers du Canard Enchaîné, etc !!!
    Il faut que Buisson endosse et paie pour la conversion ignominieuse de la fin de campagne du “regretté et naïf Sarkozy”… Ben voyons : faire payer à un homme de conviction pour un autre qui n’en avait aucune.
    Et puis, Buisson n’a fait que trahir Sarkozy… Sarkozy, lui, a trahi tout un peuple…

  • Jo , 9 mars 2014 @ 18 h 44 min

    Comme je ne lis pas la presse collabo, il me semble que Sarkozy a encore des affaires en justice donc faire du bruit pour le victimiser, c’est une tactique ! Nous en avons l’habitude maintenant ! Un coup c’est pour la droite, un coup c’est pour la gauche ! Il y en a plus qu’assez et il est grand temps de passer le coup de balai !
    Par contre que les témoins des affaires où Sarkozy est impliqué, de Libye notamment, disparaissent de mort brutale là, c’est normal ! Il y en a eu en France mais personne ne semble s’être apitoyé sur leur sort !

    Cà a été dit et redit, UMPS c’est pareil donc aucun atermoiement à avoir pour quiconque ! De toute façon les magistrats sont aux ordres donc pas de souci à se faire pour eux !

  • Rragmatic , 9 mars 2014 @ 18 h 47 min

    J’ai relevé: “Mais parce qu’il s’est livré à des « écoutes ». Domenach emploiera ce terme à plusieurs reprises. C’est un bon exemple de glissement sémantique visant l’amalgame. Une « écoute » désigne un procédé par lequel vous captez une conversation privée à laquelle vous n’êtes pas convié. Ici, Patrick Buisson participait à la conversation.”

    Et la justice qui met un ancien Président, sa femme et un avocat sur écoute, il appelle ça comment Domenach?

  • Jo , 9 mars 2014 @ 18 h 49 min

    Au sujet des fonds versés par Kadhafi : Un fils de Kadhafi qui était réfugié au Niger vient d’être livré à la Libye ! Quelle coïncidence ! quand on sait que Sarkozy fait l’objet d’une instruction actuellement en France ! Tout n’est que manigance, et nous, nous ne faisons que casquer ! Quand les Français se réveilleront-ils ???

  • Jo , 10 mars 2014 @ 7 h 08 min

    “Et la justice qui met un ancien Président, sa femme et un avocat sur écoute, il appelle ça comment Domenach?”

    Conférence ???

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