8-9 Mai. L’Amitié Franco-Russe

La France va célébrer ce 8 Mai sa participation à la victoire de 1945 sur le nazisme. En raison du décalage horaire lors de la signature de capitulation allemande, c’est le 9 que la Russie commémore la victoire. Pour le 70e anniversaire, Vladimir Poutine avait donné un lustre particulier à ce jour en associant la puissance militaire et l’émotion populaire. Le signe de croix orthodoxe du Ministre de la Défense au début du défilé montrait le visage d’une Russie réconciliée avec elle-même, la même finalement contre tous les envahisseurs sous les tsars comme sous les soviets. Ces deux journées sont l’occasion pour les Français de penser à leurs rapports avec la Russie, de se rappeler ce qu’ils ont été, ce qu’ils sont et ce qu’ils pourraient être.

L’éloignement géographique des deux pays en a fait plus souvent des alliés que des adversaires. D’ailleurs, leurs ennemis étaient les nôtres, les Prussiens, puis les Allemands, les Britanniques aussi. Durant la guerre de sept ans, les Russes sont à la veille de prendre Berlin lorsque la tsarine meurt. En 1914, leur offensive qui échoue oblige les Allemands à dégarnir le front occidental et contribue ainsi à la victoire de la Marne. Enfin, l’effort principal des nazis est concentré contre la Russie soviétique beaucoup plus que contre les Alliés occidentaux. Les Russes perdront plus de 10 millions d’hommes, les Américains 230000. Si la résistance britannique et la puissance matérielle des Etats-Unis ont joué un grand rôle dans la défaite nazie, le sacrifice russe a été plus déterminant encore. La reconnaissance doit d’ailleurs s’adresser au peuple et non au régime qu’il subissait, lequel était objectivement l’allié de l’Allemagne lorsque celle-ci envahissait la France et a été par son incurie en grande partie responsable des pertes subies par son armée. La France a attaqué la Russie en 1812 avec Napoléon 1er et est intervenue de concert avec le Royaume-Uni en Crimée pour soutenir la Turquie en 1854. Elle aurait pu éviter ces deux conflits inutiles dont le premier fut désastreux et le second contraire à nos intérêts. Au moins témoignent-ils de l’absurdité de la politique étrangère des Bonaparte.

La Russie et la France se sont parfois affrontées sur le terrain idéologique. Lorsque la France était révolutionnaire, la Russie était conservatrice. Lorsque la Russie est devenue communiste, la France appartenait au « monde libre ». Mais cette opposition n’a pas empêché de fructueuses alliances. C’est la République radicale et laïque qui s’est alliée à l’Empire russe dirigé alors par le réactionnaire Alexandre III. De même, de Gaulle est allé à Moscou rencontrer Staline en Décembre 1944 pour signer un traité indépendamment des Alliés. La diplomatie doit être réaliste. L’idéologie n’y est souvent que le masque que le puissant utilise pour mobiliser à sa suite des alliés moins forts qu’il peut abandonner ensuite sans vergogne.

Les Etats-Unis ont ainsi tenu bon à Berlin. Ils soutiennent Israël, mais aussi les riches Etats pétroliers sunnites du Golfe. Ils ont abandonné la Chine de Tchang-kaï-chek, le Sud-Vietnam ou l’Iran du Shah. Si la défense de l’Europe occidentale était conforme aux intérêts de la France et à sa position dans le camp de la liberté, si le réalisme et l’idéologie se rejoignaient, l’effondrement du bloc soviétique et la disparition de l’URSS changent totalement la situation. Depuis quinze ans, les Américains poursuivent apparemment la lutte de la démocratie et des droits de l’homme. Ils légitiment l’ingérence au nom de la liberté contre des régimes présentés comme autoritaires et odieux : la Serbie de Milosevic, l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie de Bachar Al-Assad. Mais ils le font avec des alliés plus que douteux, les monarchies théocratiques wahhabites du Golfe ou la Turquie qui s’éloigne à grands pas de la démocratie. A chaque fois, et en Ukraine plus encore, c’est la Russie qui est visée. Lorsque l’idéologie devient aussi incertaine, les intérêts stratégiques et économiques se dévoilent. Ce ne sont plus forcément les nôtres. Le choix de la Turquie plutôt que de la Russie doit-il être celui de l’Europe, celui de la France ? La complaisance allemande au chantage d’Erdogan est aujourd’hui inconvenante.

L’Europe est le partenaire naturel de l’Union eurasiatique que veut bâtir le Président Poutine. Par ailleurs, l’opposition idéologique a disparu. Lorsqu’après la libération de Palmyre, un orchestre de Saint-Petersbourg donne un concert de musique classique au milieu de ruines romaines, en présence du Conservateur du musée de l’Ermitage, là-même où les islamistes perpétraient leurs atrocités, le message est clair : c’est la civilisation qui a vaincu la barbarie (article de sputnik). La communication est habile et elle éveille un sentiment d’appartenance commune qui érode les fondements des positions actuelles de notre pays.

Le 9 Mai est le jour de l’Europe qui est bien malade. C’est aussi celui de la commémoration de la Grande Guerre Patriotique et de la victoire russe. Il serait bien choisi pour que l’Europe, et la France en particulier envoient un signe d’amitié à la Russie.

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6 Comments

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  • Charles , 9 mai 2016 @ 9 h 01 min

    Excellent billet ce matin du colonel Gerard Michel sur le prix Charlemagne
    attribué à “François-Lepape” pour sa contribution à l’état fédéral germanobelge
    et avancer dans leur plan germanoslamiste qui passe par la Turquie.

    Ils étaient tous descendus à Rome: Merkrelle, Chunker,Schulz .
    Il y avait aussi notre Cobra national, Nacha Belle-Kachem.
    Il manquait l’autre Cobra, Leila Salle-Amie.

    http://www.bvoltaire.fr/georgesmichel/le-pape-charlemagne-et-son-prix,255284

  • Cap2006 , 10 mai 2016 @ 8 h 53 min

    Le sacrifice du peuple russe force le respect, à une époque où le peuple français se rendait sans combattre, acceptait le joug de l’occupant sans que cela ne le gêne vraiment, avant d’être massivement passif dans la collaboration.

    L’armée française avait les moyens de combattre 2 à 4 semaines de plus, ce qui aurait non seulement changé la face de la guerre , mais donné un semblant d’honneur à notre peuple.

    Et pas celui d’avoir été résistant au lendemain du débarquement allié.

    Par contre, etre pragmatique devant le sinistre Poutine est une chose : l’aduler une autre bien peu comprehensible.

  • V_Parlier , 10 mai 2016 @ 19 h 30 min

    Parce-que chez nous il n’y a pas de “sinistres” peut-être?
    Vu ce que l’UE (France en tête) et les USA ont eu acquis à leur palmarès de la perfidie depuis ces dernières années, je ne vois pas en quoi il y aurait plus sinistre en Russie, sinon ces généralités bien préparées et resservies en boucle par la presse politiquement correcte (qu’il n’y aurait pas de presse d’opposition, pas de fameuses “caricatures”, que les assassinats seraient organisés par Poutine et que le renverser rendrait tout à coup tout le monde gentil et prospère, avec la bénédiction des rapaces d’Outre-Atlantique qui apporteraient le bien-être… comme en Ukraine…).

  • Psyché , 10 mai 2016 @ 22 h 16 min

    Ce que nos grand-parents d’après guerre savaient parfaitement s’est enfui de la conscience populaire et 70 ans de désinformation nous ont convaincu que les USA ont libéré la France.
    La réalité est que ce sont les russes qui ont vaincu l’armée allemande et que, 70 ans après, les USA occupent toujours l’Europe avec des troupes stationnées dans la plupart des pays et bientôt merci l’OTAN et merci M. Sarkosy, reviendrons bientôt planter leur bannière étoilée sur le sol français.
    Le Charles de Gaulle est déjà sous commandement américain, les bombes nucléaires américaines stationnées en Italie, Allemagne, Pays-Baltes,
    Tout est prêt pour les nouveaux massacres.
    Merci M. Obama, Prix Nobel de la Paix.

  • Monique Neveu , 11 mai 2016 @ 2 h 40 min

    De geu lasse! On refait l’histoire pour les cancres contemporains. L’armee americaine a ete arretee pour que les troupes du copain Josef puissent envahir le plus de terrain possible et arriver a Berlin en premier. On oublie que le pere joseph avait fait un traite avec Adolphe, et si le pere joseph est alle contre lui s’etait qu’il voulait sauver sa vieille peau. En plus les ricains envoyaient du materiel au pere joseph. Le bon oncle joseph, le meilleur copain du salaud Roosevelt. Et grace a ce Roosevelt, a Yalta, le copain joseph a obtenu l’occupation de l’Europe de l’est. Pour ceux la pas de liberation mais colonisation pendant encore un demi siecle.

  • Monique Neveu , 12 mai 2016 @ 4 h 16 min

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