L’insolent succès d’AirBnB enfin courageusement combattu

En France, l’administration pléthorique, le pouvoir d’achat en berne et l’intrusion de l’Etat dans toutes les relations individuelles n’ont pas abattu l’esprit inventif de nos compatriotes. En fait, ces contrariétés (qu’ils jettent eux-mêmes sur leur propre route) ont nettement favorisé l’émergence de toute une économie du contournement des difficultés paperassières. Si Uber en est une démonstration assez flagrante, AirBnB constitue un autre exemple frappant notamment par son succès.

C’est donc sans surprise qu’on apprenait il y a quelques semaines que cette plateforme américaine, qui permet de mettre en location temporaire son bien immobilier, a battu des records en France en affichant plus de 8,3 millions de locations négociées dans le pays sur l’année écoulée. En huit années, le site AirBnB est ainsi passé du statut de startup innovante à mastodonte économique dans le secteur du tourisme, en profitant notamment des facilités de l’internet pour la mise en relation de loueurs et de touristes, amoindrissant nettement les parts de marché de l’hôtellerie traditionnelle.

Avec 6,5 milliards d’euros d’impact économique évalué pour l’année 2016 (contre 2,5 milliards pour 2015), chiffre additionnant tant le coût de la location que de l’évaluation des dépenses des touristes sur place, AirBnB est devenu un acteur incontournable à la fois de la vie touristique et de la vie économique française : loin de siphonner les emplois hôteliers, la plateforme serait ainsi responsable de la création de plus de 30.000 emplois que ces touristes induisent lorsqu’ils profitent de leur passage dans le pays ; mieux, 15% des voyageurs de la plateforme ont trouvé un hébergement dans des communes n’ayant pas d’hôtels, ce qui tend à montrer la différence de segment qu’elle occupe comparé au tourisme hôtelier traditionnel.

Dans ce tableau, Paris s’en sort évidemment le mieux : capitale mondiale du tourisme, elle l’est aussi pour cette plateforme, devant New-York et Londres, au point de générer un enthousiasme certain chez les voyagistes qui vont jusqu’à établir des cartes de prix des locations parisiennes.

Tout ceci est bel et bon, mais n’oublions pas, cependant, que nous sommes en France et que toute cette belle croissance, toutes ces créations d’emplois et tous ces touristes heureux qui dépensent de l’argent dans notre pays ne sont rien à côté des habitudes, des corporations et de l’administration toute puissante du pays qui n’entendent absolument pas lâcher le moindre centimètre à ce progrès d’autant plus suspect qu’il est rapide, capitaliste et américain (donc probablement acoquiné avec le turbo-libéralisme débridé, la finance apatride, les Russes ou les Sauriens / Illuminatis).

La vérité française, intangible et inaltérable, et que créer de la richesse est éminemment suspect.

Rapidement, la résistance s’organise donc. Déjà, des lois, des décrets et des réglementations apparaissent pour réduire autant que possible cette opportunité offerte aux uns et aux autres de faire un profit, immonde par nature.

Grâce à un petit décret finement ciselé et spécialement taillé pour l’occasion par un gouvernement jamais en mal d’une bonne idée de « progrès social » et de protection des puissantes corporations installées, les communes de plus de 200.000 habitants se voient dotées de la possibilité d’aller vérifier ce que font vraiment les loueurs sur cette honteuse plateforme. Il ne faudrait surtout pas que la puissance de l’Etat soit bafouée, et surtout que le loueur, toute honte bue, loue n’importe quoi, n’importe comment, à n’importe qui. On est en France, monsieur, patrie de la liberté et des droits de l’Homme où tout le monde peut aller où il veut comme il le veut à condition d’avoir les bons formulaires et les cerfas idoines tamponnés dans les temps par les autorités compétentes et dûment accréditées.

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Pour un tel décret, du reste parfaitement standard dans ce pays où l’interdiction ou la contrainte sont devenues monnaie courante, le motif officiel ne manque pas de sel : par cet acte, le gouvernement cherche en fait à « garantir l’accès au logement pour les populations dans les grandes villes touristiques ». Ainsi, en imposant des contraintes supplémentaires aux propriétaires, nos dirigeants estiment améliorer la condition des populations qui ont du mal à obtenir à logement.

C’est implacablement logique et tout à fait en accord avec ce qu’on peut observer sur les 50 dernières années où les lois encadrant l’immobilier se sont faites tous les ans plus contraignantes et où, en réponse, le mal logement n’a jamais cessé d’augmenter. Manifestement, si toutes ces lois qui imposent des milliers de contraintes et de cadres légaux aux propriétaires pour faciliter la vie du propriétaire, si les loyers augmentent, si les locataires ont de plus en plus de difficultés à trouver à se loger, et si le nombre de mal logés explose, c’est bel et bien parce qu’on n’a pas fait assez de lois, de règlements, de décrets et d’encadrements, pardi !

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Bref et dorénavant, les propriétaires qui tentent de profiter d’AirBnB dans les agglomérations de plus de 200.000 habitants vont devoir se soumettre à de nouvelles règles administratives : numéro d’enregistrement et ne pas excéder la durée limite légale de cent vingt jours de location par an, avec amendes pour les petits comiques qui tenteraient d’outrepasser.

L’avantage est que ces contrôles seront faciles à faire (par milliers par collectivités) et que le suivi des dossiers litigieux sera à la fois simple et peu coûteux. En plus, l’argent pour les réaliser coule à flot puisqu’on peut logiquement espérer qu’ils seront abondamment financés par la taxe de séjour collectée maintenant de façon automatique depuis le premier mai, là encore pour tabassréguler AirBnB et le marché attenant des locations immobilières entre particuliers.

Nul doute que ce qui faisait, en 2016, une création de richesse pour beaucoup de Français, que ce qui leur permettait d’arrondir leurs fins de mois et de proposer un hébergement bon marché aux touristes du monde entier, partout dans le pays y compris dans les zones rurales, sera courageusement étranglé par les nouvelles contraintes administratives finement ouvragées. Petit-à-petit s’étiolera donc cette nouvelle possibilité qui, comme pour les VTC, offrait une planche de salut à certains, et c’est bien normal tant on frôlait de façon imprudente l’indépendance économique et la liberté de faire ce qu’on veut avec sa propriété privée…

Heureusement, le gouvernement a frappé agi un bon coup.

C’est aussi ça, la France bureaucratique : un Etat efficace au service d’un public toujours plus riche, pour un travail de qualitaÿ.

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