Marine Le Pen ? Pas au niveau !

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par Jean-Yves Le Gallou*

« Suffisance et insuffisance, arrogance et incompétence », c’est ainsi qu’Eric Zemmour a résumé le débat du 3 mai entre le futur président Macron et son désastreux challenger.

Marine Le Pen  a montré lors de ce débat qu’elle n’était pas à la hauteur des fonctions qu’elle prétendait exercer.

Ce n’est pas seulement une question de quotient intellectuel, c’est aussi une question de finesse stratégique. En dehors de quelques discours lus dans les meetings, Marine Le Pen a délaissé les questions régaliennes et identitaires, là où elle pouvait marquer des points.

Car quand on veut réussir un concours, il faut d’abord bosser sa matière forte surtout quand elle a un fort coefficient. En politique cela s’appelle revenir à ses fondamentaux. Surtout quand ils sont portés par le vent de l’histoire !


Une funeste focalisation sur les questions économiques et monétaires

A rebours de tout bon sens Marine Le Pen s’est focalisée sur les questions économiques et monétaires : la critique de la loi El Khomri à la remorque de Mélenchon, la sortie de l’euro sans la cohérence d’Asselineau, des propositions sociales non financées.

Des questions qui ne sont pas au cœur des préoccupations de ses électeurs ; des propositions  qui les inquiètent ; pire des propositions qu’elle ne semble pas bien comprendre elle-même  ou qu’en tout cas elle est incapable de bien expliquer. Toujours selon Zemmour « Marine Le Pen se prend pour Evita Peron et finira comme Marie-Georges Buffet »

Alors que les trois quarts des voix qu’elle pouvait conquérir au deuxième tour devaient, selon les sondages, provenir de la droite (33% des électeurs de Fillon, 60% des électeurs de Dupont-Aignan s’apprêtaient à se reporter sur elle), elle a préféré s’adresser aux électeurs de Mélenchon dont seulement une toute petite minorité – 14% envisageaient de voter pour elle – comme s’il n’était « bon bec qu’à gauche ». Sans grand succès : 10% seulement des électeurs mélenchonnistes se reportant pendant que le taux de report à droite baissait à proportion de l’impression de mépris ressenti par ses électeurs.

Pire : alors qu’avec sagesse elle s’était engagée auprès de Dupont-Aignan à différer la sortie de l’euro, elle a passé la dernière semaine de campagne sur la ligne Philippot (« les Français achèteront leur baguette en francs d’ici 8 mois » whaou !) et multiplié les élucubrations monétaires. Avec quelques excuses, il est vrai : sur l’euro vous mettez deux experts ensemble et vous entendez… trois opinions différentes. Difficile d’expliquer cela aux électeurs.

Une campagne sans enthousiasme

Allons plus loin : Marine Le Pen n’a pas su, au cours de la campagne, susciter beaucoup d’enthousiasme. Ni tenir un discours à la hauteur des enjeux historiques et civilisationnels. Prendre en compte les réalités et offrir de l’espérance à ceux qui veulent éviter le Grand Remplacement démographique et civilisationnel. Répondre aux aspirations d’une nouvelle génération – celle de sa nièce Marion Maréchal Le Pen – attachée aux permanences identitaires et anthropologiques. Elle a cru que l’économie était le destin et tenu le discours de la fin du siècle (sinon du millénaire) précédent : mélange de souverainisme jacobin et de promesses sociales non financées. Une ligne – la ligne Philippot – qu’elle a imposée sans dialogue ni empathie à ses cadres ou militants. Pour eux, cette élection a été une longue souffrance sous le contrôle et la direction de l’équipe restreinte de « l’Escale » : des jeunes gens n’ayant souvent jamais rencontré un électeur ni tenu un bureau de vote. Une « escale » qui s’est révélée une impasse.

Le désastre en chiffres : comment transformer l’or d’une situation en plomb électoral ?

Les tenants de la langue de bois frontiste expliquent que Marine Le Pen a battu le record du FN à une élection présidentielle avec 34% des suffrages exprimés et 10,6 millions d’électeurs. C’est vrai mais ces chiffres doivent être mis en perspective.

1-Marine Le Pen affirmait concourir pour gagner et une partie des observateurs croyaient, ou feignaient de croire, que c’était possible. Nous en sommes très, très loin

2-La situation était éminemment favorable : inquiétudes liées aux attentats, à l’islamisation, à la vague migratoire ; président sortant atteignant un record d’impopularité et challenger républicain détruit par les affaires ; accès médiatique sans commune mesure avec celui des élections précédentes ; puissants relais conservateurs et identitaires sur les réseaux sociaux.

3-Marine Le Pen partait d’un niveau électoral très haut : 25% aux dernières élections européennes, 26% aux dernières élections départementales, 28% aux dernières régionales. Or, sauf « décrochage » comme en 2007 (lorsque Marine Le Pen fut la « directrice stratégique » de la campagne de Jean-Marie Le Pen), le FN vaut 4 points de plus aux élections présidentielles qu’aux élections locales car l’électorat populaire se mobilise davantage. Marine Le Pen a donc commencé la campagne de premier tour aux alentours de 30%. Les premiers sondages la plaçaient d’ailleurs aux alentours de 28%/29%. Mais – et malgré les malheurs de Fillon – elle n’a cessé de décliner, se qualifiant difficilement pour le deuxième tour avec seulement 21% des voix. Un résultat sans doute sauvé par l’attentat islamiste des Champs-Elysées survenu quelques jours avant le premier tour.

4-Pour le deuxième tour Marine Le Pen a démarré avec un potentiel de 38% à 40% des voix, montant même à 42% après une bonne première semaine. Pour retomber à 34% après une fin de campagne catastrophique.

5-Florian Philippot et Marine Le Pen pensent – ou feignent de penser – que le FN tire Marine Le Pen vers le bas. Et si c’était l’inverse ? Et si le coefficient personnel et la ligne stratégique de Marine Le Pen avait plombé le FN ? de moins 7% au premier tour par rapport au potentiel de départ ? de moins 6% au second tour toujours par rapport au potentiel de départ ?

Et pour 2022 ? MLP, FP, MMLP, NDA ?

Une élection suit l’autre. Raté en 2017 ? Préparons 2022 ! Mais avec qui ?

Disons les choses clairement :

  • Sur une ligne souveraino-chevénemento-mélanchonniste, une candidature Philippot serait sans doute plus convaincante dans l’argumentation tout en quittant la tunique de Nessus du nom Le Pen. Nul doute que certains y songent.
  • Sur une ligne plus identitaire et plus conservatrice sur les valeurs, il est non moins clair que Marion Maréchal Le Pen serait plus crédible et de surcroît capable de susciter l’enthousiasme.
  • En dehors du FN proprement dit, Nicolas Dupont-Aignan, qui a fait preuve de persévérance, de cohérence et de courage, mérite aussi d’être pris en considération.
  • Difficile de nier qu’aujourd’hui le produit électoral Marine Le Pen est un produit électoral bâtard : les inconvénients du nom sans les avantages des fondamentaux.

Les responsables nationaux devraient ouvrir les yeux.

Et les identitaires devraient réfléchir à d’autres voies de redressement. Après tout, les batailles locales et les batailles culturelles sont sans doute plus porteuses que le simulacre présidentiel.

*Jean-Yves Le Gallou préside la Fondation Polémia.

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6 Comments

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  • Charles , 9 mai 2017 @ 17 h 26 min

    Cher Monsieur Le Gallou,
    En règle générale j’aime beaucoup tout ce que vous faites pour la francité face à l’invasion islamiste. Croyez moi, vous finirez un jour ministre, et ce malgré vous.
    Votre argumentaire contre la stratégie de Marine est complexe, riche d’analyses mais je crois un peu injuste car incomplète. Faut-il se souvenir que c’est bien elle qui prend le plus de coups depuis 2011 ?
    Je vous rassure, je ne suis pas un mariniste pur beurre et je suis conscient de certains défauts, mais nous avons tous des défauts. Qui d’autre s’est présenté pour mener la résistance face aux forces de l’empire ? Il fallait quelqu’un, ce fut-elle. Si elle ne s’était pas levée en 2011, que ce serait-il passé ?
    J’aime bien Bruno Gollnisch mais il n’a pas la vivacité/énergie/hargne requises pour frapper l’opinion et animer une foule de 5.000 personnes, contrairement à elle.
    Il est intelligent, attachant mais trop bien nourri.

    Je comprends votre frustration sur les résultats qui ne furent pas une surprise pour moi. (Hé oui, Bingo, Samedi soir, 6 Mai, j’ai donné à des amis ma propre estimation à 65%/35%)

    Pour le sujet de l’économie et de la politique monétaire:
    ———————————————————
    Pour redresser la France, toute personne qui a sérieusement étudié le sujet, sait que la situation actuelle est un piège germanique et que seule une reprise de notre souveraineté monétaire peut permettre de négocier ce redressement, tel un réservoir de fuel pour sauver un navire à la dérive.
    J’admets que le sujet soit complexe, d’autant plus que les forces de l’empire ont occulté systématiquement une approche réfléchie du sujet. Certes, Marine a sorti l’option monnaie commune bien trop tard le 24 Avril alors que cette dimension technique aurait dû être posée explicitement sur le site du FN dans les 144 propositions.
    J’ai souvent défendu cette option, en fait depuis 2001 par un rapport privé puis depuis 2004 par une série de contributions sur le site fdesouche (Fortune) puis NDF à compter de 2012.

    On peut simplement reprocher à Marine & Florian de ne pas mobiliser des personnalités économistes non FN dans les entretiens télévisés pour les accompagner chez les journalistes. Ils ont maintenant les moyens d’imposer de venir avec un invité de leur choix.
    Une autre faute tactique fut de tolérer la désignation « extrême droite ». Maintenant, ils devraient annoncer la couleur : Toute nouvelle désignation « extrême droite » dans un débat, impliquerait des excuses, à défaut, l’élu du FN cesserait de participer à un tel faux débat.

    Une autre faute tactique fut de jouer la victoire (« on va gagner ») alors qu’une approche perdant/gagnant (recommandée maintes fois dans mes commentaires) était plus efficace et plus lucide. La position de Marine et du FN est devenue bien plus forte aux législatives.
    Ne pleurons pas sur le lait renversé.
    Il manque effectivement au FN une dimension culturelle (Chrétienne) inaccessible pour ses 3 principaux dirigeants (Marine, Florian, Gilbert). Personne ne peut être obligé d’avoir une telle foi qui doit être libre.
    Qui l’aura ? Le futur le dira. Cela viendra. C’est une question de foi.

  • Pascal , 10 mai 2017 @ 4 h 09 min

    La cerise sur le gâteau de cette sinistre soirée électorale fut l’emploi par Marine dans son discours de l’anglicisme « opportunité » en lieu et place d’ « occasion ». Anglicisme que le jargon du marketing et du management a contribué à répandre. Dans la bouche de Macron ça aurait été dans l’ordre des choses. On ne peut pas gagner en adoptant la sémantique ou la langue de l’ennemi !

  • J. Elsé , 10 mai 2017 @ 10 h 36 min

    Monsieur Le Gallou, “Le coup de pied de l’âne”, cela vous dit quelque chose ?

  • Lebarbu1563 , 10 mai 2017 @ 10 h 56 min

    Ne tirons pas sur l’ambulance.
    Marine a pris beaucoup de coups et a assumé.
    Il faut que le FN redresse sa barre :
    – Plus question d’accepter FN=Extrême-droite
    – Programme cohérent sur l’identité/culture française
    – Programme économique réaliste, explicable, et …atteignable
    – Recherche d’un vrai leader (autre que Marine), clair sur les valeurs humaines de société (famille cellule de base, pas de soutien à l’IVG, refus de la GPA , aide aux familles )
    – Programme clair sur tous les niveaux de l’enseignement et de la culture
    – Programme réaliste sur l’articulation France/Europe, ce qui est faisable, ce qui peut prendre du temps… Pragmatisme !

  • fred , 10 mai 2017 @ 18 h 37 min

    pour être cru : la petite entreprise le pen (marque commerciale FN) se porte bien, très bien même.
    Pourquoi croyez-vous que Marion Maréchal est partie ? Parce qu’elle a de grandes convictions pour son pays, la France “Fille ainée de l’Église”. On pourra compter sur Elle! plus tard.
    Quand à Nicolas D.A il a eu du courage & li s’est positionné intelligemment pour l’avenir proche d’une vraie droite. C’est aux électeurs & adhérents du “machin fn” de faire preuve de clairvoyance maintenant.

  • Marie Genko , 10 mai 2017 @ 19 h 09 min

    J’ai lu avec intérêt le commentaire de Charles ci-dessus. Effectivement si Marine s’était fait conseiller par un économiste sérieux, comme Jacques Sapir par exemple, elle aurait été à même de défendre brillamment son projet de sortir de l’Euro!
    Elle aurait du insister sur le fait que nous ne sommes plus un Etat souverain! Comparer notre situation à celle de la Suisse par exemple qui bat monnaie, a sa propre justice, ses propres lois et sa propre armée!
    Pour nous c’est tout l’inverse!
    Et non satisfaite de nous imposer des Migrants, Bruxelles nous noie sous des directives, qui mettent nos agriculteurs et nos industriels en danger.
    Charles a aussi raison d’insister sur la Foi qui doit revenir dans le cœur des Français et ce n’est pas le discours de Laïcité de Marine qui pourrait enthousiasmer les chrétiens persécutés par notre République!

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