La gauche en survie spectrale…

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Il ne faudrait pas confondre la Bérézina avec le pont d’Arcole ni le radeau de la Méduse avec l’embarquement pour Cythère. Jamais sans doute un Président et son gouvernement n’avaient sous la Vème République fini en pareille capilotade. Certes les sondages remontent pour François Hollande tant les Français sont heureux de le voir partir, mais quelque soit l’habileté des thuriféraires des fausses gloires de la gauche qui encombrent notre Histoire, on aura du mal à faire passer une retraite contrainte et honteuse pour un geste magnanime de sacrifice à l’intérêt supérieur de la patrie. De même, l’air placide, l’habit bourgeois bien coupé, et la parole mesurée de Cazeneuve rassurent, mais de manière trompeuse. Voilà le calme gestionnaire de la chienlit qui a proliféré sous le prétendu Etat d’urgence, le Ministre de l’Intérieur qui a mobilisé contre lui les policiers ulcérés de ne plus pouvoir défendre leur propre vie contre des criminels que, placide, il nommait des « sauvageons », le comptable imperturbable et compatissant des centaines de morts victimes du terrorisme imprévu et impuni, le voilà donc enfin qui, en raison de son « sérieux », remplace le tumultueux Valls à Matignon. C’est une belle illustration de notre politique-spectacle où l’air compte plus que la chanson, l’apparence davantage que la réalité qui la contredit. Manuelito prend, lui, le taureau par les cornes en se lançant dans l’arène des primaires de la gauche. Mais il risque bien d’y être le taureau plutôt que le matador. On l’y attend : il y a les picadors montés sur leurs grands chevaux des valeurs de gauche et des promesses de 2012, les Montebourg, les Hamon, les Lienemann, les Filoche, tristes compétiteurs d’un parti qui s’effiloche. Et puis il y a ceux qui vont poser les banderilles, mais participeront à la mise-à-mort, de l’extérieur, comme Macron. Ce sera la grande compétition des traîtres, celui de la première heure avec le geste provocateur de la cuvée méprisante, puis le Brutus qui à force de tout recevoir s’est cru tout permis, et enfin le porteur du coup fatal, le fidèle qui au cours d’un repas a fait boire la ciguë à celui qu’il prétend admirer. Le bateau coule mais tous veulent en devenir capitaine, peut-être d’ailleurs le savent-ils déjà, pas maintenant mais au mieux après un carénage d’au moins cinq ans. Avant cet exil, on remet quelques décorations. A voir la mine satisfaite de Bruno Le Roux, on sent bien que la langue de bois, appliquée et dévouée, frétille d’aise en recevant une récompense inespérée qui lui tombe du refus dédaigneux du Maire de Dijon. Rebsamen aura avec un réalisme paysan préféré la réalité de sa ville au mirage de cinq mois de Ministre, c’est-à-dire rien.

L’ancien et le nouveau sont allés rendre visite au policier gravement brûlé à Viry-Chatillon, encore hospitalisé. Cette démarche symbolique et compassionnelle vise à mettre du baume au coeur des policiers, à apaiser leur amertume, leur frustration et leur colère. Elle est aussi un passage de témoin, dont le témoin est une victime, une sorte de condensé du séjour, Place Beauvau, du nouveau Premier Ministre dont le comportement digne aura masqué l’absence de volonté et d’efficacité. Pendant ce temps, un des fabricants de cocktails Molotov de la Grande Borne, sur les deux identifiés, a été écroué. Il est âgé de 17 ans, l’autre de 15. Avocats et famille contestent bien sûr l’incarcération car le faiseur dit n’être pas le lanceur qui, lui, court toujours. Le petit ballet ministériel s’est dansé avec dignité et amitié. Le spectacle était destiné à montrer le sérieux et la cohésion de la gauche au pouvoir. Le Président Chef des Armées désormais uniquement voué à la conduite d’un pays qui s’en passerait volontiers, s’envole vers le Charles de Gaulle : il pourra constater de plus près que la bataille de Mossoul s’enlise et que celle d’Alep s’achève. Il sera aux premières loges pour acter le désastre de la politique menée par Obama, qu’il aura suivi et parfois précédé. L’ancien Premier Ministre Jean-Marc Ayrault qui sert de chien d’attaque de la politique américaine, ce qui correspond à un dégradation de la politique étrangère de la France, en est à demander une trêve de sept jours pour ravitailler les rebelles. Une fois encore, notre pays, qui a mal choisi ses amis, et dont l’action diplomatique ne sert qu’à prolonger le bain de sang, sous couvert d’humanisme, a vu sa démarche balayée par les veto russe et chinois. Depuis cinq ans la guerre fait rage en Irak, en Syrie et en Libye, le terrorisme s’est développé avec le soutien de l’argent du Golfe dont dont recherchons piteusement les faveurs, la Russie a été rejetée vers l’Asie, la guerre froide est de retour. Notre « allié » turc a révélé son vrai visage et change peut-être de camp. Le Président Assad, grâce au soutien clair de la Russie de Poutine, est en train de gagner la guerre. Notre politique étrangère aura été à la mesure de l’ensemble : aveugle, brouillonne, irrésolue. Comme le disait Sénèque, « il n’y a pas de bon vent pour qui ne connaît pas son port ».

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