Fonction publique : peut-on la réformer ?

Une légende urbaine prête au chef de l’État le désir de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires. Et, de façon tout à fait naturelle, le pays s’apprête à une confrontation entre, d’une part, les lecteurs de Courteline qui trouvent les ronds-de-cuirs trop nombreux et ceux pour qui le service a conservé le prestige qu’évoquent les Mémoires de Saint-Simon.

Et comme nous ne vivons ni sous le règne de Louis XIV ni sous la Troisième république, il peut relever du bon sens de partir de quelques réalités inhérentes à ce débat.

Le 31 janvier au terme d’un comité interministériel, Édouard Philippe et Gérald Darmanin ont annoncé travailler, pour leur part à un plan de départs volontaires.

Cette idée tant soit peu originale ne manque pas d’interpeller, y compris par sa fraîcheur.

Sans doute le gouvernement imagine-t-il qu’elle pourrait paraître plus acceptable, par l’idéologie gauchisante, que la méthode qu’avait suivie la fameuse RGPP (2007-2012) sarkozyste. À l’époque on cherchait à jouer arithmétiquement sur les départs en retraite.

Ce programme fut certes entaché de certaines erreurs. Nous les avons dénoncées en leur temps. Il ne fallait pas raboter les fonctions proprement régaliennes, de défense, de justice, de police. Bien au contraire, leur part dans la dépense publique pouvait, et aurait dû, précisément être renforcée à la hauteur des besoins, grâce à la remise en cause du périmètre de l’État. Cela me paraissait tellement évident que je ne l’ai pas assez souligné alors.

Il est hélas encore temps puisque, par exemple, personne n’ose plus parler de chèque scolaire et encore moins de libre choix de la protection sociale.

On a voulu créer la surprise en annonçant vouloir discuter avec les organisations syndicales d’un plan de départs volontaires.

On va hélas se heurter à un triple problème.

Le premier tient à la complexité de ce qu’on appelle fonction publique, laquelle s’est beaucoup différenciée, comprenant, par exemple des établissements publics à caractère administratif. Les uns, les EPA sont supposés relever du droit public et du fonctionnariat ; les autres à caractère industriel et commercial, les EPIC sont plus ou moins assimilés au droit privé. Mais la frontière reste poreuse.

Le surnombre des agents de l’État, de ces établissements, des collectivités territorial n’échappe à la conscience de personne. En moins de 20 ans, du 31 décembre 1996 au 31 décembre 2014, l’évolution des effectifs devrait impressionner. Ceux de la Fonction publique proprement dite, État et Ministères sont passés de 4,8 millions à 4,3. Ils avaient culminé à 5,1 en 2005, avant les effets de la RGPP. Diminution apparente car, partout ailleurs, ils ont augmenté. Le nombre des personnels des établissements publics nationaux à caractère administratif est ainsi passé de 160 000 à 480 000, multiplié par 3. Ce qu’on appelle fonction publique territoriale et des collectivités territoriales est passée de 2,2 millions à 3,3 millions et les établissements publics locaux à caractère administratif de 210 000 à 480 000. La prétendue fonction publique hospitalière, est toujours citée en argument. Or, elle ne bénéficie d’aucune des caractéristiques du fonctionnariat. Rappelons simplement que la carrière moyenne d’une infirmière ou d’une aide soignante dure seulement en France de 5 à 7 ans, compte tenu d’une pénibilité aussi évidente que mal reconnue. Mais puisqu’on veut considérer l’hôpital comme une réalité étatique, dans la mesure où, indirectement ses recettes sont assurées par la sécurité sociale, elle-même gouvernée par l’administration des Finances on notera que son périmètre est passé de 880 000 employés à 1,2 million. Au total on est passé de 4,6 millions d’agents publics à 5,4 millions.

Ce poids quantitatif à lui seul génère une difficulté à résoudre le problème qu’il pose puisque plus de 5 millions de familles et d’électeurs se trouvent naturellement prédisposés à refuser toute réforme.

Dur labeur par conséquent que cet hypothétique plan gouvernemental ouvert comme une pochette-surprise le 31 janvier.

Mais le principal obstacle découle de la rigidité idéologique du système. Nous en visiterons les bases dans une prochaine chronique.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.

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