Unité, identité et diversité (+vidéo)

par Guillaume de Thieulloy*

Pourquoi le cacher ? Depuis le 24 mars, le mouvement de résistance à la loi Taubira se divise. Plus exactement, il se multiplie, si je puis dire. C’est-à-dire qu’il n’y a plus simplement la « Manif pour tous ». Il y a de nombreuses initiatives, qui partent dans tous les sens.

Beaucoup s’en inquiètent. Personnellement, je m’en réjouis.

Il est certain que le risque est grand de voir surgir des provocations et il est certain que le risque est grand de voir les médias et la classe politique insister lourdement sur ces apparentes divisions pour forcer les uns à condamner les autres.

Ne tombons pas dans ce piège grossier !

Personne ne demande à quiconque d’assumer des actions dont il n’est pas responsable. Mais le minimum vital, c’est de ne pas dénoncer à la vindicte publique, voire à la justice (comme certains viennent de le faire), ceux qui luttent sur une autre brèche contre cette loi Taubira. Je trouve ainsi ahurissant de dire que les manifestants paisibles qui se sont retrouvés sur les Champs-Élysées le 24 mars étaient des « fachos » ou des « factieux ». Que le ministre de l’Intérieur le déclare, pour occulter ses propres erreurs, c’est de bonne guerre. Que certains cadres de la « Manif pour tous » reprennent cette évidente calomnie est une faute politique manifeste.

Je sais bien que ce mouvement contre la loi Taubira est le réveil d’une « France bien élevée » (comme a dit joliment la journaliste Gabrielle Cluzel) après un sommeil de plusieurs décennies. Il nous faut donc un certain temps pour être à nouveau « opérationnels ». Mais le simple bon sens nous impose de refuser d’apporter à l’adversaire les têtes de nos amis sur un plateau.

“Oui, je me réjouis de cette floraison d’initiatives à laquelle on assiste depuis le 24 mars, qui fait que plus personne (même pas nous !) ne sait où donner de la tête.”

Car faut-il le rappeler ? Le vrai problème n’est pas l’action de tel ou tel défenseur du mariage naturel. Le problème, c’est la loi Taubira et ce qu’elle signifie d’agression délibérée par le pouvoir en place contre notre civilisation.

Personne ne demande à Frigide Barjot d’applaudir aux actions des militants qui vont siffler les ministres à tous leurs déplacements en province. Pas davantage qu’on ne demande à Béatrice Bourges d’accompagner Frigide Barjot dans des boîtes de nuit branchées ou au « patron » de l’Alliance Vita, Tugdual Derville, de se pacser avec celui de l’institut Civitas, Alain Escada ! Mais est-il si difficile de ne pas régler ses comptes par voie de presse ?

Pour ne donner qu’un exemple personnel, je suis de ceux qui ne pensent pas que l’UOIF, organisme islamiste radical, soit l’espérance de la France, ni même celle du mouvement anti-Taubira. Et je vois mal comment militer dans un même mouvement que ceux qui égorgent nos frères chrétiens en Égypte ou en Tunisie. Mais si la « Manif pour tous », ou certains de ses cadres, estiment le contraire, grand bien leur fasse ! Il est clair que nous n’avons pas la même analyse politique, ni la même stratégie. Mais cela ne nous empêche pas d’avoir un objectif commun, qui reste le retrait de la loi Taubira – y compris après sa promulgation.

Oui, je me réjouis de cette floraison d’initiatives à laquelle on assiste depuis le 24 mars, qui fait que plus personne (même pas nous !) ne sait où donner de la tête.

Les médias et le pouvoir parlent de « radicalisation ». La belle affaire ! Croit-on vraiment que nous ayons des leçons à recevoir de ceux qui gazent les enfants et les bonnes sœurs ?

Au demeurant, la soi-disant « radicalisation » repose pour le moment sur deux faits, dont nous n’avons pas le plus petit début de commencement de preuve qu’ils soient liés au combat contre la loi Taubira. D’une part, deux homosexuels ont été agressés samedi soir et, d’autre part, Esther Benbassa, sénatrice écologiste, a vu son pare-choc embouti. Qu’il échappe à la « grosse presse », massivement acquise au prétendu « mariage pour tous », que des centaines de voitures subissent chaque jour ce genre d’incidents dans Paris, sans qu’il y ait nécessairement d’implication politique ; ou que se promener à 3 heures du matin près du canal de l’Ourcq, dans le climat d’insécurité actuel, n’est guère prudent ; que cela échappe donc à la « grosse presse » n’étonnera personne. Mais que des cadres de notre mouvement avalent de tels bobards laisse pantois.

Au demeurant, il est singulièrement paradoxal de parler de « radicalisation », quand tout le monde, partisans et adversaires de la loi Taubira, est d’accord sur le fait que cette loi implique un… radical « changement de civilisation ». Le radicalisme n’est pas chez nous, mais dans le camp du gouvernement qui, non seulement nous méprise, mais a déclaré une guerre sans merci à la famille et à la nature humaine.

“Une nouvelle génération arrive, qui ne se reconnaît dans aucun leader, pas même les porte-parole de leur propre mouvement. Ces jeunes militants n’ont aucune raison de demander la bénédiction d’un hypothétique soviet suprême pour se rebeller contre ces ministres autistes.”

Il est certain que notre mouvement échappe aux catégories auxquelles sont habituées les politiciens et les commentateurs. Mais c’est une excellente nouvelle ! Cela signifie tout simplement qu’une nouvelle génération arrive, qui ne se reconnaît dans aucun leader, pas même les porte-parole de leur propre mouvement. Ces jeunes militants n’ont aucune raison de demander la bénédiction d’un hypothétique soviet suprême pour se rebeller contre ces ministres autistes. Cela signifie aussi que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de l’action politique où internet et les réseaux sociaux sont plus déterminants que les médias les mieux installés. Ce qui implique, en particulier, que nous n’avons plus à nous soucier de notre image dans les médias. Cette question était peut-être stratégique cet automne. Mais c’est fini. Plus personne n’a les moyens de faire avaler au peuple français que nous sommes une poignée d’intégristes homophobes – et nous n’avons, de notre côté, aucun moyen de convaincre de leur erreur ceux qui le croient !

On me dit qu’il y a un risque de débordement. Certes. Mais croit-on vraiment que les officines du pouvoir ne conduiraient pas au « dérapage » si nos manifestations devenaient réellement inquiétantes ? S’ils sont capables de transformer par la propagande d’État quelques milliers d’enfants et de grands-mères en hordes fascistes, ils seront tout aussi capables de nous faire endosser la responsabilité d’actes crapuleux avec lesquels nous n’avons rien à voir.

Allons-nous rester tétanisés sur place parce que nous tremblerions de peur à l’idée que Libération nous accuse d’« homophobie » ou à l’idée que Manuel Valls nous traite de « factieux » ? N’a-t-on donc toujours pas compris que nos adversaires ont déjà une idée extrêmement précise de ce que nous sommes et que cette idée n’ait rien à voir avec la réalité n’y change rien ?

On me dit aussi qu’il ne faut pas transformer le mouvement en « revendication politique ». Mais dans quel monde vivons-nous ? Nous nous opposons à une loi. Bien sûr que c’est un combat politique ! Et bien sûr que l’étape suivante du combat, c’est le renversement du gouvernement : si le gouvernement de M. Hollande prétend lier son sort à la loi Taubira, quoi de plus naturel que de lui faire porter la responsabilité de son entêtement et de son autisme ?

On me dit enfin qu’il ne faudrait pas que ce mouvement se transforme en mouvement « catho ». Mais croit-on vraiment que les foules qui manifestent depuis le mois de novembre soient représentatives de la « France black, blanc, beur » ? Je commence, pour ma part, à en avoir plus qu’assez d’entendre toute sorte de « représentants » parler en notre nom, et pratiquement jamais quelqu’un qui nous représente vraiment ! Autant je suis ravi que des imams, des socialistes ou même un trotskiste s’opposent avec nous à Mme Taubira, autant je ne me reconnais nullement en eux. Ceux qui nous ressemblent, ce sont des gens comme Antoine Renard, le président des AFC, Tugdual Derville, le délégué général d’Alliance Vita, ou Béatrice Bourges, la présidente du collectif pour l’enfance…

Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt ! Oui, j’assume : je suis « catho », je suis Français de souche, je suis de droite. Et je pense que, le 24 mars, nous étions bien 99% des manifestants dans ce cas ! Si nous commençons à avoir honte de ce que nous sommes, pourquoi le pouvoir nous respecterait-il ?

“Nous n’avons pas d’ennemi parmi les défenseurs du mariage naturel”

Mais il est temps de conclure.

1) Notre objectif, nous l’avons dit cent fois, c’est le retrait de la loi Taubira. Sur les modalités et sur les suites, chacun de nous a son idée et nous ne sommes pas d’accord entre nous. C’est peut-être regrettable, mais c’est un fait. Si nous sommes d’accord sur cet objectif, nous devons en tirer une conséquence simple : nous n’avons pas d’ennemi parmi les défenseurs du mariage naturel. Notre adversaire politique est au gouvernement et non dans la rue.

2) Il est absurde et même contre-productif de vouloir mettre au pas ce mouvement. Il est évident que la « Manif pour tous », engagée dans de nouvelles négociations avec la Préfecture de police, ne peut pas appeler à des manifestations non déclarées. Mais rien n’interdit aux militants que nous sommes d’encourager ou de participer à d’autres opérations que les grandes manifestations parisiennes. Et il faut être aussi autiste que nos gouvernants pour imaginer que des pique-niqueurs du Jardin du Luxembourg, fussent-ils revêtus de sweet-shirts de la « Manif pour tous », seraient de dangereux délinquants !

3) Nous avons des divergences sur les stratégies. C’est parfaitement normal. Mais, de grâce, n’essayons pas de caporaliser ce superbe mouvement. A fortiori, ne dénonçons pas nos amis aux médias ou aux juges. Notre force est double : elle réside à la fois dans notre unité d’objectif (le retrait de la loi Taubira) et dans notre diversité de méthodes. Je n’ai, pour ma part, vu qu’un dérapage, celui des pouvoirs publics et que l’on ne compte pas sur moi pour me désolidariser des victimes de ce dérapage !

Je refuse donc, avec la dernière énergie, les chantages à la division. Il est normal, il est sain, il est souhaitable d’avoir des stratégies ou de mener des actions diverses. La seule chose qui soit impardonnable dans le contexte politique actuel – qui nous est, malgré les apparences, extrêmement favorable –, c’est d’apporter à la presse ou aux juges la tête de nos amis. Non, les militants du Printemps français ne sont pas des factieux. Non les religieuses gazées sur les Champs n’étaient pas des fascistes. Non, les pique-niqueurs du Sénat ne sont pas des violents. Non les siffleurs d’Erwann Binet ne sont pas des extrémistes. Oui, ils sont des nôtres, agressés comme nous par un pouvoir paniqué, irresponsable et (cela va ensemble) muré dans ses certitudes !

*Guillaume de Thieulloy est Secrétaire général du Collectif Famille Mariage et directeur de publication de Nouvelles de France.

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85 Comments

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  • 0 / 10
  • alain , 11 avril 2013 @ 16 h 12 min

    eljojo

    je vous ai juste bousculé un peu pour lancer un débat sur ces questions de stratégie, de tactique et d’organisation qui ont insispensbles pour gagner.

    dans toute action politique ou autre il y a ce que Jules Monnerot dans son livre Intelligence de la politique appelle l’hétérotélie

    on agit pour obtenir un résulta
    on obtient tout ou partie de ce résultat , voire aucun résultat
    parallèlement on obtient d’autres résultats différents de ce que l’on attendait, voire même contraires à nos buts

    Un collage d’affiches est un collage d’affiches.

    On ne peut pas passer 3 mois à réfléchir pour savour si, où et quand on va coller des affiches, distribuer des tracts etc

    Vous me semblez trop avisé et réfléchi pour croire que les gauches seraient restées les bras croisés en nous regardant agir et manoeuvrer.

    Les ex-trotskystes qui pullulent au PS sont des pros de l’agitation.

    L’ histoire du collage d’affiches c’est juste un truc qui passait par là à ce moment là dont ils ont fait un paquet cadeau avec le reste pour intimider la direction (j’ose à peine écrire cela) de la manif pour tous jeter le trouble, diviser entre mous et durs.

    C’est de bonne guerre, j’aurais fait pareil.

    J’ai expliqué plus haut comment on répond à ce genre d’attaque

    on attaque
    on répond que le problème en france aujourd’hui ce ne sont pas les agressions homophobes mais les agressions contre TOUS le sfrançais
    qu’ils en sont responsables par leur politique pénale, leur laxisme, leur culture de l’excuse , leur politique d’immigration illimitée qui nous ensauvage etc

    mais c’est vrai il faut faire de la politique

    si on ne fait pas de politique c’est ceux qui en font qui prennent le dessus

  • Des Esseintes , 11 avril 2013 @ 16 h 33 min

    L’UOIF, cher Monsieur, n’est certainement pas une organisation de l’islam radical, j’ai été vérifier sur leur site; renseignez-vous avant d’affirmer des inepties, à vous lire, on dirait qu’ils s’agit des frères musulmans! Frigide Barjot peut être agaçante, mais c’est une femme courageuse, qui se fait couvrir d’insultes alors s’il vous plaît, n’en ajoutez pas! Quant à moi, je ne me sens absolument pas gêné de manifester avec des Musulmans… Je suis plus embarrassé par la présence du trotskyste de service, qui devrait comprendre que cette loi, c’est le résultat de l’égalitarisme communiste appliquée aux orientations sexuelles…

  • Voyageur , 11 avril 2013 @ 18 h 17 min

    Peut-être est-il contreproductif d’ajouter à la division du mouvement, mais des vérités doivent être dites. Les amitiés particulières que Frigide Barjot a avec la communauté homosexuelle et qu’elle revendique dans toutes ses déclarations, font qu’elle se retrouve en porte-à-faux lorsqu’il s’agit de désigner (ce qu’elle n’a pas fait jusqu’à maintenant) le principal lobbyiste derrière le projet de loi autorisant le mariage gay, je veux parler du milliardaire homosexuel P. Bergé bien évidemment. Si je parle de « milliardaire homosexuel » c’est que la grande majorité de cette communauté ne brillant pas par sa discrétion, elle a l’habitude de se définir par son orientation sexuelle qu’elle porte comme un étendard. Frigide Barjot se croit donc obligée, chaque fois qu’elle se retrouve devant une caméra et un micro, de prendre systématiquement en préambule, des précautions oratoires, se confondant en excuses, répétant que ce mouvement n’est pas contre les homosexuels. Mais elle oublie de dire, c’est que ce mouvement étant contre la loi Taubira, il n’est pas seulement contre une loi qui vise à détruire la famille traditionnelle, mais il est aussi contre le lobby gay parisien pour l’essentiel, contre le gouvernement qui soutient cette politique de destruction de la civilisation et contre le président de la république qui l’a initié. Partant de là, comment Mme Frigide Barjot peut-elle croire encore être la porte-parole de ce mouvement ? Ces prises de positions ambigües tendent à la disqualifier pour ce rôle. Dans une bataille aussi cruciale pour l’avenir de notre civilisation on ne peut pas adopter une position qui ménage la chèvre et le choux. Elle devra suivre le mouvement comme on dit, ou c’est le mouvement qui la laissera au bord de la route.

  • eljojo , 11 avril 2013 @ 20 h 44 min

    Sauf que votre attaque sera inaudible, car les médias sont saturés. Plus encore, cette attaque sur les échecs dans la sécurité servirait de diversion et permettrait au gouvernement de faire passer plus tranquillement sa loi.

    Et, oui, en face ce sont des pros de la guérilla et de l’activisme. Mais ils ont les médias, ce qui fait qu’appliquer leurs méthodes dans nos combats est au mieux inutile, au pire contre-productif (comme ce collage d’affiche).

    L’important ce n’est pas de faire des trucs qui nous paraissent drôles ou fun, mais bien des actions efficaces en regard de nos objectifs.

    Tout un petit monde s’ébahit de ce mouvement spontané où chacun est autonome. C’est stupide. Ce qui fait gagner une guerre, ce n’est pas tant la bravoure des soldats (certes nécessaire) que le génie de leur général en chef.

    Vous parlez de politique, et c’est nécessaire. Sauf que l’engagement politique se construit dans la durée, alors que notre combat est bref.

    En somme il faut appliquer l’adage populaire : “tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.”
    Ce que la sphère identitaire n’a pas vraiment compris, apparemment.

  • alain , 11 avril 2013 @ 20 h 53 min

    elijojo le théoricien de l’inaction fine et réfléchie.

  • eljojo , 11 avril 2013 @ 21 h 30 min

    @alain

    C’est vous qui tout à l’heure prôniez la réflexion stratégique ?

    Sérieusement, il faut agir, mais pas à tort et à travers. Manifester, c’est très bien. Harceler les ministres voire les parlementaires dans tous leurs déplacements, c’est bien. Se rassembler avec le sweat, c’est bien, coller des procès à ceux qui nous calomnient, c’est futé. Mettre des banderoles sur les ponts, c’est bien pensé. Mettre en valeur des gays, des gens de gauche, des musulmans au sein de la manif, c’est génial, tactiquement parlant.

    Mais donner au camp d’en face l’occasion de nous diaboliser, c’est stupide. C’est le meilleur moyen de faire passer la loi. Tous ceux qui envoient des insultes, des menaces, tous ceux qui donnent au camp d’en face l’occasion de nous traiter d’homophobe, de facho ou d’intégriste, tous ceux-là sont, par leur bêtise, des alliés objectifs du gouvernement. Car ils permettent de réunir la gauche derrière le gouvernement.

    Alors, continuez. Faites passer les gays pour des victimes de la “vindicte extrémiste”, et vous aurez gagné : la loi Taubira passera. Grâce à vous. Bravo.

  • eljojo , 11 avril 2013 @ 21 h 34 min

    Euh, tactiquement, ses amitiés dans le milieu gay sont atout majeur pour limiter les accusations d’homophobie. Certes l’homophobie est un faux-concept, mais il a au moins une réalité concrète : tétaniser la droite et faire hurler la gauche.

    Dans ce pays, se faire traiter d’homophobe, c’est comme se faire traiter de nazi : on perd toute crédibilité. C’est stupide, mais c’est comme ça, et ça ne changera pas en un claquement de doigt. Pas avant que la loi soit acceptée, en tous cas.

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