Hollande et la politique de l’offre : une légende urbaine

Le Professeur Jean-Yves Naudet

Le discours de Leipzig en a surpris plus d’un : « François Hollande se prend pour Gerhard Schröder » a titré La Nouvelle Lettre la semaine dernière. Parmi les commentaires, voici celui de Jean-Vincent Placé, Président du groupe Vert au Sénat, précisant que « la politique de l’offre » du Président Hollande « était un échec ». Notre confrère Les Échos n’avait-il pas écrit quelques jours plus tôt : « Le chef de l’État assume clairement une politique de soutien à l’offre » ? Double méprise : d’une part, un discours n’engage que ceux qui l’écoutent, d’autre part, la politique actuelle est keynésienne et colbertiste. Pour mesurer tout ce qui sépare François Hollande d’une politique de l’offre, je rappelle les trois piliers de cette politique : défiscaliser, déréglementer et désétatiser. Et c’est bien de cela dont nous aurions besoin.

Politique de la demande contre politique de l’offre 

L’une est keynésienne, l’autre libérale. Entre les deux, il existe des différences majeures. La première est macroéconomique et vise à manipuler quelques grandeurs globales un peu comme un technicien manœuvrant quelques manettes : l’État omniscient agit sur ces manettes à contre-courant, freinant quand l’économie est en surchauffe, accélérant lorsqu’elle ralentit. L’économie serait une machine dont les rouages obéissent au doigt et à l’œil. Dormez citoyens, l’État agit pour vous. Présomption fatale aussi.

Les politiques libérales de l’offre visent au contraire à encourager les agents décentralisés, en les libérant de leurs chaînes fiscales, sociales, réglementaires : elle est microéconomique, faisant confiance à la capacité d’action et d’imagination des entreprises et des ménages, du moment qu’on les laisse faire : « Laissez faire, laissez passer », c’est le principe de toute politique libérale. Une véritable économie de marché n’a pas besoin de politique économique. Mais voilà des lustres que nous ne sommes plus dans une vraie économie de marché et la politique libérale consiste à y revenir.

Une autre différence majeure : pour Keynes, le moteur de l’économie c’est la dépense. En cas de récession on stimule la demande, en cas d’inflation on la freine. Mais d’où vient l’argent que l’on dépense ? Pour les libéraux, le moteur de l’économie c’est l’offre, c’est-à-dire la production de biens et services susceptibles d’être approuvés par le marché. La loi de Say doit être comprise ainsi : « l’offre crée sa propre demande ». Autrement dit,  le pouvoir d’achat qui permet de dépenser ne peut avoir pour origine que les recettes des entreprises, c’est-à-dire la rémunération du travailleur, de l’épargnant et de l’entrepreneur qui ont contribué à créer la valeur de ces produits. Il n’y a pas de politique économique libérale au sens strict du terme, puisque les mesures proposées ne sont ici que libération des initiatives privées.

Macroéconomie et manipulation de la demande 

La politique du Président Hollande est donc fondamentalement keynésienne, agissant du sommet, en manipulant les manettes à la disposition de l’Etat, et elle est macroéconomique. L’ampleur des déficits publics, de l’ordre de 4% du PIB, surtout avec le « sursis » de deux ans pour parvenir aux 3%, signifie que les dépenses publiques sont supérieures aux recettes, ce qui est le B.A BA d’une politique de relance de la demande. Dire que le déficit est un peu réduit – ce qui restera à démontrer avec le sursis accordé – n’enlève rien au fait que la demande publique reste au cœur du dispositif. En outre, le keynésianisme repose sur l’idée que la dépense publique est plus efficace que la dépense privée ; quand on arrive à 56% du PIB en dépenses publiques, c’est qu’on croit à leur magie !

“Il n’y a pas de politique économique libérale au sens strict du terme, puisque les mesures proposées ne sont ici que libération des initiatives privées.”

Défiscaliser ? 

La défiscalisation est la mesure type de la libération économique : il doit y avoir moins d’impôts, pour développer l’incitation à produire, entreprendre, investir, travailler plus, etc.. L’impôt n’a pas seulement un impact sur la demande ; il a surtout un impact sur l’offre : plus le taux de l’impôt est élevé, plus l’incitation à produire se réduit ; le cœur d’une politique de l’offre consiste donc à réduire la progressivité de l’impôt, pour encourager ceux qui entreprennent le plus, et à réduire le poids des prélèvements obligatoires. Il faut être aveugle pour voir une défiscalisation dans la politique de François Hollande. Depuis un an on a enregistré un déluge d’impôts nouveaux et de hausses d’impôts existants, des prélèvements au plus haut (à 46% du PIB), l’impôt sur les sociétés le plus élevé d’Europe (33,33%), des tranches marginales en hausse, sans parler des diverses versions de l’imposition à 75%. Arthur Laffer n’a pas suggéré, pour libérer l’incitation à offrir plus, une hausse, mais une baisse des impôts ; nous assistons à l’inverse.

Déréglementer ?  

Avec 400 000 textes et normes, la France est le pays le plus réglementé d’Europe. Notre code du travail est le plus épais. Le colbertisme est omniprésent dans tous les domaines, alliant régulation et centralisation.

Le gouvernement a-t-il pris la moindre mesure dans ce domaine ? On fait grand cas de la « flexibilité » introduite sur le marché du travail, au grand dam de la CGT. Un petit peu plus de souplesse rendue possible, dans certains cas, sur le temps de travail ou les salaires, cela n’a rien à voir avec une vraie déréglementation du marché du travail, qui passerait par la suppression de la durée légale du travail, par la flexibilité totale des salaires (et la suppression du SMIC), par la possibilité de licencier rapidement en cas de nécessité, condition nécessaire pour favoriser les embauches. Et le fameux « choc de compétitivité » consistant à transférer une partie des charges sociales sur d’autres prélèvements est surtout un tour de passe-passe. Parler « d’exigence de compétitivité » en augmentant les prélèvements, c’est original !

Au-delà du marché du travail, la déréglementation, ce serait la liberté totale des prix des biens et services (combien restent encore contrôlés !) et des prix des facteurs (y compris le taux d’intérêt) ; l’ouverture totale des services publics à la concurrence (alors qu’on ne parle que de les renforcer), l’ouverture totale des frontières, l’ouverture des professions fermées à la concurrence. Chaque jour le gouvernement sort de nouveaux textes régulant ici la finance, là les services, ailleurs l’industrie. Où est la simplification administrative annoncée ?

Désétatiser ? 

La désétatisation enfin : le recul de l’État dans l’économie. Où est la désétatisation, quand les entreprises publiques le restent, et que l’on en a créées de nouvelles (voir la Banque publique d’investissement) ? Quand la protection sociale est totalement étatisée : retraites, Assurance maladie : où est la fin des monopoles publics dans ce domaine ? Quand les dépenses publiques dépassent largement la moitié du PIB ? Désétatiser, ce serait déplacer la frontière entre secteur privé et secteur public : privatiser dans tous les domaines, entreprises, école, protection sociale. Est-ce l’objectif du Président ?

La subversion commence par celle du vocabulaire. Le gouvernement pratique une politique keynésienne et étatiste, avec une hausse des impôts. Appeler cela une politique de l’offre, c’est retirer aux mots leur signification. Et c’est ajouter aux maux de notre économie les mots du mensonge.

Pour ne pas terminer sur une note trop pessimiste, je reconnais que si François Hollande devait être notre Gerhard Schröder, il aurait sans doute une tâche plus difficile, mais il aurait aussi le soutien de tous les libéraux, que l’on sait si nombreux en France !

> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS

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9 Comments

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  • JSG , 10 juin 2013 @ 11 h 05 min

    Si on en juge par l’état de nos finances, ou les économistes sont surévalués, ou il n’est tenu aucun compte de leurs analyses.

  • Sully , 10 juin 2013 @ 11 h 25 min

    Monsieur Baudet défend le type même de modèle économique qui fait de l’homme une marchandise . Curieux qu’il ait sévi si longtemps ds “famille chrétienne” , dont je me suis désabonné d’ailleurs .”Laisser faire , laisser passer:!” . En somme laisser le renard s’amuser dans le poulailler , comme disait l’autre . Voilà bien le pb de ndf , être “libéral-conservateur” . Mais vraiment Vanneste n’a rien compris là dessus . Il a oublié les bonnes leçons apprises à l’AF , enfin , la NAR ds les années 65/69 à Lille . Dès lors que l’Etat “laisse faire” , le soir même du début de cette politique , les “vakeurs” qu’on aura voulu “conserver” voleront en l’air .C’est la loi générale de l’entropie , valable aussi bien en physique qu’en politique . il faut de l’énergie pour la maintenir basse (càd maintenir le niveau de désordre à un niveau bas , donc supportable) ., sinon le désordre (appelé “liberté” ou “droits” ) ne peut que croire . C’est la nature humaine. Or , le système libéral , basé sur le désordre que constitue la guerre de tous contre tous , n’a pas besoin de familles (ilôts de basse entroopie) , il a besoin d’individus isolés , malheureux et donc , consommateurs (pour compenser ). La destruction des valeurs , comme on dit , est une nécessité pour le “libéralisme” , nouveau veau d’or d’une fausse droite kto à la Naudet-Vanneste , dont on aurait espéré que ces deux là , sur la base de leurs cionvictions métaphysiques , auraient su s’en tenir éloignés . Le conceopt de “libéral-conservateur” est un oxymore . Quand vous rebaptiserez vous “national-conservateur” ou “républicain conservateur” ? Encore que , comme l’aurait dit le Comte de Chambord en son temps , “conservateur” , c’est un mot qui commence mal …

  • Sully , 10 juin 2013 @ 11 h 27 min

    Excusez moi pour les nombreuses coquilles : j’ai tapé trop vite .

  • JohnS , 10 juin 2013 @ 12 h 20 min

    Votre commentaire revelent pourquoi la france en est arrive la ou elle est, precisement.

    Trop d’Etat bouffi, trop de vol organise par les ‘Elus du peuple”, etc.

    Cet article malgres ce que vous en dites est dans le vrai a 100%.

    Quand au mythe du renard dans le poullailler vous projetez vos propres craintes et fantasmses sur vos concitoyens..

    Cdlt

  • Sully , 10 juin 2013 @ 14 h 34 min

    Ce n’est pas parce que l’Etat , aujourd’hui est pourri et travaille contre la nation qu’il faut rejeter la notion d’Etat . Sans Etat , une chose est sure : c’est la jungle . Evidemment , les gens très aisés sont tentés par cette aberration . Comme vous sans doute . Cela est typiquement la pensée de la gauche libérale . Pléonasme . Le véritable homme de droite , lui ,est pour l’existence d’un Etat fort . Et la protection q’il doit donner aux citoyens couvre et leur existence physique (ne pas se faire attaquer par des bandits ou des “sauvageons” où qu’il se trouve sur le territoire où les lois de l’Etat s’exercent ) , mais aussi économique (faire en sorte que tout un chacun puisse gagner décemment sa vie et faire vivre sa famille au travers d’un travail utile , et , si possible , gratifiant ) . Si on laisse les choses aller toutes seules , on a la forêt de Bondy , càd la loi du plus fort , la loi des bandes , du racket , de la maffia (nous y allons à grands pas) , et de l’autre , l’esclavagisme (le chômage ou les petits boulots payés une misère comme en Allemagne , ce qui assure la “prospérité” , càd l’aisance de quelques uns . Or , la fracture sociale , comme dirait l’autre grand con , est le ferment de’éclatement de la nation . C’est une chose que , vous autres , libéraux n’arrivez aps à comprendre . Lorsque vous le comprendrez , alors le peuple défilera avec le drapeau français , qui’l en tiendra plus pour le symbole de l’ennemi : la bourgeoisie .

    Cela dit n, vous ne répondez pas d’une façon étayée à mon propios ; vous ne répondrez que par els articles de la foi libérale (passablement opposée à la foi chrétienne , soit dit en passant …) .

    On aura compris que j’applaudis des deux mains au virage que Marine a fait prendre au FN : devenir un parti , toujours patriote , mais , en plus , solidariste . Un vrai parti de droite (càd patriote, donc identitaire) ne peut pas être libéral . C’est juste dommage qu’il y ait des tantouzes ds le staff dirigeant .

  • Francois Desvignes , 10 juin 2013 @ 15 h 40 min

    Tout ce qui concourt à la ruine et au discrédit de l’Etat républicain concourt à notre libération.

    Sur ce versant, l’enfer que nous organise la Hollandie n’ est pavé que de bonnes intentions : ils creusent par sectarisme idéologique leur propre fosse.

    Toute ruine de l’Etat qui irait par dogmatisme ou perte de contrôle jusqu’à sa disparition complète nous empêcherait de goûter notre libération.

    Sur ce versant, nos espoirs libéraux n’ont pas intérêt, faute d’être entendus, à se muer en revendications nihilistes.

    Nous devons tuer la république tout en préservant l’Etat régalien.

    En fait, il faut restaurer l’Etat régalien en brûlant vif l’Etat socialiste.

    Il faut demander au Tiers -Etat de soutenir la France contre la république marianniste.

    Nous devons nous soulever contre la république et ses ordres privilégiés, son personnel politique et ses medias ou groupes de pressions, nouvelles Noblesse et Clergé de la Prostituée.

    Nous n’amenderons pas les codes.
    Nous les réécrirons après les avoir brûlés

    Nous ne choisirons plus parmi les personnels de la république
    Nous les remplacerons.après les avoir fusillés

    Nous ne rééduquerons pas les medias, experts et intellectuels, tous ces faux prophètes de la république.
    Nous les exilerons afin qu’ils cessent de nous empuantir nos cerveaux.

    Pour une raison simple :

    Le Christ n’a jamais négocié avec Satan.
    Nous ne négocions donc pas avec ses suppôts.

    Nos saltimbanques socialistes et républicains de l’économie sont des saltimbanques de l’économie politique c’est-à-dire des criminels.

    C’étaient des ignorants à nos dépens mais comme ils en sont conscients et voudraient nous le cacher, ce sont des criminels.

  • Marius , 10 juin 2013 @ 16 h 59 min

    « Jean-Vincent Placé, Président du groupe Vert au Sénat, précisant que “la politique de l’offre” du Président Hollande “était un échec” »

    Le problème de notre pays c’est que quand on baisse par exemple un impôt sur les entreprises de 2% voir 10%, évidemment ça ne fait rien, les entreprises étant déjà étouffés au maximum 2% ou 10% ne fait que leur donner un filet d’air mais évidemment ne change pas fondamentalement leur situation, elle n’embauche pas plus, n’investissent pas plus etc… Et là, on a toujours les socialistes (de tout bords) qui viennent dire “regardez ! le libéralisme ne marche pas !”.

    Faites une Flat Tax sur le revenu à 15% voir 2 ou 3 taux si vraiment on doit ceder sur la progressivité (10%, 15%, 20%). Et une flat tax sur les entreprises également. Ouvrez la sécu à la concurrence, faites une retraite à point pour tous. Ils verront si l’attractivité fiscale ne créé par un boom économique majeur, de la croissance, de l’investissement, de l’emploi, de l’innovation ! Nous pourrions devenir un paradis fiscal sans perdre un euro de recette fiscale !

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