Trop d’impôt tue l’État

Consternation chez nos élites : tout ne se passe pas comme prévu, et les rentrées fiscales sont moins bonnes qu’espérées. La situation, au demeurant fort dégradée, semble maintenant prendre des tournures catastrophiques au-delà des blogs alarmistes et méchants comme le mien. Immédiatement, les hauts-fonctionnaires, les politiciens et les journalistes mènent l’enquête.

Tout commence avec un article de La Tribune dont le titre donne immédiatement le ton : « Le mystère s’épaissit autour de la chute des recettes de TVA ».

En effet, d’après les tremblotants folliculaires en charge de l’enquête, la chute des recettes de TVA, enregistrée dernièrement dans un Bercy un peu paniqué, s’est accentuée sur les quatre premiers mois de 2013, contre toute attente. Or, la stagnation de l’économie ne suffit pas à l’expliquer. Bon, certes, en fait de stagnation, on est tout de même dans une crise que même les benêts socialistes acceptent maintenant d’appeler « carabinée » alors qu’ils se gaussaient du précédent inutile à la tête du pays quand il prétendait avoir à faire à une crise, précisément, carabinée. Certes aussi, l’avalanche de taxes et de ponctions diverses, sur les douze derniers mois, apparentée aux pédalages frénétiques d’un capitaine d’esquif de plaisance un peu perdu au milieu d’un lac à l’approche d’une grosse tempête, n’a pas permis d’accroître les rentrées fiscales à la hauteur prévue.

Mais bon. Tout de même ! Tout le monde sait que la France est riche ! Tout le monde sait que le système de redistribution sociale marche à plein, qu’il produit toujours moins d’inégalité et de pauvreté, que le chômage est vaillamment combattu et que les riches ne s’enrichissent pas trop ! Dès lors, pas de doute, l’effondrement des rentrées de TVA ne peut s’expliquer par la conjoncture : les calculs de la Cour des Comptes sont d’ailleurs formels, tout ceci est très louche, mes petits amis. Ben oui : la consommation n’a pas baissée. La TVA ne devrait donc pas diminuer, que diable !

L’hypothèse d’une fraude, d’une ampleur massive, n’est pas encore clairement annoncée. Mais elle est déjà évoquée, au moins par les journalistes qui relaient ces bruits de couloirs sans nom, sans origine et sans direction mais qui tombent rudement bien quand on a besoin d’eux. Le tableau, pour le moment esquissé à grands coups de crayon noir, commence à prendre forme : la France va louper ses jolis petits objectifs de déficit et s’enfoncer bien plus bas que prévu, et ce sera très clairement la faute d’un sacré paquet de petits et gros fraudeurs, ennemis de la Nation, qui font tout pour échapper au juste impôt.

Psychologiquement, tout se met donc en place pour une issue dont plusieurs (moi compris) se sont déjà fait l’écho : les rentrées vont continuer de diminuer, les dépenses allant toujours bon train, le déficit va continuer de se creuser, et la brochette d’incapables et de jean-foutres au pouvoir étant toujours aussi coincés idéologiquement, la situation passera de précaire à désespérée.

Comme il est toujours éminemment plus facile de désigner un coupable que de se remettre en cause, cette même brochette trouvera d’excellents boucs-émissaires chez les artisans, les entrepreneurs, les professions libérales, et plus généralement, les patrons et « les riches » (ces derniers étant devenus des zézés). Ces derniers, accusés de ne pas jouer le jeu, de frauder, de faire du marché noir, seront inévitablement tabassés de contrôles, de nouvelles mesures de rétorsion, et bien évidemment assaisonnés d’une pluie de vexations diverses ; comme les taxes sont déjà fort élevées, les branquignoles choisiront de diminuer les redistributions, les subventions, ou, plus facilement encore, de raboter les droits et autres allocations.

Rien ne sera fait, dans cette phase là, pour effectivement diminuer les dépenses directes de l’État. On tripotera un peu la périphérie et ce seront, comme d’habitude, les classes moyennes qui subiront le plus gros de l’ajustement qui sera inévitable d’ici à la fin de cette année. De la même façon, il apparaît maintenant impossible d’éviter l’une de ces grandes opérations de communication / ponction qui se profile déjà : si tant d’argent n’était pas déjà en jeu, on pourrait presque parier sur la mise en place de l’un ou l’autre « Impôt Exceptionnel de Relance » ou « Taxe Temporaire de Reprise » qui se traduira par le ratissage éhonté des différents comptes d’épargne et livrets des Français, au motif qu’ils le valent bien et Ta Gueule C’est Magique.

Concrètement, il est difficile, à ce stade, de savoir exactement la forme que la spoliation prendra et surtout comment elle sera « compensée », ou, autrement dit, quel bobard amusant nos « élites » vont trouver pour aller ainsi piocher dans nos comptes sans déclencher de mouvements de foules. Petite distribution de papiers d’états garantissant à son détenteur le remboursement de la ponction en 8000 mensualités microscopiques assorties d’intérêts aussi rigolos qu’insignifiants ? Distribution de « points retraites » pour les actifs ponctionnés, ou de facilités que l’État s’empressera d’oublier (comme des entrées gratuites dans les musées un jour par an, de préférence un mardi d’octobre) ? Diffusion d’une médaille en laiton poli (du plus bel effet) de la Monnaie de Paris à l’effigie de Marianne, gravée de l’année (2013) et d’une phrase mémorable du style « La Ponction Populaire : J’y Ai Participé » ? Dons généreux et finement organisés de sex toys colorés, compatibles avec l’époque festive, citoyenne et détendue des sphincters que nous vivons actuellement ? Allez savoir.

Mais en tout cas, peu importe : les idées de base s’installent. Les riches zézés paieront. Et l’explication solide et factuelle de la baisse de TVA, à ce moment-là, tout le monde s’en contrefichera royalement puisqu’il s’agira, pour une minorité de plus en plus grande, de trouver un moyen simple de garer ses miches, et pour une majorité de plus en plus faible, d’éviter que les miches soient, justement, trop bien garées. Les petits préludes d’excités extrémistes cognant sur d’autres excités extrémistes illustrent assez bien ce qui pourrait arriver dans ce cadre.

Normalement, ici, j’introduis la Courbe de Laffer. C’est pratique, ça permet de faire un paragraphe économique sur l’impact d’une augmentation d’impôts en faisant remarquer qu’un impôt de 100% rapporte finalement moins qu’un impôt de 50%, puisqu’à 100%, plus personne n’a envie de bosser. On en tire bien sûr la conclusion évidente que l’Etat français a maintenant la preuve factuelle que cette courbe tient la route, ou, à tout le moins, que l’augmentation, même progressive, des impôts ne permet pas une augmentation des rentrées fiscales et qu’à un moment, pouf, ça cale.

Ceci posé, je ne peux m’empêcher de noter que si cette explication convient assez bien à ce qu’on observe, une autre explication, non pas concurrente mais complémentaire, fournirait aussi (au moins en partie) une bonne raison à la baisse constatée de la TVA. En effet, les petits calculs de la Cour des Comptes et des experts se basent sur un niveau de consommation dont on peut maintenant douter de la solidité : soit ce niveau est exact, et, subitement, les entreprises et les Français sont passés dans le mode fraude depuis trois ou quatre mois. Soit ce niveau est de plus en plus en décalage avec la réalité.

Il est bien évidemment extrêmement délicat de savoir où situer le curseur entre ces deux hypothèses, mais le rasoir d’Occam tend à éliminer plutôt l’apparition d’une soudaine vague de fraude sans précédent. En revanche, admettre que les chiffres gouvernementaux de la consommation sont un peu trop manipulés ne semble pas si terriblement complotiste ou éloigné de la réalité ; et l’INSEE a montré très récemment qu’elle pouvait largementmerdouiller ses calculs ; de surcroît à force de bricoler les chiffres pour présenter des tableaux et des prévisions crédibles aux partenaires européens, il ne paraît pas impossible que Bercy et ses services se soient finalement auto-intoxiqués avec leurs petites bidouilles. Après tout, tout le monde sait que l’inflation est toute petite en France, et que le chômage n’est que de 10%, par exemple.

De là à conclure que la consommation s’est, en réalité, effondrée dans les proportions que les entrées de TVA laissent entrevoir, il n’y a pas tant de pas à faire que cela. Ce qui, par voie de conséquence, tend aussi à montrer que la situation que nos experts et autres élites se sont construite pour modéliser le pays est manifestement erronée. Un modèle faux, des prévisions basées sur ces modèles qui ne cadrent pas avec ce qu’on observe, un décalage grandissant et des experts qui refusent, finalement, de voir la réalité, voilà quelques uns des ingrédients indispensables pour une belle prise orthogonale de mur à bonne vitesse.

Et surtout se dégage une conclusion quasi-réjouissante : trop d’impôt tue l’État. Et c’est bien fait pour lui.

> h16 anime le blog hashtable. Il est l’auteur de Égalité taxes bisous.

Related Articles

24 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • JSG , 10 juin 2013 @ 13 h 42 min

    Dommage, je l’aime bien cet homme, certes un peu mécréant sur les bords, mais fidèle en amitié au point de rompre avec ses convictions.

  • monhugo , 10 juin 2013 @ 14 h 05 min

    La première vignette était pour les personnes âgées (en 1956) – enfin paraît-il. Si de retour (sorte de “serpent de mer”), quel serait l’alibi généreux ?

  • monhugo , 10 juin 2013 @ 14 h 08 min

    Va-t-on faire aussi l’économie des flics protégeant la famille Trierweiler ? L’ex et l’un des fistons compris, en sus de la 1ère concubine en titre ?

  • Ânedefrance , 10 juin 2013 @ 14 h 38 min

    Ahhhhhhhhh ! C’est sans doute pour cela que Mélenchon s’époumone pour faire dissoudre ladite extrême droite ! Qu’il attaque sans vergogne. Dès fois que cela engloberait Marine Le Pen !

  • Francois Desvignes , 10 juin 2013 @ 15 h 01 min

    Mais non vous n’avez rien compris.

    C’est de la faute de N.D.F.

    Constatant que l’on piétinait (dans tous les sens du terme) aux manifs LMPT, le gouvernement nous la mettant régulèrement bien profond (en plus de nous gazer) ,

    N.D.F. et quelques bloggeurs ont décidé il y a quelques mois d’attaquer cette bande de nuisibles là où ça leur fait le plus mal : au portefeuille.

    On a tous sous consommer pour les priver de rentrées fiscales, les plus importantes.

    la technique est très simple et se résume en une phrase : zero packaging. on achète tout en liquide et seulement des matériaux bruts : par exemple, la purée mousseline s’est vu remplacer par le kilo de patates, et donc la purée “carton” par la vraie purée des familles.

    On mange mieux on rigole plus.

    Pour tout ça a était comme cela : tout ce qui était peu ou prou teinté système : mise en quarantaine.

    Si le système au lieu de nous cracher dessus avait lu nos posts à défaut de nous regarder, il aurait pu tout prévoir au lieu de tomber des nues.

    Ils devraient être contents : maintenant ils ont un outil très exact pour mesurer notre détestation à leur endroit.

    Ils sont tellement cons à force d’être imbus de leur personne, que lorsqu’on va leur envoyer notre deuxième missile, ils vont être tout étonnés : on va vider doucement nos comptes d’épargne pour thésauriser

    Non seulement ça va nous éviter de nous faire piquer le peu de pognon qui nous reste mais surtout ça va assécher les liquidités…..et les dépots des banques du système.

    Qu’est ce que ca veut dire ?

    Ca veut dire ceci : c’est un peu comme si David avait donné un coup de massue sur l’orteil de Goliath !

    Valls, ta police te coute mais ne te sert à rien. Si on décide de devenir moine, t’es mort

    Hollande, les medias à ta botte te coutent mais ne te servent à rien : la non consomation n’est pas un évènement et ne désignant aucun coupable elle ne sert à rien à ta propagande.

    Ayrault, t(es banques , tes partis, tes alliances,tes lobbies, tes milliardaires enn fait te coutent mais ne te servent à rien : en sous consommant non seulement on ne les alimentent plus (ni toi) mais on ne les regarde même plus

    On a inversé les rôles : c’est nous maintenant qui vous crachons dessus.

  • Robert BERTRAND-RIGHI , 10 juin 2013 @ 15 h 18 min

    La baisse des retraites ? Methink qu’elle a commence il y a deja longtemps. Ma retraite, au depart me procurait 40% de mon revenu d’activite avant impot. 7 ans plus tard il me faut depenser 3 fois plus pour acheter la meme chose. Je suis passe d’un revenu passable, a l’extreme limite. Primo j’ai demenage dans un pays du tiers monde donc a priori beaucoup moins cher. Neanmoins je ne puis suivre la courbe de progression avec une indexation de retraite de 1 a 1.5% par an. Cette annee 1.3%. De viande rouge fini. De loisirs finis. De frais medicaux: des soins en attente de tresorerie. Beaucoup de boites de sardines, tres bon pour le coeur s’pas ? Eau claire du matin au soir. Pas de vehicule, etc…Avantage: je ne paye plus d’impot. ( avantage pour moi ). Ne pouvant payer l’avion je ne viens jamais en France ( economie virtuelle pour moi ). NB: j’etais un cadre de haut niveau a tres grosses responsabilites…Vive la France !!! La tendance n’est certainement pas a voir augmenter mon revenu. Quoi faire ? Pour l’instant je ne vois qu’une issue: devenir moine bouddiste et m’enfermer dans un temple en Extreme-Orient. QQ un une suggestion ? Merci de votre attention a me lire, bonjour chez vous !!!

  • JSG , 10 juin 2013 @ 15 h 58 min

    Voici un exemple, les retraités s’en vont dépenser leurs sous ailleurs, de plus ils peuvent payer leurs impôts dans le pays de résidence, et nos chers technocrotes n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.
    Bientôt ils n’auront plus personne pour payer leurs salaires.

Comments are closed.