L’Afghanistan ou le fiasco américain

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S’il fallait trouver une seule intervention militaire américaine couronnée de succès depuis 1945 on serait bien en peine. En dehors des coups d’Etat soutenus par les Etats-Unis mais pratiqués par des autochtones, la plupart des actions menées directement par Washington ont été des fiascos au mieux achevés par des compromis. On notera les exceptions grandioses de Panama et de la Grenade, ou encore l’écrasement de la Serbie au profit des musulmans de Bosnie et du Kosovo. Partout ailleurs, l’énormité des moyens employés n’évita ni l’enlisement, ni la victoire politique de l’adversaire, ni parfois le désastre. Lorsque l’Administration américaine croit avoir emporté la partie, elle s’empresse de quitter le terrain sans assurer le service après guerre. L’Irak est évidemment la parfaite illustration de cette inefficacité puisque pour la quatrième fois Obama, après les deux Bush, tente de vaincre l’ennemi dans le pays. Le pouvoir à Bagdad est désormais chiite, proche de l’Iran et donc de celui qui règne aussi à Damas que les Américains combattent. « Tout ça pour ça ? »serait-on tenté de dire ! La première puissance du monde, forte de son dollar et de son armée, encaisse les coups, en organise sans doute plus d’un, et paraît régner sur la pétaudière mondiale à laquelle elle n’est pas étrangère, avec un manque de cohérence et de réussite qui ne l’empêche pas de distribuer les leçons de morale, aux Russes notamment, qui sont revenus jouer dans la cour réservée à l’Oncle Sam.

L’Afghanistan est venu cette semaine confirmer ce triste diagnostic. Ce pays est très original : il ne supporte pas les invasions. Les Anglais en ont fait les frais lorsque leurs troupes aventurées au-delà de la passe de Kyber ont été anéanties à deux reprises au XIXe siècle (Gandamak et Maïwand). Soumis en définitive, l’Afghanistan acceptait de dépendre du Royaume-Uni pour sa politique extérieure, mais les Afghans demeuraient maîtres chez eux. Les Soviétiques ont vécu une expérience cruelle lorsqu’ils ont voulu imposer un régime marxiste à Kaboul et pousser une pointe vers le Pakistan et les mers chaudes. Après le renversement du roi Zaher Shah en 1973, ils accompagnèrent une série de coups d’Etat qui les conduisit à envahir le pays en 1979. Les divisions politiques n’étaient rien auprès des rivalités tribales et des identités religieuses. Aidés par le voisin pakistanais, l’argent du Golfe et les armes américaines, les combattants défirent l’armée russe, qui quitta le pays en 1989, et prirent Kaboul en 1992. Les Américains détournèrent leurs regards de ce pays dénué d’intérêt. Les Tadjiks de Massoud, majoritaires dans le Nord-Est, avaient joué un rôle essentiel dans la résistance. Ils durent battre en retraite face aux moujahiddins pachtounes, la première ethnie du pays. Ce fut d’abord Hekmatyar, le boucher de Kaboul, puis les Talibans du Mollah Omar qui prirent la capitale en 1996. Madeleine Albright montra sa perspicacité en jugeant l’événement positif ! L’Afghanistan était partagé entre des chefs de guerre tribaux qui régnaient sur leur région, Ousbek, Hazara, Tadjik et les Talibans, salafistes pachtounes qui imposèrent la charia et la terreur partout ailleurs. Ce sont eux qui détruisirent les Bouddhas de Bamiyân. En 2001, Ben Laden et son organisation Al Qaïda, hébergés par les Talibans faisaient assassiner Massoud et lançaient des terroristes 2 jours plus tard contre quatre cibles remarquables des Etats-Unis, un certain 11 Septembre. Le réveil de l’Aigle fut violent : les Américains foncèrent sur l’Afghanistan, délogèrent les Talibans, avec l’aide de leurs adversaires locaux et celle de leurs alliés, notamment de l’Otan. L’Afghanistan subissait une nouvelle occupation, amicale, bien sûr (!) : 48 pays y participaient avec un pic de 150 000 soldats de la FIAS ( Force internationale d’Assistance et de Sécurité) en Juin 2011. 88 militaires français devaient y laisser la vie.

Mais Washington regardait alors vers Bagdad et détournait ses moyens vers cet objectif inutile sans avoir résolu le problème Afghan. La « république » mise en place, des élections avaient été organisées. La fraude y fut colossale. Le pouvoir qui en sortit se révéla champion de la corruption et dès 2004, l’Afghanistan se situait à la première place pour la culture du pavot, à l’origine de l’opium et de l’héroïne. Cette semaine, les dirigeants afghans venaient tendre pour la troisième fois la sébile auprès des donateurs européens, américains et japonais. 13,6 milliards d’Euros ont donc été promis à l’Afghanistan pour son développement, et à la plus grande satisfaction des paradis fiscaux chez qui ça finira par arriver. Quand l’Europe, même désargentée, aime, elle ne compte pas. Mme Moghérini, pour l’UE, montra encore une fois son grand coeur en jurant que l’aide européenne n’avait rien à voir avec le rapatriement des migrants afghans qui se font passer pour des réfugiés en Europe. M. Kerry susurra qu’il faudrait sans doute négocier avec les Talibans, faisant une croix sur le 11 Septembre et la raison de l’intervention occidentale. Mais, les Talibans pachtounes contrôlent un bon tiers du pays et viennent d’occuper Kunduz d’où on a eu le plus grand mal à les déloger.

Quand cessera-t-on de suivre bêtement ce prétendu gendarme du monde qui laisse le désordre s’installer partout où il passe ? Que la France fait-elle encore dans la galère américaine ?

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1 Comment

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  • montecristo , 12 octobre 2016 @ 15 h 35 min

    Comme toujours Monsieur Vanneste, votre article est on ne peut plus explicite et clairvoyant. Mais nos dirigeants sont beaucoup trop la tête dans le guidon pour voir la réalité en face. Il serait temps que la politique reprenne ses droits à la Raison …

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