11 novembre, jour de joie

(Le rêve, Edouard Detaille)

Ce matin, 11 novembre 2014, à la cathédrale Notre-Dame de Chartres, au milieu des anciens combattants, des porte-drapeaux, des représentants des armées, des élus  et du peuple, l’évêque de Chartres était vêtu de blanc. Le blanc est la couleur des fêtes et de la joie, la couleur de la résurrection. 

Il y avait pourtant, durant cette cérémonie du souvenir de la première guerre mondiale, le sentiment, en décalage par rapport aux apparences, d’une rencontre de cimetière. Ce matin, parce que ne furent évoqués que les morts, le souvenir de la tuerie, des combats, l’horreur et le goût amer de la guerre, il n’y avait que la paix des tombes.

Une fois encore, ce 11 novembre fut un jour de deuil. Mais il n’y a plus aucun survivant de cette guerre. La plupart de leurs enfants sont morts. Leurs petits-enfants se font vieux et leurs arrières-petits-enfants sont tous entrés dans l’âge adulte. Aussi, le deuil a perdu de sa force et semble une chose neutre et grise.

Sans doute est-ce aujourd’hui une erreur, celle de ceux qui ont oublié la réalité des combats et n’ont jamais vu de survivants de cette guerre face à face, que de limiter la guerre à la mort et aux mutilés.

Le 11 novembre, au contraire, devrait être pour nous, malgré le deuil toujours présent, un jour de joie. C’est le jour de la fin des combats, celui de la récompense de quatre ans d’effroi ! Les millions d’hommes qui sont tombés sont des héros dont chaque peuple peut être fier. Bien sûr, ils n’ont pas accompli, pour la plupart, des actions d’éclat. Mais réaliser chaque jour, sans faillir, son devoir d’état, obéir aux ordres de ses chefs dans la peur permanente de la mort donnée par l’adversaire, maintenir chaque geste du quotidien dans une vie qui n’a plus rien d’habituel, avancer malgré la peur, se battre malgré l’envie de reculer ou de s’effondrer, continuer sa marche malgré les amis morts autour de soit, c’est de l’héroïsme. Avoir pour figures tutélaires le souvenir de millions de héros ordinaires, loin de nous abattre, devrait réchauffer notre cœur.

Le 11 novembre est aussi le jour de la victoire, victoire de la France et des nations amies de notre patrie. De ce jour, il était presque certain que les trois couleurs flotteraient de nouveau sur Colmar, Metz et Strasbourg. Quelle joie !

Le 11 novembre, enfin, depuis quelques années, est le jour du souvenir de tous les soldats morts pour la France dans son histoire. Là encore, si nous avons le plaisir de vivre dans un pays en paix, si nous avons la délectation de parcourir des chemins propres et des rues droites, si nous pouvons jouir de nos libertés, si nos institutions, malgré toute l’impéritie de certains, demeurent bénéfiques pour les Français, si notre Etat fait encore figure, dans le monde, de grande nation, c’est grâce à tous ceux qui se sont battus depuis des siècles. Nous pouvons conserver leur souvenir joyeux. Depuis les peuples de la Gaules se pressant sous les murs d’Alésia, jusqu’au soldats qui, aujourd’hui, se battent en Centrafrique, nous pouvons être fiers de nos armes et de tout ce que les familles françaises ont donné. Le souvenir des guerriers de Charles Martel à Poitiers, des preux de Godefroy de Bouillon à Jérusalem, de Philippe-Auguste à Saint-Jean-d’Acre, la mémoire des chevaliers de Crécy, de Poitiers, d’Azincourt mais aussi d’Orléans et de Castillon, l’évocation de nos drapeaux défilant dans Naples et Milan, de nos piques et de nos arquebuses faisant triompher notre peuple à Rocroi, le sacrifice héroïque de ceux de Dantzig, de la Sidi Brahim, de Camerone, de Dunkerque, de Bir Hakeim, de Dien Bien Phu, n’évoquent-ils donc aucune griserie à nos oreilles ?

Ce 11 novembre nous nous souvenons des grands et des petits, des soldats inconnus qui entouraient Roland à Roncevaux, des conscrits de l’an II autour de Hoche, Kleber et Marceau, autant du Maréchal Foch que du caporal Peugeot.

Il y a mille raisons de nous réjouir. Il ne s’agit pas de la joie exubérante et hystérique des rassemblements de jeunes autour de musiques tonitruantes. Il s’agit d’une joie apaisée, sereine, mais pleine de gratitude pour tous ceux qui ont donné leur vie en accomplissant simplement leur devoir pour que vive la France et que se maintiennent les nations qui lui ont fait confiance dans le passé et aujourd’hui.

En effet, si retentit la sonnerie aux morts pour que ne soient pas oubliés ceux qui nous ont précédé ; le 11 novembre est en vérité, un jour de joie.

 

> le blog de Gabriel Privat

Related Articles

59 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Azerty , 11 novembre 2014 @ 18 h 56 min

    C’est aussi l’occasion d’avoir une pensée pour le Maréchal, homme de troupe contrairement à la majorité des généraux bouchers, proche de ses soldats qu’il n’a jamais abandonné et a qui il a toujours voulu éviter des souffrances inutiles.

  • hermeneias , 11 novembre 2014 @ 19 h 48 min

    Mgr Baudrillard un évêque parmi d’autres ….

    INFéodé au pouvoir de l’époque ! Encore un qui devait avoir la bénédiction facile et être bien docile .
    La soumission ( euh pardon “séparation” est le terme “consacré” ) de l’église de france à l’état était déjà passé par là .
    Et c’est pendant cette guerre , où le clergé a été enrolé par la république laicarde anticléricale , que le copinage église-république a commencé concrètement .
    Après avoir du passer sous les fourches caudines républicaines au début du 20è siècle , l’église de france si elle avait été digne aurait du refuser de se battre .

    Baudrillard qui ne constitue , mon pauvre , nullement un argument d’autorité était un lointain successeur de Cauchon l’évêque qui présida à la condamnation de Jeanne d’A et qui était au service des bourguignons alliés des anglais ….Un autre de ces prélats ad hoc !

    Pas la peine de vous abriter derrière de telles “autorités” . Ce sont de mauvais abris !

  • hermeneias , 11 novembre 2014 @ 19 h 54 min

    Clémenceau jusqu’auboutiste quoiqu’il en coute voulait la “peau” de l’Autriche-Hongrie empire catholique , pour des raisons purement idéologiques et était d’accord là-dessus avec américains et britanniques ….si j’ai bien compris

    C’est à gerber .
    Une paix avait été proposée par le dernier empereur d’Autriche et le pape Benoit XV……

    Mais on sait bien que clémenceau était un enragé . C’est le modèle de Valls et c’était parait-il une référence de degaulle

  • Azerty , 11 novembre 2014 @ 20 h 02 min

    Je suis d’accord, mais autant je hais le fanatisme de Clémenceau (ainsi que celui de Gambetta) je hais aussi le pacifisme qui refuse le sacrifice ultime qui est de mourir pour le sol où on est né et qui ne voit dans ces soldats que des “victimes”.
    Les républicains n’ont eu de cesse avec leur fanatisme maçonnique, depuis le 19e siècle, d’exciter le nationalisme allemand et de provoquer des guerres totales, leur permettant, après coup, de se poser en sauveurs pour prendre le pouvoir ou de renforcer leur pouvoir. Il faudra bien se résoudre à comprendre que 1789 qui a libéré les forces les plus basses, les plus sataniques, a été la catastrophe la plus terrible du millénaire après la chute de Constantinople.

  • Pascal , 11 novembre 2014 @ 20 h 09 min

    Les enragés dans cette affaire sont à trouver dans l’état-major allemand, le principal responsable de cette catastrophe.

    L’autre aspect de cette guerre est que la thalassocratie anglaise ne pouvait permettre à l’Allemagne ce qu’elle avait interdit à la France un siècle plus tôt, le contrôle du continent par une puissance tellurique.

  • Pascal , 11 novembre 2014 @ 20 h 36 min

    Vous croyez vraiment, Azerty, que l’idéologie allemande (dont les origines sont lointaines) est le produit du patriotisme français !

  • Azerty , 11 novembre 2014 @ 20 h 54 min

    Ai-je dit cela ? exciter une chose, et en être le produit sont deux choses différentes. Sur “l’idéologie allemande” proprement dite, la psyché profonde de ce peuple de la forêt aussi noble qu’inquiétante, Maurras me semble avoir, à peu près, tout dit ; raison pour laquelle son procès en collaboration est une de ces infamies dont la république a le secret.

Comments are closed.