Overdose de Johnny

Votre chroniqueur se gardera bien de dénier ici tout talent, tout tempérament ou tout mérite à Jean Halliday ou Johnny d’Ormesson, disparus à 24 heures de distance cette semaine. Parmi les qualités des deux personnages on aime à penser que ni l’autre ni l’autre, quoique de styles, de genres, de classes, si différents, n’eût imaginé le degré de tintamarre, l’officialisation d’une unanimité factice, ou l’organisation des cérémonies grandioses autour de leurs cercueils auxquels on nous impose d’assister sous prétexte de leur rendre hommage.

L’abus des meilleures choses, sans même parler des pires, cela engendre, inéluctablement, une overdose.

Là réside la cause du malaise.

Qu’on ait pu aimer ce beau livre nostalgique Au Plaisir de Dieu, comme on a apprécié les romans de La Varende, ou comme on a pu ressentir le discret envoûtement de Downton Abbey, non seulement votre serviteur n’en disconviendra pas mais, au besoin, il en témoignera.

Que des millions de disques de celui qu’on appela un temps l’idole des jeunes, aient été achetés par ses enthousiastes admirateurs, sur plusieurs générations voilà une réalité économique indiscutable. Elle permit au chanteur d’acquérir, entre autres, sa magnifique collection de Harley Davidson.

L’enfer fiscal français le contraignit à des solutions domiciliaires alternatives, que l’on n’aime pas beaucoup à Bercy et que les discours de gauche fustigent régulièrement. Lui-même, d’ailleurs osait, aussi, se dire de droite, et il n’hésitait pas, non plus, à la fin de sa vieà, àporter une croix bien en évidence sur sa chemise. Voilà des mérites que les commentateurs agréés, quoiqu’unanimement acharnés à dresser son panégyrique, cherchent à passer sous silence.

Mais.

Ce besoin de communion fusionnelle, ce déferlement de gros titres, ce délire collectif, pour tout dire : c’est trop.

Les nains qui nous gouvernent et les gnomes qui les encensent semblent avoir découvert une arme d’ahurissement massif par la promotion, systématique désormais, de l’émotionnel.

Nos dirigeants paraissent se complaire à nous conduire de commémorations en commémorations.

À partir du succès, mérité, et malheureusement détourné, des protestations populaires contre l’islamo-terrorisme de janvier 2015, il est facile de suivre la tentation à laquelle a succombé le pouvoir, celui de Hollande hier, celui de Macron aujourd’hui.

Il s’agit de gommer toute impression d’échec, tout particulièrement sur le terrain européen, où personne ne semble, pourtant, s’intéresser aux initiatives et propositions parisiennes.

Dans de telles conditions l’overdose de Johnny ne relève pas seulement de l’emphase, de la boursoufflure et de l’excès, elle se révèle une opération récupératrice hautement condamnable.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.

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2 Comments

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  • 0 / 10
  • Joséphine , 12 décembre 2017 @ 9 h 33 min

    Partage tout ce qui est relaté dans cet article. Merci à son auteur.

  • YVES , 12 décembre 2017 @ 11 h 40 min

    Cet article voit le verre à moitié vide! alors que le suivant”initiation massive au catholicisme” voit le verre à moitié plein!

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