Benoît, pourquoi ?

Tribune libre de l’abbé Guillaume de Tanoüarn*

Le secret de l’annonce avait été bien gardé. Même le Père Lombardi, responsable de la communication au Vatican, n’était pas au courant. Il a dû improviser une conférence de presse au dernier moment. Il est comme ça, Benoît XVI, c’est un intellectuel, il a ses coquetteries, il aime surprendre. Il veut prendre de court. Jusque dans sa démission, il aura eu l’initiative. Souvenez-vous le Motu proprio libéralisant la messe traditionnelle [désormais théoriquement, elle est en vente libre, en réalité enfermée dans quelques salles de shoot comme… le Centre Saint Paul à Paris], ce Motu proprio Summorum pontificum, ce fut un coup de tonnerre dans un ciel serein. Et la désexcommunication des quatre évêques : “il a fait ça”… Eh bien ! Cette fois c’est la même chose : il a osé ! Ce vieux Monsieur aime les coups d’audace.

Les libéraux de tous pelage se réjouissent : enfin un geste moderne de Benoît XVI. Avant lui le pape était le roi du monde. Maintenant il n’est plus que le préfet d’une forme particulière de christianisme que l’on appelle catholicisme. Bonne nouvelle ! Quant aux tradis, ils sont entre la colère – qui les fait abonder dans le sens des libéraux, pour un peu ils prendraient Benoît XVI pour un banal social-traître – et l’abattement. Je regardais l’excellent site Benoît et moi : rien. Sidération. Ce rien veut dire : comment a-t-il pu nous faire ça ?

“Quand un pape en vient à reconnaître, en toute clarté, que physiquement, psychiquement et spirituellement, il ne peut plus assumer la charge de son ministère, alors, il a le droit et, selon les circonstances, le devoir de se retirer” déclarait Benoît XVI à Peter Seewald dans Lumière du monde (éd. fr. 2010 p. 51). Nul doute que pour Benoît XVI, il ne s’agissait pas de faire valoir un droit mais de remplir un devoir de sa charge. – Quel devoir, direz-vous peut-être, agressif déjà. Celui de nous abandonner ?

Dans le bref texte latin qu’il a lu durant un petit consistoire convoqué officiellement pour la canonisation de trois saint et au cours duquel il a exprimé sa renonciation en latin, Benoît XVI propose trois pistes explicatives : les grands changements, les grands enjeux pour la vie de la foi et “l’administration” (il utilise ce terme et ce n’est pas un hasard). Le dernier est sans doute le plus sensible. Benoît XVI, contrairement à Jean-Paul II n’avait pas d’équipe sur laquelle il aurait pu se reposer. Son numéro 2 était notoirement défaillant. Il devait tout surveiller, chose impossible à son âge. Résultat : les fuites par son propre majordome. Résultat aussi sans doute : des négociations manquées avec la FSSPX.

Quant aux deux premiers points, ils n’en font qu’un : les changements et les enjeux. Benoît XVI, avec sa pénétration, était plus qu’un autre capable de faire entrer l’Eglise dans le XXIe siècle. Mais il s’en juge incapable à cause de l’ampleur de la tâche qui se profile. Ce siècle donne raison à Malraux… par antiphrase. Il s’annonce antispirituel – et religieux peut-être mais alors au sens le plus idéologique du terme. Avec Benoît XVI qui s’en va, c’est le dernier grand acteur vivant de Vatican II qui s’éloigne, c’est aussi sans doute le vrai concile, le concile vivant qui s’estompe, c’est l’optimisme de Vatican II qui semble définitivement démonétisé, comme un euro fort que l’on jugerait désormais inefficace et que l’on s’empresserait de quitter. Les utopies des années 70, qu’elles soient monétaires ou religieuses, apparaissent pour ce qu’elles sont dans ce siècle de fer où l’on parle procréation assistée et politiquement organisée et où l’on rêve d’une sexualité libre, enfin libre, totalement déchargée du fardeau de la procréation, où les sexes seraient devenus des genres et où les genres se déferaient et se referaient à volonté. Faire face ! Faire face aux Etats qui sont les premiers fonctionnaires de ce désordre mondialisé et qui sont impitoyablement “laïcs” parce que sans entrailles. Il faut un nouveau souffle dans cette Eglise, dont, selon le mot de Benoît XVI lui-même (à Malte) la foi apparaît de plus en plus comme “une contre-culture”. Il faut un nouvel élan et il se dessine déjà dans les Journées Mondiales de la Jeunesse ou encore dans l’immense Manifestation pour tous. Mais il faut quelqu’un pour guider et pour représenter cet élan mondial de résistance au Pire, un pape jeune, sur lequel ne pèse pas le poids des fausses bonnes idées du passé.

Benoît a-t-il cela dans sa besace ? Je ne sais pas. Mais ce pape a décidé de nous surprendre. Après avoir été collaborateur d’un grand pape, pape lui-même, reste à ce qu’il devienne dans les prochains jours, faiseur de pape. Oh ! Il ne participera pas au conclave, son âge le lui interdit (la limite est à 80 ans). Mais il a ses réseaux, il peut, discrètement, comme il est toujours, faire courir une consigne. On peut se demander si cette décision, mûrement pesée pendant plusieurs mois comme nous l’apprend son frère prêtre Georg, le pape ne l’a pas prise pour produire un ultime coup “politique”, capable de fonder ce que j’appellerais le “ratzinguérisme de l’avenir”. Les faits répondront-ils à notre attente ? C’est évidemment Dieu qui décidera.

AGENDA >>> Conférence de l’abbé de Tanoüarn lundi 25 février à 19h au Carré parisien (1 rue du Général Beuret 75015 PARIS) sur le thème : “Un nouveau pape ? Pour quoi faire ?”

*L’abbé Guillaume de Tanoüarn est prêtre à l’Institut du Bon Pasteur. Il anime un blog.

Lire aussi :
> Peut-on être catholiques et socialistes ? par l’abbé Guillaume de Tanoüarn
Si je votais pour un discours… par l’abbé Guillaume de Tanoüarn.

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13 Comments

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  • Etienne , 13 février 2013 @ 1 h 09 min

    J’aurais bien aimé avoir l’avis de l’abbé sur l’éclair qui frappa, après l’annonce du pape, le dôme de St Pierre à 18h. Voici quelques hypothèses tirées de Gloria.TV :

    “La foudre, c’est surtout un symbole de l’Esprit Saint ! Lisez : Apocalypse 11, 19 Alors s’ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d’alliance apparut, dans le temple ; puis ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres et un tremblement de terre, et la grêle tombait dru…”

    “ou peut-être….Apocalypse 8,5-13”

    “18h = 6+6+6”
    “Ich sah Satan vom Himmel fallen wie einen Blitz. Lk 10,18.”

    “En ôtant Benoît XVI du Saint-Siège (parce que nous ne le méritions pas), Dieu a ôté Son paratonnerre sur le monde et nous avertit, tel le bon Père de famille, que si nous ne nous repentons pas assez durant ce Carême (la période de cette renonciation a aussi son sens), si nous n’implorons pas suffisamment Sa miséricorde, c’est l’épée de la Justice qui s’abattra sur nous.
    “”Dis aux pécheurs qu’aucun n’échappera à ma main. S’ils fuient mon cœur miséricordieux, ils tomberont dans les mains de ma justice. Dis aux pécheurs que je les attends toujours, je prête une oreille attentive aux battements de leur cœur quand il bat pour moi. Ecris que je leur parle par leurs remords de conscience, par les insuccès et les souffrances, par les orages et la FOUDRE, je leur parle par la voix de l’Eglise, et s’ils font échouer toutes mes grâces, je commence à me fâcher contre eux, les abandonnant à eux-mêmes, je leur donne ce qu’ils désirent””. (Ste Faustine, Petit Journal, § 1728)”

  • Jacques , 13 février 2013 @ 7 h 25 min

    Une pensée que je ne voudrais pas être sacrilège.
    Un jour, il y a bien longtemps, j’ai découvert que ce n’était pas la petite souris qui déposait une petite douceur sous mon oreiller en échange de mes dents de lait. Cela a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans mon cœur d’enfant.
    Aujourd’hui, de nombreuses années plus tard, je suis en train de m’apercevoir que le Pape ne serait peut-être pas désigné par l‘Esprit Saint mais bien plutôt par un groupe d’hommes qui veulent faire avancer les idées de ceux qui, parmi eux, sont les plus influents, ceux dont le réseau est le plus puissant. Le coup de tonnerre est au moins aussi important.

  • Mas Jean-Marie , 13 février 2013 @ 11 h 03 min

    Saluons notre Pape pour tout ce qu’il a fait. Ses écris sont prémonitoires, nous avons tord de ne pas accorder plus de crédits.
    Que Dieu protége cet homme, et que sa fin soit paisible.
    Vive le prochain Pape.

  • Roger Pérès , 13 février 2013 @ 11 h 21 min

    Merci à SS Benoît ! Sentant la tâche au dessus des forces qui lui restent, il se retire, superbe exemple pour tous les laïcs qui tiennent jusqu’au bout à nous imposer le triste spectacle de leur décadence, tels Mitterand ou Chirac …Que Dieu protège Votre Sainteté

  • Gisèle , 13 février 2013 @ 11 h 26 min

    Souvenez vous de ce que Benoît XVI a dit dans son homélie le 24 avril 2005 !

    ***** Priez pour moi afin que je ne me dérobe pas par peur des loups *****
    Il est le seul pape à avoir proféré ces paroles prophétiques ; il était tout à fait conscient de l’état réel du monde .
    Quand à l’éclair elle doit être rapprochée de l’éclair qui a frappé l’avion de F.H ……
    Dieu dit : *** ça suffit ****
    Benoît XVI a terminé sa mission . Le monde ne l’a pas écouté . Seule une petite poignée a compris son message .
    La France si chère au coeur de Jésus , tombe aussi ….. Jésus pleure , il est triste . Mais le petit reste lui sera fidèle .

  • Gisèle , 13 février 2013 @ 11 h 27 min

    Un éclair ( pardon )

  • degabesatataouine , 13 février 2013 @ 12 h 02 min

    Parce que vous imaginiez aussi que le choix d’Avignon, qui ne dura pas malheureusement pour la France,avait été ” “désigné par le St Esprit “?

    En tout cas pour cette élection le choix du St Esprit ne sera pas aidé par la France, (il vaut peut être mieux vu son état moral) ,puisque son président a assuré,même en souriant,qu’il n’ y auarit pas d’interférence de notre part dans son processus.
    Il serait bon espère que les états africains en fassent de même encore qu’ils ont des vues certainement plus contre révolutionnaires.

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