Mariage pour tous ; en un combat douteux…

Tribune libre de René-Pierre Samary

Je regardais l’autre jour sur YouTube une confrontation entre la brave soldat Rioufol et cette intelligente petite peste de Caroline Fourest, et j’ai le regret d’avoir constaté que la bataille ne tournait pas à l’avantage du premier ; trop honnête intellectuellement, sans doute, moins à l’aise à l’oral qu’à l’écrit, mais cela n’expliquait pas vraiment pourquoi, face aux tranchantes mises en demeure de son adversaire, je le trouvais un peu désemparé.

« Et pourquoi » (ce que scandait Fourest en réponse aux explications mesurées de Rioufol), pourquoi être opposé au « mariage pour tous » ? Les arguments “contre” ne manquent pas, bien sûr, mais leurs fondations sont parfois bien friables. L’immense succès de la « Manif’ pour tous » n’exclut pas un certain flou dans le domaine des idées, donc dans celui des débats ; flou qu’incarne, me semble-t-il, le porte-parole de la MPT, Frigide Barjot. À la brillante floraison des motivations qui s’expriment notamment sur NdF, j’ai l’impression qu’il manque un pilier central. Mais peut-être vois-je les choses de trop loin… On me pardonnera dans ce cas d’enfoncer des portes ouvertes.

Ce flou tient, à mon sens, à quelques ambiguïtés, et il est bon, je crois, de se faire l’avocat du diable pour les débusquer. Quels sont les deux principaux arguments invoqués par les partisans du « mariage homosexuel » ?
– L’égalité : les hétéros peuvent se marier, pourquoi pas les homos ?
– L’évolution des mœurs : le mariage est une institution, et les institutions, ça se change.

Que répondre à cela ? Pas grand’chose. L’argument que l’égalité ne s’applique pas à des objets différents, recevable, est par nature trop intellectuel pour susciter une large adhésion. L’idée d’égalité est, en France, trop puissante pour ne pas être un argument massue.

“Lorsque le bon Rioufol, parmi d’autres, se défend d’emblée d’être « homophobe », il se place sur le terrain de l’adversaire. Mauvaise tactique : se justifier n’est pas attaquer, et seule l’attaque permet d’envisager la victoire.”

Celui de l’évolution des mœurs, critiquée dans le sens où cette évolution n’est dictée que par une minorité activiste, se heurte au « pourquoi une minorité n’influencerait-elle pas une évolution législative, si elle n’enlève aucun droit à la majorité, qui peut se marier si bon lui semble ». En bref : « en quoi ça vous gène ? ». Et de stigmatiser ce refus comme un blocage intellectuel, fondé sur une homophobie sous-jacente, avouée ou inavouée (Ah ! Ce putain d’inconscient, qui parle en nous sans qu’on s’en doute !).

Bien fragiles, donc, apparaissent à l’observateur lointain les armes des opposants au « mariage pour tous » (dont je ne souligne pas l’énoncé grotesque, maintes fois souligné). Mais ce n’est pas par la moquerie de l’adversaire qu’on en triomphe. Aux sarbacanes que nous employons, il faut substituer l’artillerie lourde.

La guerre, celle des idées en particulier, est un art tout d’exécution, a dit un connaisseur. Cet art passe par certaines règles. Comme en compétition sportive, il s’agit de :
– ne pas mépriser l’adversaire ;
– choisir son terrain ;
– concentrer son feu sur les points faibles de l’opposant.

Quant au premier point, il n’est pas inutile de le souligner. Les forces qui défendent le « mariage pour tous » ne doivent pas être sous-estimées, même si leur morgue prête à rire. La puissance des médias de masse, l’art de les utiliser, la casuistique des experts en falsification –à commencer par celle des mots eux-mêmes-, l’entraînement à la dialectique, ont la capacité de faire vaciller les plus résolus. Les partisans du « mariage pour tous », ou leurs épigones, ont été communistes, trotzkystes, maoïstes, tiers-mondistes, immigrationnistes, etc., et ont toujours trouvé d’excellentes raisons raisonnantes pour s’expliquer à la tribune, sinon devant le tribunal de l’Histoire. Ce n’est pas sans raison que nous visons en « socialie » depuis si longtemps.

Choisir son terrain. Lorsque le bon Rioufol, parmi d’autres, se défend d’emblée d’être « homophobe », il se place sur le terrain de l’adversaire. Mauvaise tactique : se justifier n’est pas attaquer, et seule l’attaque permet d’envisager la victoire. Si, dans un débat, l’adversaire tente de vous bloquer dans les cordes avec l’homophobie, la « résistance au progrès », il faut, à son exemple, refuser, poliment mais fermement, de s’y laisser entraîner : « nous ne parlons pas de ça ».

Mais de quoi parle-t-on ? Voici qui m’amène au dernier point : concentrer son feu sur le point faible de l’adversaire. Ce point faible, ce sont les conséquences du « mariage pour tous », conséquences que ses partisans ont l’astuce de laisser dans le flou – et le législateur, bien sûr, de scinder la question du mariage et celle de la procréation. Je parle, on le comprend aisément, de ce qui arrivera inéluctablement si la loi passe, et elle passera, tôt ou tard. Hollande, sur lequel tombent en avalanche tant d’« affaires », ne peut se permettre de reculer. L’adoption par des « familles homoparentales », la PMA pour les lesbiennes, sont dans la logique du « mariage pour tous », et en sont même à l’origine. C’est sur ces conséquences qu’il faut concentrer le tir, sans relâche.

Certes, ce thème est loin d’être oublié par les opposants au « mariage pour tous ». Mais nos adversaires, sur les plateaux, ont l’art de l’esquiver, ou de le relativiser, avec la bonne vieille tactique chère aux « progressistes » : il y a aussi des enfants malheureux dans les familles « traditionnelles ». Comme d’habitude, on condamne la norme au nom d’une inévitable imperfection. Si les parents hétéros ne sont pas tous exemplaires, pourquoi refuser à des parents non-traditionnels cette égalité dans l’éventuelle imperfection (qu’on vous accordera du bout des lèvres). Argument auquel la réponse est facile. Dans un cas, l’imperfection est exception. Dans l’autre, elle devient règle. Car si l’on suit ce raisonnement vicié, puisqu’il y a malheureusement des accidents de voiture, pourquoi ne pas supprimer le permis de conduire ?

En réponse aux questions-piège sur le mariage-institution, sur l’égalité, il faut marteler cet ultimatum : oui ou non, l’adoption homosexuelle, la PMA, la gestation pour autrui ? Les faux-fuyants ne manqueront pas, ce n’est pas une raison pour cesser le bombardement. Au contraire ! Là est leur point faible, et peut-être le seul. Manifestants et organisateurs ne s’y sont pas trompé, en brandissant des pancartes portant : « un père, une mère, un enfant ». La revendication du « mariage pour tous » ne témoigne pas plus de ses véritables objectifs que la blancheur de la robe de mariée ne témoigne de sa virginité.

“Plus tard, c’est déjà maintenant. Nous n’en sommes qu’au stade des rounds d’observation. Le vrai combat commence. Et si nous savons formuler d’une seule voix ce que nous refusons, ce ne seront plus seulement un, voire deux millions de personnes qui se lèveront, ce sera le peuple tout entier qui le fera.”

Je suis persuadé que peu de « gays » rêvent d’avoir un enfant, de goûter aux plaisirs des divorces, des séparations, et à qui reviendra le canapé Ikea. Leurs motivations (autre celles que l’on qualifierait de douteuses), touchent plutôt à certains avantages liés au mariage, en terme de fiscalité, d’héritage, de retraite (pension de reversion). Ce sont là des aménagements possibles, dont se satisferaient la plupart, hormis quelques excités. En revanche, je suis intimement convaincu que ce sont les homosexuelles, chez qui l’orientation sexuelle ne contredit pas le désir d’enfant – désir puissant, car venant de la nature, et non de la culture –, qui « pousseront à la roue » pour obtenir ce qu’elles désirent : un enfant, sans géniteur autre qu’anonyme. Un homme réduit à l’état de paillettes de sperme congelé. Ceci n’empêche pas, c’est évident, qu’elles puissent être soutenues par une grande partie de la « communauté ».

J’ai parlé d’ambiguïté. Elle résulte pour une part de la personnalité de Frigide Bardot, remarquable par son engagement mais quelque peu difficile à déchiffrer, on l’admettra. Elle résulte, aussi et surtout, cette ambiguïté, des différents « courants » qui génèrent l’hostilité profonde au « mariage pour tous ». La part que prend le discours des catholiques dans ce mouvement de masse est légitime, mais contre-productive, dans une perspective élargie. La défense du mariage-institution est une arme de peu de poids face à celles de nos adversaires, je le disais plus haut. La défense du mariage-institution religieuse est une arme encore plus légère. Je ne dis pas dérisoire, pour ne pas heurter les convictions de nombre de mes compatriotes ; mais dans un pays qui a adopté la laïcité, elle ne peut qu’être retournée contre ceux qui la brandissent.

Certes, il est beau de voir des centaines et des centaines de milliers de personnes se lever ensemble, quelles que soient leurs convictions – athées, agnostiques, chrétiens, musulmans ou juifs –, mais le mot d’ordre global, unanimement accepté pour ce qu’il est, et non pour les raisons qui le font choisir, devient inintelligible quand les bannières ne le clament pas à l’unisson. C’est une faiblesse.

Un combat douteux ? J’ai emprunté ce titre à Steinbeck, non pas en pensant que ce combat soit douteux par son bien-fondé, évidemment. Mais il reste douteux quant à son issue. Nos adversaires ont eu l’habileté d’agiter le chiffon rouge du « mariage », comme ils l’ont fait pour le PaCS, et de laisser les questions majeures de la procréation à l’arrière-plan, comme de simples détails d’application, à étudier plus tard. C’est la technique bien connue du proctologue.

Plus tard, c’est déjà maintenant. Nous n’en sommes qu’au stade des rounds d’observation. Le vrai combat commence. Et si nous savons formuler d’une seule voix ce que nous refusons, ce ne seront plus seulement un, voire deux millions de personnes qui se lèveront, ce sera le peuple tout entier qui le fera.

Du même auteur :
> Théorie du genre, un archaïsme qui se veut moderne

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82 Comments

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  • 0 / 10
  • CHARLET Anne , 12 avril 2013 @ 13 h 06 min

    J’en ai marre que l’on dise du mal de Frigide Barjot.

    Allez y à sa place !

  • Brisset Claude , 12 avril 2013 @ 13 h 14 min

    Une question qu’il faut poser car elle constitue une invitation à la réflexion quant à la finalité de la revendication des partisans du mariage homosexuel :

    Comment ce fait-il qu’aujourd’hui la gauche veuille se réapproprier une institution ( celle du mariage) qu’elle contestait hier en militant pour l’union libre ?
    Poser cette question en conversation ouvre le champs de l’interrogation chez vos interlocuteurs.

    Pourquoi n’entend -on pas dans les arguments des opposants à ce projet de loi dénaturant le mariage le fait que la PMA aurait été mise en oeuvre par le régime hitlérien si les nazis avaient eu les connaissances en sciences génétiques acquise depuis.

    je persiste avec cet argument parce que je m’étonne que l’on laisse l’effet , certe malhonnête du point de vue intellectuel , de la “réduction ad hitlerum” à l’adversaire.

    Je propose à nouveau le slogan: PMA : les nazis l’auraient fait, les socialistes veulent le faire

  • Komdab , 12 avril 2013 @ 13 h 14 min

    Pas mal de monde ne demande que ça d’apporter une pierre à l’édifice mais elles sont écartées aussitôt par Frigide Barjot. Alors ne venez pas nous dire de prendre sa place.

    Et nous nous en avons marre qu’elle ne laisse pas la parole aux autres ! Ce n’est pas SON collectif, c’est le nôtre à nous tous qui avons milité pour le collectif, l’avons financé et encouragé.

    Je précise que je suis admiratif du travail de Frigide Barjot, qu’elle a énormément contribué au succès des manifs et que nous en lui sommes tous reconnaissants. Mais quand elle déconne, elle déconne, point.

  • Eric Martin , 12 avril 2013 @ 13 h 20 min

    Où voyez-vous “du mal de Frigide Barjot” ? Je vois un point de vue admiratif et critique à la fois.

    Sur Nouvelles de France, tout le monde a le droit de critiquer tout le monde, à condition d’être constructif. Vous surfez sur un média libre. La discipline (de parti ou tout court), très peu pour nous…

  • alain , 12 avril 2013 @ 13 h 31 min

    COMPRENDRE , DEMONTER ET NEUTRALISER LES TECHNIQUES DE DESINFORMATION UTILISEES PAR L’ENNEMI

    Dans le cas du militant LGBT tabassé « il ne sait pas par qui «

    C’est la technique de la culpabilité par association et de diabolisation par contamination successive qui est utilisée par la gauche au sens large.

    La première fonction est de mettre dans le même sac

    – Des agresseurs inconnus
    – Des colleurs d’affiches de la Manif pour tous qui ont collé des affiches sur celles de la LGBT

    La on assiste à une « manipulation lexicale » – le collage d’affiche devient des « déprédations» – de quoi exactement, on se sait pas , mais c’est sans importance.

    L’ensemble de l’opération devenant par une autre manipulation lexicale « des exactions » en joignant ce collage d’affiche « retraité en agression » au créneau raté d’Esther Benbassar « retraité aussi en agression contre une élue de la république »

    Les dites « agressions « ayant été menés par des militants de la Manif pour tous – « je n’en ai aucune preuve, mais vu le climat « haineux » « homophobe » (autre manipulation lexicale)

    la deuxième fonction est celle de la diversion qui conduit à la stérilisation du temps de parole utile des responsables, activistes et sympathisants de la Manif pour tous et plus important à les METTRE EN ACCUSATION et SUR LA DEFENSIVE.

    Deux homosexuels (militants LGBT) se font tabasser.
    Ils mettent cause indirectement la Manif pour Tous qui aurait créé par ses paroles un climat favorable.

    Conséquence pratique :

    La Manif pour Tous est sur la DEFENSIVE

    Les responsables passent leur temps à expliquer :

    – c’est pas nous
    – c’est un amagalme honteux
    – un collage d’affiche sur d’autres affiches n’est pas une “déprédation” ou une “agression”

    Les sympathisants de la manif pour tous se font agresser “vous voyez où celà mène vos idées , vos manif”. Ils ne savent pas quoi répondre.

    Plus personne ne parle du fond du sujet ” le mariage homosexuel comme changement radical de la conception que nous avons de la société”

    Les tenants de la Manif pour tous sont SUR LA DEFENSIVE et EN DESEQUILIBRE

    Pire ils se divisent en mous politiquement corrects (Frijide Barjot) et durs “Béatrice Bourges et activistes).

    Les alliés UMP et un peu Boutin rétropédalent et se désolidarisent pour ne pas se trouver dans un “mauvais cas ” (d’après leurs critères).

    La bonne réponse dans ces cas là c’est de RENVERSER LA TABLE !

    Et d’ATTAQUER

    Vous avez parfaitement raison Messieurs les journalistes cette attaque contre 2 hommes blancs isolés dans les rue de Paris est ignoble et intolérable.

    Qui sont ces sauvages ? d’où viennent-ils ?

    Le racisme anti-blancs et l’Insécurité en France sont devenus endémiques et insupportables.

    De plus en plus de français en souffrent le disent.

    Vous les journalistes n’en parlez jamais.
    Vous les politiques de droite comme de gauche n’assumez pas vos responsabilités
    Vous les intellectuels et les juges, vous pratiquez la politique de l’excuse

    ” Avez -vous lu le livre “La France Orange Mécanique” ? etc

    LE POINT IMPORTANT DANS UNE CONTRE-ATTAQUE EST DE RENVOYER L’ADVERSAIRE (la Gauche) SUR LE TERRAIN OU :

    – nous sommes fort – ici l’insécurité
    – la gauche est sur la défensive
    – la gauche est en déséquilibre

    Ce qui est l’application concrète des principes énoncés par René Pierre Samary

    – choisir son terrain ;
    – concentrer son feu sur les points faibles de l’opposant

  • Ucwasfbo , 12 avril 2013 @ 13 h 33 min

    Moi j’ai toujours dit et envoyé plusieurs mails dans ce sens à LMPT. pour le 24 mars il n’y avait qu’un seul mot d’ordre possible : non à la loi Taubira, il n’était plus question d’argumenter, il fallait être ferme et limite un peu menaçant … Je n’ai reçu aucun écho.
    Désormais on est déjà en train de parler de ce qui suit … C’est à dire que nous sommes déjà dépassés …
    Ce sera quoi le mot d’ordre unique et rassembleur la prochaine fois ? Parce que ça va être décalé de dire non à une loi qui vient d’être votée !
    Si vous avez des idées pour une prochaine marche vers Paris, allez y !
    A tous je vous souhaite une bonne journée.

  • berserk , 12 avril 2013 @ 13 h 35 min

    L’égalité : les hétéros peuvent se marier, pourquoi pas les homos ?
    – L’évolution des mœurs : le mariage est une institution, et les institutions, ça se change.

    Que répondre à cela ? Pas grand’chose.

    C’est dommage de répondre cela et de partir battu d’avance! Il y a beaucoup à répondre à cela justement. à moins que les mots n’est aucun sens et dans ce cas là , il n’y a en effet rien à répondre ni rien à dire pour quoi que ce soit, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, donc le mariage entre 2 hommes ou femmes ne veut rien dire.
    le mariage n’est pas une institution comme les autres car elle précède en quelque sorte toute culture et encore plus tout Etat, puisqu’elle est l’institution qui fonde toutes les autres en permettant l’existence même et la propagation de l’espèce humaine.
    de plus, le mariage religieux, le seul valable jusqu’à la Révolution, (et encore après pour les croyants) est une institution divine antérieure à toute décision humaine. de tous côté cette institution échappe au pouvoir civil et à la mode des moeurs.
    rappelons au passage que le barbarisme “homophobie” ne veut rien dire non plus, sinon “la peur du semblable”. et là encore une doctrine basée sur un mot vide de sens a-t-elle elle-même un sens?

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