Eurovision 2014 : Ce n’est plus l’Occident, mais le crépuscule…

On doit donner aux mots leur sens. Jamais autant qu’aujourd’hui le mot « Occident » n’a signifié le crépuscule. C’est l’heure où la lumière fait s’estomper les différences, les distinctions salutaires pour que tout s’endorme dans une froide pénombre. Ainsi l’Eurovision 2014 a été une caricature de cette Europe qui va voter on ne sait trop pourquoi dans quelques semaines. C’est la confusion des genres qui l’a emporté. Je ne parle pas du succès de la transgression, qui dans le fond est devenue un moyen publicitaire assez banal. La voix est belle, le style n’est pas neuf et on peut craindre que les poils au menton, sans importance aux yeux de celui qui les porte, ne soient la cause décisive de la victoire, au nom d’une liberté qui n’est plus que licence et d’une tolérance qui n’est qu’une provocation astucieuse et pas forcément désintéressée. Il faut être gogo pour s’y laisser prendre ou bobo pour en profiter. Non, la confusion la plus grave est d’attacher la moindre signification aux fêtes et aux agitations du show-biz. On a scruté la vedette, emblème de l’idéologie du genre. On a failli voir dans la chansonnette ukrainienne qui ouvrait le cirque une réponse à Vladimir Poutine. Le microcosme du show-bizz a ses marottes, ses idoles et ses sorcières. Le propre de la décadence est de confondre l’art royal de la politique avec les paillettes du spectacle. Néron, déjà…  Pendant ce temps, les choses sérieuses ont lieu ailleurs. Louis II préférait le théâtre à son règne. Au moins a-t-il laissé Bayreuth et Wagner. Mais pendant ce temps, l’Empire allemand se faisait avec Bismarck contre la Bavière et contre la France. Toute décadence est marquée par des fêtes brillantes et souvent vulgaires. Les époques de reconstruction sont plus austères. Elles sont réactionnaires, et donc salutaires. De Gaulle, c’était la tragédie permanente. Avec Hollande, on est davantage dans le vaudeville. Hier, un travesti barbu autrichien et chantant en anglais a été couronné à l’Eurovision. Pendant ce temps, Poutine était en Crimée, et ne poussait pas la chansonnette mais entonnait l’hymne russe.

“La Russie, contrairement à l’Europe de l’Ouest, ne se résume pas à des données économiques. La fierté nationale y vibre encore intensément. Sa puissance militaire retrouvée est impressionnante. À sa tête, il y a un homme qui fait de la politique, pas du commerce, et qui ne néglige pas le retour de la spiritualité orthodoxe.”

Le spectacle actuel du naufrage de l’Europe « occidentale » dans le monde est angoissant. Un continent vieillissant dont l’avenir semble passer nécessairement par une immigration de masse, une civilisation qui renie son passé et ses valeurs, des nations qui ont coloré le monde de leurs identités diverses, et qui disparaissent dans la grisaille d’un échafaudage technocratique, un géant économique et démographique incapable d’une politique indépendante de celle des États-Unis, telle apparaît l’Europe dont on voudrait qu’elle suscite l’enthousiasme de ses « citoyens ». Les civilisations indo-européennes ont toujours distingué les trois ordres, celui de l’esprit, celui des armes et celui de l’économie. La liberté saine qui doit caractériser nos sociétés ne doit pas confondre la recherche du Bien Commun, la politique, le nécessaire souci de la sécurité intérieure et extérieure, la défense, et le désir de vivre mieux matériellement, l’économie, la tête, les bras et le ventre. Or de plus en plus, l’Europe se résume à n’être qu’un ventre, qui fonctionne assez mal d’ailleurs. Sous le bouclier de l’Amérique, comme on le sait à son écoute, l’Europe n’a pas une politique qui lui soit propre, et ses dirigeants semblent d’ailleurs circonscrire leurs préoccupations à une sphère économique qui n’est pas la leur. Une fois le cadre posé, ce sont les acteurs économiques qui assurent la prospérité, non l’État, et encore moins une fédération anonyme. La mauvaise foi outrecuidante et la partialité systématique de l’Europe alignée sur les États-Unis face à la Russie dans les questions syrienne et ukrainienne sont inquiétantes. On en est venu à soutenir objectivement les djihadistes en Syrie et à opposer le bon droit des nationalistes ukrainiens de Maïdan aux manipulations dont seraient victimes les russophones du Donbass. Pour peu on brandirait la démocratie occidentale face à la résurrection de l’URSS. La Russie n’est sans doute pas une démocratie parfaite. Mais c’est un immense territoire, très riche, dont la dimension ouvre de nouvelles frontières à conquérir. L’espace y soulève l’espoir. On menace la Russie de sanctions, voire d’un désastre économique. Or la Russie, contrairement à l’Europe de l’Ouest, ne se résume pas à des données économiques. La fierté nationale y vibre encore intensément. Sa puissance militaire retrouvée est impressionnante. À sa tête, il y a un homme qui fait de la politique, pas du commerce, et qui ne néglige pas le retour de la spiritualité orthodoxe. Face à cette renaissance, l’Occident crépusculaire fait-il le poids ?

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22 Comments

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  • monhugo , 12 mai 2014 @ 20 h 20 min

    Il faut être un “freak”, rompu aux ficelles du marketing, pour gagner l’Eurovision.
    Le signe ostensible de communautarisation, ici LGBT (& autres joyeusetés), vaut talent “artistique”. Ou au moins valorisation assurée dudit talent – je n’y connais rien en chansonnettes, mais ai lu que le machin “intergenre” avait quand même un brin de voix, à la base. Sa chanson (en anglais – c’est plus vendeur que l’allemand) étant (lu, aussi) un manifeste pour invertis. Dans son cas, le “ramage” (le “message” chantonné) s’accorde donc avec le “plumage” (le pseudo, la barbe, le maquillage façon pute, la crinière et la robe longue). Les relativistes de tout poil, au bord de l’orgasme, crient au raffinement.
    On est à la confluence de l’idéologie (le relativisme, donc), du compassionnel larmoyant (ces “pauvres” invertis, il faut bien quelques “signaux forts” à leur envoyer – ils ont été tellement “discriminés” : et hop, l’Eurovision) et de la com (cette dernière valant absolument dans tous les domaines – en politique aussi – ou plutôt d’abord !).

  • monhugo , 12 mai 2014 @ 20 h 28 min

    Avoir récompensé ce gadget LGBT fait aussi, sans doute, partie des “sanctions” destinées à la Russie…. Cette dernière (ainsi que l’Arménie, et la Biélo-Russie) voulant que soit exclu de la compétition le machin à barbe, c’est un camouflet pour Poutine. Il devrait s’en remettre….

  • patrick Canonges , 12 mai 2014 @ 20 h 34 min

    George Orwell forgeant son concept de “décence commune” (common decency), faisait remarquer que plus celle-ci s’affaiblit, plus le totalitarisme se renforce. Le totalitarisme de la bêtise et du déni de la réalité. Pour le moment il ne tue pas, car le ridicule ne tue pas, c’est bien connu.

  • monhugo , 12 mai 2014 @ 20 h 47 min

    “Freaks” et religion :
    http://www.slate.fr/monde/86677/gene-robinson-eveque-gay-eglise-divorce
    Gene Robinson, évêque épiscopalien, vient de “divorcer” de son “mari”, “épousé” en 2010 (marié en premières noces avec…. une femme, l’homme de Dieu en avait divorcé en 1986, et avait enchaîné sur son “coming out” – on n’ose imaginer avec qui, ou quoi, il pourrait s’unir une 3e fois….).
    Ce prélat très “engagé” a célébré la messe de Pâques cette année à la Maison-Blanche.
    Cela se passe donc aux “States”, mais, patience ! Comme la mode en toutes choses vient d’outre-Atlantique – bientôt en Europe aussi, pour le clergé protestant ?

  • Psyché , 12 mai 2014 @ 20 h 51 min

    De manière plus prosaique, je ferai simplement remarquer que les femmes à barbe ont depuis longue date été utilisées comme attraction de foire et que le lamentable spectacle de l’horror-vision ne fait que marquer leur retour sur la scène de l’attraction vénale et que, à cette occasion, l’Europe n’a pas manqué de donner le plus beau visage d’elle-même.

  • Goupille , 12 mai 2014 @ 21 h 25 min

    Relativisons… Il paraît que l’Eurovision n’a attiré que 11 % de téléspectateurs en parts de marché. Preuve que les “vrais gens” ont encore suffisamment de bon sens et de bon goût pour se détourner de ce genre de cirque.

    Que l’Internationale LGBT se soit mobilisée pour faire sauter les compteurs, soit. Que la caquetoire bobo trouve cela géniaaal, soit.
    Cela n’empêche pas cette chanson d’être de la soupe, la voix assez belle mais pas toujours juste, la créature totalement factice.
    Un travelo ne fera jamais une belle femme. Les implants en dentisterie ne feront jamais une dentition. Au moins a-t-il/elle la décence de mettre un fond de robe opaque sous sa robe en rideaux, contrairement à la ci-devante accompagnatrice de Hollande au Qatar…

    Oui, l’Occident exhibe une décadence. Penser qu’elle est décadence généralisée est abusif.
    Chassons cette écume pourrie qui trouve amusant d’imposer le scandale, à l’école, sur les ondes, dans les Assemblées, et la majorité dite silencieuse pourra se remettre à respirer et à reconstruire.

  • Catoneo , 12 mai 2014 @ 21 h 58 min

    Les Russes qui ont voté par SMS ont placé l’Autriche en troisième position (soit 8 points).
    Malaise sur la TV russe où l’espace d’un instant les journalistes ont applaudi au résultat final… puis le téléphone a sonné :)

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