Témoignage du père d’Aylan : comment une partie des médias français en est venue à s’interroger

Le 4 septembre dernier, un article du journal Le Monde, intitulé « Migrants : la guerre des images », renvoyait toute contestation du témoignage du père d’Aylan dans l’enfer de l’extrême-droite complotiste. Le 8, Libération enchaîne avec un article : « Non, les photos d’Aylan n’ont pas été mises en scène ». Le 10 vers midi, l’accusation de complotisme d’extrême-droite est réitérée par un second article du Monde : « Mort d’Aylan : mensonges, manipulation et vérité ». Le stigmate de la manipulation est retourné contre l’adversaire d’extrême-droite, qui contesterait la version officielle « Y compris en usant de procédés malhonnêtes : manipulation des images, contre-vérités sur la famille de l’enfant ».

Au même moment pourtant, plusieurs médias australiens recueillaient le témoignage d’une passagère qui accuse le père d’Aylan d’avoir fait partie des passeurs (Sky News, The Daily Telegraph, The Sydney Morning Herald). Ce jeudi 10 à 22h, le Wall Street Journal observe : « Le récit du naufrage du bateau de migrants est contesté ». Le lendemain matin 11 septembre, le Corriere della Sera embraye : « Une femme accuse le père d’Aylan : ‘c’est lui le passeur’ ». Simultanément, Le Journal de Montréal publie un article intitulé : « Abdullah Kurdi est un passeur, accuse une réfugiée ». La chaîne d’info québécoise TVA Nouvelles emboîte le pas : « Le père du petit Aylan est un passeur ».

Le monde anglo-saxon et l’Italie commencent à informer leurs citoyens de l’existence d’une contestation du témoignage du père d’Aylan. D’autres pays suivent. A 15h, le site d’info belge 7sur7 répercute l’accusation : « ‘Le père d’Aylan est un trafiquant: il est responsable de sa mort’ ». A 18h, la version suisse du journal 20 Minutes fait de même : « Le père d’Aylan est un trafiquant ». Pas étonnant si l’on précise qu’un débat organisé à la télévision suisse laissait la parole à pas moins de deux critiques de la version sacro-sainte de la photo d’Aylan (émission « Infrarouge » du 8 septembre).

Dans d’autres pays, en revanche, le pouvoir d’intimidation de la version officielle est tel que la remise en cause est laborieuse. En Allemagne, il faut attendre 21h, et ce n’est que sur le site conservateur-populiste Politically Incorrect : « Daily Mail : le père d’Aylan Kurdi est le passeur ». En Espagne, il faut attendre minuit pour que El Mundo explique : « Le père d’Aylan est accusé d’être un des trafiquants qui conduisaient le bateau, mais il nie ».

En France, les deux articles du Monde valent avertissement : les journalistes n’osent émettre des doutes qui leur vaudraient de se voir extrême-droitiser. L’omerta est rompue à 17h par Le Nouvel Obs, dans un article non signé de tonalité sceptique : « Selon une survivante interrogée par la télévision australienne, le père d’Aylan ‘était un passeur, il conduisait le bateau’ ». Quelques jours auparavant, le même journal titrait : « Aylan et sa famille, morts d’avoir voulu fuir la guerre ». Le Figaro suit à 21h : « Aylan : le récit du père contesté par une survivante du drame ». Puis Atlantico : « Le récit du père d’Aylan contesté par une survivante qui affirme qu’il était ‘un passeur’ ». Le souci de circonspection ne suffit pas à expliquer un manque de courage qui provient de la peur de se voir assimiler à l’extrême-droite. Comme si le seul fait qu’une information soit relayée par l’extrême-droite la rendait suspecte.

> > Marc Crapez est chercheur en science politique. Vous pouvez visiter sa page Facebook ici.

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12 Comments

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  • C.B. , 13 septembre 2015 @ 18 h 36 min

    On pourtant vu des photos du père retourné enterrer ses morts “au pays” (par exemple http://www.linternaute.com/actualite/monde/1245335-aylan-kurdi-du-naufrage-aux-obseques-les-trois-jours-en-enfer-de-son-pere-abdullah/ ).
    Vous imaginez, pendant la dernière guerre, des juifs allemands ayant perdu l’un des leurs dans leur fuite sur le sol de France ou d’Espagne retourner en Allemagne pour l’enterrer?
    Et ça n’a fait tiquer aucun journaliste?

  • claude34 , 13 septembre 2015 @ 19 h 53 min

    J’avais vu cet article il y a quelque jours et n’arrivant pas à le retrouver,je n’osais en parler.
    Je pense qu’une fois de plus,les journaleux ont menti pour manipuler l’opinion.Le corps de l’enfant a été déplacé afin que la photo soit “meilleure”.Et le père gagnait de l’argent en faisant le passeur!
    Nos dirigeants sont bien sur au courant de tout cela et nous mentent eux aussi.Alors,que pensez vous qu’il faudrait faire.Nous,la base…

  • Stephan_Toulousain , 13 septembre 2015 @ 23 h 19 min

    on en append des choses sur cette manipulation médiatique !! pas joli , joli

  • ILIANA_VANKOVA , 14 septembre 2015 @ 7 h 14 min

    UN VRAI SCANDALE ! DE PLUS, IL N’A MEME PAS PROTEGE SA FAMILLE PAR DES GILETS DE SAUVETAGE… ALORS QUE LUI-MEME EN PORTAIT UN !
    Comme je l’ai dit, dès le 4/9 sur mon profil Facebook, les deux petits anges (mais aussi leur mère) sont les martyrs de l’ahurissante inconscience du père, de sa stupidité… et de sa cupidité! Pour résumer:
    1) Bien que la terre entière, sous l’émotion et dans la précipitation, les a érigés en symboles des “réfugiés fuyant la guerre”, la vérité est qu’ils n’étaient pas réfugiés et ne pouvaient même plus prétendre à ce statut, l’ONU le leur ayant refusé, estimant que “Leur vie ou leur liberté n’étaient PAS MENACES” ! Une preuve?: Monsieur vient de rentrer en Syrie pour l’enterrement, or, le retour au pays où la personne se prétendait “craindre pour sa vie” est considéré comme preuve que la vie de la personne n’est pas menacée. D’ailleurs la Convention de Genève relative au statut des réfugiés cesse d’être appliquée dans ces cas (les réfugiés perdent leur statut de réfugiés)
    2) Malgré cela, la Turquie les avait accueillis et ne les poussait pas à la porte. DEPUIS 3 ANS! En clair: Aylan, 3 ans, n’y avait même pas mis les pieds, et les bombardements de leur ville d’origine, Kobané (janvier 2015), ils n’en connaissaient que par les médias!
    3) Non-contents d’avoir sauvé leur vie en Turquie, ils voulaient émigrer en Europe, pour que le père puisse “se refaire des implants dentaires”, comme en témoigne sa soeur (vidéo interview: mon post du 8/9, 04h34)
    4) Il prétend qu’ils allaient au Canada… mais cela est faux! : Ils n’ont même pas demandé de visa de base à l’ambassade canadienne en Turquie, là où ils avaient le plus de chance de l’obtenir
    5) Et, comme on l’apprend ici, le père serait… “trafiquant” (comme l’affirmerait l’autre passagère dont les 2 enfants ont également péri dans l’accident), ou “au mieux”, un petit malin qui, pour ne pas avoir à payer le passage de sa famille, faisait office de “capitaine” de l’embarcation… faisant ainsi ni plus ni moins partie du réseau de trafiquants! Mais problème, il ne savait pas conduire! «Le bateau allait beaucoup trop vite et il a chaviré à cause d’une haute vague». Et dire que ses premières déclarations devant l’Agence de presse turque étaient: “Je tenais la main de ma femme, mais mes enfants m’ont glissé des mains” (mon post du 4/9)!!
    Je suis estomaquée de lire certains affirmer déjà: “Non, il n’est pas trafiquant, il a juste conduit le bateau!” Même s’il a conduit une seule fois un bateau, il devient du fait un trafiquant, il est même le “PASSEUR” qui, comme son nom l’indique, fait passer la frontière! Comment peut-on prétendre que le conducteur en personne du bateau, dont par la FAUTE DIRECTE sont morts 12 personnes… ne ferait pas partie du réseau des trafiquants?!
    6) Le plus abject! SEUL LE PERE PORTAIT UN GILET DE SAUVETAGE, mais manifestement (et malgré ses allégations contradictoires) il n’en avait acheté ni pour ses enfants ni pour sa femme – leurs cadavres n’en portent pas. Pourtant on en vend partout à Bodrum – même la Consule honoraire de France en vendait! Même pour ça, il n’avait pas d’argent, le pôôvre, pour la vie sauve de ses enfants?
    7) Et pour finir le tableau, comme on le voit très bien sur les insoutenables photos d’Aylan et de son frère, on a laissé les CHAUSSURES sur leurs pieds. Or, une fois remplies d’eau, elles tirent vers les profondeurs et gênent les mouvements. Les consignes de sécurité pour des bateaux et les amerrissages d’avions stipulent expressément: en cas d’utilisation de canots de sauvetage: “enlevez vos chaussures!”.
    La conclusion qui s’impose : Non, ils ne “fuyaient” PAS “la mort”… mais ils l’ont trouvée “grâce” à l’irresponsabilité du père! MIGRANTS ECONOMIQUES, ils ont abandonné la sécurité de la Turquie et sont partis vers l’Europe occidentale, ses avantages économiques et sociaux… et ses implants dentaires, A LEURS RISQUES ET PERILS… Et c’est le père qui a commis directement l’irréparable, par sa mauvaise maîtrise du bateau et par le fait de ne pas avoir fait la moindre des choses pour protéger ses enfants – leur acheter des gilets de sauvetage. Par contre lui, en avait un! C’est un scandale! Un crime! Je l’a déjà dit : des parents comme ça, s’ils étaient Français, des défenseurs d’enfants de tout genre les auraient déjà assignés en justice pour maltraitance sur enfants. En France, la justice vient de condamner à 30 ans de prison un père qui a provoqué la mort de son garçon du même âge, en le mettant dans une machine à laver. Mais on érige en héros un père irresponsable et cupide qui a mis ses enfants et sa femme dans un canot pneumatique et, sans même les protéger par des gilets de sauvetage, a conduit “trop vite” et fait chavirer le canot, provoquant ainsi directement la mort de sa famille et d’autres passagers! Mais puisqu’ils sont Syriens, on les baptise “réfugiés” (malgré le refus de l’ONU de leur accorder ce statut!), on déclare qu”‘ils sauvaient leur vie fuyant la mort” (bien que l’ONU venait d’estimer que “il n’y a pas de menace pour leur vie ou leur liberté”). Et on lave nos cerveaux pour nous donner mauvaise conscience, par des images insoutenables, dont des charognards de journalistes ont décidé de nous violenter et manipuler. Cherchez l’erreur…! Un indice pour la trouver? Notez que ce n’est pas l’édition française, mais l’édition… suisse de “20 minutes” qui en parle…!
    Personnellement, je ne vois aucun, mais aucun intérêt pour cette témoin de mentir. Au contraire, au lieu de remettre en cause le mythe KUDRI, et par-là, la version selon laquelle “tout syrien et tout iraquien” = “réfugié de guerre”, elle a toutes les raisons de se taire, de le laisser régner… pour, à son tour, profiter de cette poule aux œufs d’or qu’est la vague de solidarité dans les pays développés, provoquée par la gigantesque manipulation qui a fait croire à la terre entière que ce “pauvre père” est, lui aussi, un “réfugié, voire martyr, de guerre”, alors que c’est lui qui a provoqué, directement et indirectement, la mort de ses enfants et sa femme. Et alors qu’ils n’étaient point “réfugiés”!

  • maginet , 14 septembre 2015 @ 14 h 01 min

    j’ai eu les mêmes images d’un blogueuse allemande.

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