La Zad en fête, l’Etat en défaite ! (I)

L’Etat jouit dans notre pays d’un crédit inégalé dans le monde. Il le doit d’abord à l’histoire. C’est le pouvoir royal qui à partir de l’Île-de-France a construit la nation actuelle. Comme Tocqueville l’a montré dans « L’Ancien régime et la révolution », la centralisation a commencé sous la monarchie et s’est accentuée sous la république et l’empire. La riche diversité provinciale a même été anéantie par l’école de la IIIe République. Louis XIV n’avait pas toléré d’autre religion que la sienne. La République sous couvert de laïcité n’acceptait plus la concurrence d’un pouvoir religieux. L’Etat fut d’abord le glaive victorieux d’un pays fier de sa puissance. Celui-ci se brisa à Waterloo pour la première fois qui ne fut pas la dernière. Peu à peu, les Français lui demandèrent autre chose que les élus, clientélistes et peu enclins à se lancer dans des aventures guerrières, s’empressèrent de leur offrir. Aussi, comme le souligne justement Michel Schneider, dans Big Mother, l’Etat fut en France un pionnier du « transgenre ». Il était le père protecteur, parfois un peu fouettard, mais dont la puissance rassurait. Il est devenu peu à peu la mère nourricière. La continuité dans cette métamorphose a résidé dans l’enflure de l’embonpoint et le coût de l’entretien. Déjà la révolution ne s’est produite qu’en raison des difficultés financières que les Etats Généraux étaient censés résoudre. Au fil des années, l’alternance fréquente des régimes et le poids grandissant de l’idéologie ont fait s’estomper l’Etat soldat, voué à un rôle civilisateur loin des frontières qui survit encore de nos jours mais privé de tout esprit nationaliste ou dominateur dans des interventions humanitaires. L’impréparation notoire des guerres européennes révèle avec le recul l’incurie grandissante du système et la médiocrité des hommes qui y faisaient carrière. Manifestement, leur regard était ailleurs : dans les multiples tâches auxquelles ils destinaient un Etat dont les effets étaient devenus porteurs de voix et de réélection. C’est ainsi que l’on est passé de l’oligarchie du vote censitaire à la démocratie apparente puis à la démagogie. L’Etat devait certes toujours assurer l’ordre et l’administration du pays, en réaliser ou en maintenir les infrastructures essentielles, mais il devait aussi pourvoir aux soins et à l’éducation, puisque l’Eglise était amputée de ces missions. Il devait être le grand régulateur de la société civile, le « Deus ex machina » des conflits sociaux, le fabricant permanent de nouveaux droits, le protecteur insatiable de toutes les misères du monde. L’Etat-Providence de la social-démocratie, écrasé de travail, étranglé par ses déficits, perclus de dettes, et étouffé d’une graisse inutile était devenu une nounou mollassonne hélas en phase avec une population quémandeuse passant d’une émotion à une autre mais incapable de se dresser et d’agir.

Le stade actuel de cette évolution est facile à décrire. D’abord, l’Etat fait de moins en moins bien ce qui est prioritaire. Si on met à part notre diplomatie supportée par le second réseau mondial de consulats et d’ambassades, qui permettent notamment de caser nombre de jeunes gens brillants en mal d’écriture, les Armées ont été sacrifiées sur l’autel des économies rendues nécessaires par les dépenses superflues. La démission du Général de Villiers a heureusement sonner un tocsin salutaire. Les hommes ne sont pas assez nombreux. Leurs équipements ont vieilli et les exposent dangereusement. On songe à remplacer le Charles de Gaulle, quand il faudrait le doubler puisque une grande puissance en vacances six mois sur douze, éveille quelques doutes sur ses capacités. La sécurité intérieure ne répond pas aux attentes de la population. Certes les effectifs de police ne sont pas insuffisants, mais l’abaissement du temps de travail dans la fonction publique, bien plus absurde que dans les secteurs où la productivité augmente, a créé artificiellement un manque de moyens qui ne peut être compensé que par un surcroît de dépense. En amont et en aval, des gouvernants irresponsables, de gauche mais pas seulement, ont multiplié les obstacles. L’immigration de plus en plus massive et extra-européenne comme son regroupement dans certains quartiers ont généré des zones de non-droit. Loin de prendre conscience du danger, le législateur s’est plu à inventer de nouvelles entraves à l’action policière, notamment ce contre-sens d’une violence limitée à la légitime défense, alors que dans une saine conception de l’Etat de droit, le rétablissement de l’ordre légal légitime évidemment l’usage de la force. Quant à la Justice, elle a gardé de son prestigieux passé, ses beaux habits, et ses petits moyens. Elle est l’une des plus pauvres et des plus politisées d’Europe.

Le Président Macron est allé en Corse jouer les matamores. Peu après, les Zadistes se sont donné rendez-vous sur le site de Notre-Dame-des-Landes pour fêter leur victoire sur l’Etat. Qu’est-ce qu’un Etat parmi les plus coûteux du monde, mais incapable de faire respecter la loi et la volonté du peuple ? Une nounou vieillissante qui n’entretient plus que ses amants dispendieux, les nombreux élus et autres fonctionnaires qui cette semaine enneigée ont encore fait la démonstration de leur inefficacité ?

Related Articles

1 Comment

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Jean-Michel Thureau , 14 février 2018 @ 12 h 53 min

    Dans les pays, comme la France, où la Constitution donne, sur le papier, tous les pouvoirs aux gouvernants, le pouvoir est, dans la pratique, partagé entre les dirigeants et les minorités à fort pouvoir de nuisance.

    La vie politique est un enchevêtrement de luttes d’une extrême complexité dont le peuple est toujours la victime finale.

    C’est l’origine de la dépression économique (chômage de masse, crise du logement…) et de l’insécurité qui nous distinguent des autres pays développés.

Comments are closed.