Un traître, c’est toujours quelqu’un qui était un ami…

La nouvelle est tombée à 17h42 le mercredi 12 juin : sans attendre l’université d’été annoncée par la Manif pour tous en septembre prochain, deux associations fondatrices viennent de faire dissidence. Dans un communiqué de presse lyrique, les AFC (Associations familiales catholiques) et le Collectif des maires pour l’enfance invitent les militants de la Manif pour tous à s’engager dans les associations et les partis politiques, bref, n’importe où, même au PS, avec la caution des Poissons roses, également signataires de l’appel. Partout, sauf à la Manif pour tous !

Manuel Valls l’a rêvé, Antoine Renard l’a fait… Dissoudre la Manif pour tous de l’intérieur, il fallait oser. Maintenant, c’est devenu possible. Mais quelle mouche les a piqués ?

Un indice nous est fourni par la liste des signataires de cet appel implicite à déserter les bataillons de la Manif pour tous : à côté d’Antoine Renard et de Philippe de Roux, co-fondateur des Poissons roses, figure Pierre-Yves Gomez, co-fondateur de l’Ecologie humaine. Ce serait donc ça ! L’éloignement discret de Tugdual Derville de la Manif pour tous après le 13 janvier a précédé de quelques semaines le lancement de son nouveau label, l’Ecologie humaine. Un mouvement auto-construit qui doit tenir des assises le 22 juin prochain pour émerger, après 14 mois de gestation, quand François Hollande sera à mi-mandat, quelque part en 2014. Vous ne saisissez pas ? 2014 : ses élections européennes et régionales ! Ah, enfin, vous y êtes ?

Tout ça pour ça… Après avoir contribué à la levée en masse de la société civile contre la loi Taubira, les AFC, le Collectif des maires pour l’enfance et l’Alliance Vita, qui n’est autre que la matrice originelle de l’Ecologie humaine, ont choisi le quitter en haute mer le navire de la Manif pour tous pour aller naviguer sur les canaux sinueux d’un « Tour de France pour s’engager en politique » aux allures de pré-campagne électorale. Ils ont simplement remplacé les trotskistes contre la PMA et la GPA par une caution de gauche empruntée au PS : les Poissons roses. Ils ne font même plus l’effort de se prétendre non-confessionnels : ce sont tous les groupes cathos qui s’assemblent. En clair, les catholiques du mouvement familial, du courant pro-vie et du parti socialiste ont décidé de signer un pacs à trois, en présence des maires pour l’enfance qui leur liront le code civil version Taubira.

“Manuel Valls l’a rêvé, Antoine Renard l’a fait… Dissoudre la Manif pour tous de l’intérieur, il fallait oser.”

Comme militants de la Manif pour tous, on ne peut être que déçu de cette aventure solitaire, qui vient parachever la démolition d’un formidable véhicule d’opposition populaire et pacifique au gender et au mariage unisexe. Nous espérions, après le psychodrame de l’union civile au mois de mai, que la Manif pour tous retrouverait son unité, sa détermination à ne rien lâcher, son remarquable dynamisme issu de toute la France. Les combats de la rentrée s’annonçaient rudes : contre l’enseignement du gender à l’école, contre la PMA et la GPA dans la future loi famille, contre le changement de civilisation qu’on veut nous imposer. Au lieu de ça, nous assistons au retrait tactique de trois des principales structures de la Manif pour tous. Destination : l’engagement dans les associations (jusque-là rien de nouveau, ce sont toutes trois des associations), et dans les partis politiques. Vous avez bien lu : les partis politiques ! Pas seulement le PS et ses Poissons roses. Pour ceux qui n’auraient pas saisis, ce pluriel de circonstance désigne en réalité l’UMP.

Ce que l’UMP n’a pas obtenu avec l’union civile, un gadget hâtivement vendu à Frigide Barjot pour qu’elle s’en fasse la bonimenteuse au sein de la Manif pour tous, elle tente de le récupérer avec le Tour de France de l’engagement politique. Chassée par la porte, l’UMP revient par la fenêtre, et par un savant mouvement de courant d’air, siphonne la Manif pour tous de trois de ses principales composantes. La manœuvre révèle tout le savoir-faire des partis politiques, habitués comme des vieux singes à grimacer pour mieux nous attendrir. On commence par soutenir la manif en y envoyant des dénicheurs de talents, on poursuit en nouant des alliances avec les entités qui fournissent les plus gros bataillons et l’essentiel de l’encadrement, on achève en annonçant, sans coup férir, qu’il est temps de passer à autre chose que défiler dans la rue en criant « Hollande, ta loi, on n’en veut pas ! ». Et, pour avancer masquer, on brandit le cache-sexe d’un appel à s’engager en politique dans « les partis » et les associations.

Au fond, dans cette opération, tout le monde est gagnant : l’Ecologie Humaine et les AFC, qui peuvent faire leur marché parmi les nombreux primo-militants que la Manif a mobilisés, l’UMP, qui peut détourner vers ses listes les meilleurs cadres du mouvement, les Maires pour l’enfance, qui se constituent une clientèle captive en vue des municipales. Tous gagnants ? Non, pas la Manif pour tous. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir multiplié les mises en garde contre la Ré-cu-pé-ra-tion. Souvenez-vous, ce n’est pas si vieux, quand tous les porte-paroles affirmaient vertueusement qu’il n’était pas question de laisser la Manif pour tous être récupérée. La façon d’y arriver quand même, ce fut de récupérer, non pas toute la Manif, mais ses meilleures forces. Bravo l’artiste !

Maintenant que la manœuvre est éventée, certains crieront à l’esprit de division. Nous en appelons, nous, à l’esprit d’unité. Puisque des entités fondatrices de la Manif pour tous ont choisi de quitter le navire, nous proposons de le rendre plus agile, plus rapide, plus manœuvrable. Non pas grâce aux partis politiques ou aux associations qui tentent de nous séduire, mais grâce à la jeunesse admirable qui s’est révélée dans ce combat, des Veilleurs au Camping pour tous, des Hommens au Printemps Français. Alors, le renouveau que nous voulons construire deviendra une réalité, sans récupération ni de droite ni de gauche, mais par un saut au-dessus de la mêlée, vers l’essentiel : la résistance autonome de la société civile à la prise de pouvoir idéologique que la loi Taubira à signée.

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