Double AA : épitaphe de l’économie française ?

La nouvelle dégradation de la note française par Standard & Poors n’est guère surprenante pour qui veut bien s’attacher aux réalités économiques de notre pays et non aux incantations gouvernementales. L’agence de notation américaine n’a fait que retranscrire le lent mais continuel déclassement de l’économie française plombé par son si cher modèle social.

Cette annonce tombe évidemment mal pour le Gouvernement déjà en proie à de réelles difficultés pour tenter d’esquisser une réflexion de projet de brouillon de stratégie économique. Lui qui s’échine chaque jour à répéter qu’il garde son cap, qu’il fait des réformes et qu’il permet à l’économie française de redémarrer. Moscovici s’est d’ailleurs immédiatement employé à faire fonctionner la machine à mensonges gouvernementaux en dénonçant des jugements « critiques et inexactes » et en rappelant « que le gouvernement a mis en œuvre au cours des dix-huit mois écoulés des réformes d’envergure pour redresser l’économie du pays, ses finances publiques et sa compétitivité grâce à une méthode fondée sur l’écoute et le dialogue ».

“La perte du AAA en 2012 et la nouvelle dégradation en 2013 sanctionnent tout à la fois la trahison giscardienne, la folie mitterrandienne, l’immobilisme chiraquien, la frime sarkozyste et l’incompétence hollandaise.”

Il est donc bien facile de tomber à bras raccourcis sur Ayrault et son équipe. Pour autant, il n’est pas juste de faire peser sur leurs seules épaules toute la responsabilité de cette annonce. Car la perte du AAA en 2012 et la nouvelle dégradation en 2013 sanctionnent tout à la fois la trahison giscardienne, la folie mitterrandienne, l’immobilisme chiraquien, la frime sarkozyste et l’incompétence hollandiste. Plus globalement, elles viennent condamner les choix collectifs réalisés par les Français depuis 40 ans. N’oublions pas en effet que ni Giscard, ni Mitterrand, ni Chirac, ni Sarkozy, ni même Hollande n’ont pris le pouvoir par la force ou par l’opération du Saint Esprit. Ils ont été portés chacun à la présidence de la république par une majorité d’électeurs. Et ces électeurs constituent le peuple français (cqfd).

“Une grande majorité de Français sont clientélistes et ne sont aucunement prêts à sacrifier leurs petits avantages personnels.”

Et la réalité est plus cruelle que certains ne la dépeignent. Une grande majorité de Français sont clientélistes et ne sont aucunement prêts à sacrifier leurs petits avantages personnels. Car comprendre le besoin d’une réforme ne signifie malheureusement pas l’accepter… Et quand un Français accepte une réforme, elle concerne souvent autrui.

Ainsi les Français refusent toute augmentation du temps de travail. Les élus refusent toute révision du millefeuille territorial et réduction de leurs prébendes. Les fonctionnaires refusent tout allègement de leurs effectifs et surtout toute révision de leur statut. Les entreprises refusent toute remise en cause des milliards d’euros de subventions qui leur sont versés (réduction de charges, CIR, CICE, etc.). Les professions protégées (notariat, pharmacie, chauffeur de taxi, etc.) refusent toute ouverture à la concurrence. Les patrons refusent tout adoucissement de leurs pratiques managériales. Les salariés en CDI refusent tout assouplissement du code du travail. Les chômeurs refusent toute réduction de leurs allocations. Les retraités et futurs retraités refusent tout rabais sur leur pension ou augmentation de leur durée de cotisation. Les malades ou les femmes enceintes refusent toute réévaluation de leur participation financière aux soins. Les étudiants refusent toute hausse de leur frais de scolarité. Les locataires d’HLM refusent toute rotation plus régulière au sein des logements sociaux. Et cette liste pourrait encore s’allonger !

“Comme la majorité des Français ne voit pas beaucoup plus loin que le bout de son nez, elle ne perçoit pas que ce système lui coûte in fine plus cher qu’il ne lui rapporte.”

Tous, nous sommes attachés comme des sangsues à nos privilèges et à nos acquis tout en jalousant quotidiennement l’assiette du voisin. Malheureusement, l’argent ne tombe pas du ciel. Ces privilèges ne sont pas gratuits. L’État grossit ainsi à chaque nouveau cadeau accordé. Il vote une dépense nouvelle et souvent une taxe équivalente pour la financer. Comme la majorité des Français ne voit pas beaucoup plus loin que le bout de son nez, elle ne perçoit pas que ce système lui coûte in fine plus cher qu’il ne lui rapporte.

À ces acquis individuels, viennent se greffer des exigences communautaristes qui au fil des décennies ont obtenu des financements publics parfois colossaux. Le premier d’entre eux est la prise en charge de toute la misère du monde. Au non d’une pseudo-bonne conscience, la France a laissé ouvrir grand ses frontières et se créer des aides sociales accessibles à tous. Autrement dit, elle exporte à ses frais au reste de la planète son si cher modèle social. Quand on sait par exemple que n’importe quel clandestin sur le sol français peut bénéficier d’une couverture santé grâce à l’AME, on peut conceptualiser aisément l’effort financier nécessaire pour tout le pays.

“La France est assise sur des milliards d’euros d’épargne qui peuvent demain alimenter la machine étatique.”

Mais ces exigences communautaristes s’expriment également à de multiples niveaux dans les domaines culturel, éducatif, sécuritaire, sanitaire ou associatif et viennent grever chaque jour un peu plus les budgets publics. Il ne s’agit ni plus ni moins de nos fameuses « luttes contre » et « sensibilisations pour ».

Certes, cette nouvelle dégradation est embêtante. Mais elle n’est pas dramatique. La France est protégée par la BCE et l’euro (aucune hausse des taux ou attaque spéculative enregistrée après l’annonce de S&P). La France est un pays riche encore entretenu par ses réussites passées (patrimoine, infrastructures, industries, etc.). La France est assise sur des milliards d’euros d’épargne qui peuvent demain alimenter la machine étatique.

À court terme, la France n’a rien à craindre. La perspective « stable » de la nouvelle note française de Standard & Poors confirme ce jugement. À plus long terme, c’est une autre histoire car si le déclassement de l’économie française est lent, il est bien réel et se mesure à travers une multitude d’indicateurs : baisse de la croissance potentielle, réduction de la capacité d’investissement des entreprises, contraction des parts de marché à l’exportation, fuite des talents et des capitaux, hausse du chômage, accroissement de la pauvreté, explosion de la dette publique, etc. Surtout, et c’est probablement ce qui est le plus inquiétant, ce déclassement est accepté par une majorité de Français qui s’est résignée au système établit et privilégie le statu quo aux réformes douloureuses.

“Aucune alternative politique sérieuse à l’hyper-étatisation du pays n’existe. Tous les partis, de gauche comme de droite, sont gavés à l’interventionnisme débridé.”

Corolairement, aucune alternative politique sérieuse à l’hyper-étatisation du pays n’existe. Tous les partis, de gauche comme de droite, sont gavés à l’interventionnisme débridé.

La nouvelle note de Standard & Poors ne fait que rendre compte de ces réalités. Un peuple vertueux et libre se réveillerait avant qu’il ne soit trop tard ! Il est malheureusement à craindre que, tellement drogué à la « subventioïne » étatique, le peuple français ne ressente plus grand-chose !

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25 Comments

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  • 0 / 10
  • Balou , 13 novembre 2013 @ 14 h 30 min

    Et alors ?
    Est-ce une raison pour ne pas se renseigner, lire et réfléchir ? Vous êtes un site libéral, du moins vous croyez l’être… Fort bien, mais le libéralisme n’est jamais qu’un point de vue humain, trop humain peut-être, ce qui le rend fragile… À cet égard, je citais Michéa, mais je pourrais aussi vous proposer de lire Stiglitz, Polanyi, Krugman ou bien Chesterton, Bernanos, Heers, Murray, Généreux, Manin, oui même Manin et Léo Strauss… Et tant d’autres qui, comme Del Corte ou Tocqueville, ont dit beaucoup de choses instructives et prémonitoires sur le libéralisme. Si vous parlez seulement d’agir et de penser, tout le monde “normal” se dira libéral. Le problème, c’est que le Libéralisme n’a rien à voir avec ça. Xavier Martin a bien montré d’où sortait cette idéologie et son ardent, obsessionnel désir de refaire l’homme. Je vous conseille également ses livres, autant que ceux d’Arendt.
    Avec mon soutien et mes respectueux sentiments pour votre travail, et celui de votre équipe.

  • Eric Martin , 13 novembre 2013 @ 14 h 45 min

    Qui vous dit que nous ne lisons pas. Je ne critique pas le fait que vous soyez anti-libéraux, ayez juste conscience que lorsque vous surfez sur NDF.fr, vous surfez sur un site qui défend les libertés et la responsabilité, et sûrement pas l’étatisme, la démagogie, le clientélisme, les politiques anti-famille, le mondialisme, etc.

  • Catoneo , 13 novembre 2013 @ 15 h 36 min

    Notre ami Charles prend beaucoup de place et fait du hameçonnage mais ce n’est pas moi le modo. Simplement, il me gonfle.
    Oui, tous les pouvoirs qui ont surchargé la barque de la Nation ont été élus. Bien des auteurs savants l’ont déjà dit, la démocratie produit de la médiocrité (au sens de moyenne) par construction du procédé de choix retenu. Si s’ajoute au principe général une distorsion dans les scrutins visant à bétonner les accès aux différents niveaux de pouvoir au bénéfice des prébendiers déjà agrippés à la mangeoire, on produit de l’endogamie et de la consanguinité.
    La France est malade des tares qui s’abattent sur sa classe politique. Il ne faut pas s’étonner de la stérilité (presque unique au monde) de la pensée politique des politiciens en cour. Ils ne sont ni capables d’inventer un Projet pour ce pays qui entraînerait une fois encore la nation, ni même capables de réparer le moindre dommage au simple motif qu’ils ne veulent pas être accusés à raison.
    Cette oligarchie politique intellectuellement sous-calibrée est le pire blocage.

  • abramovitch , 13 novembre 2013 @ 17 h 07 min

    Je suis en parfaite osmose avec cet exposé,car en effet excepté le général de Gaulle,je considère que tous les Présidents depuis Valérie Giscard d’Estaing,sont responsables à divers niveaux de l’état catastrophique dans lequel se trouve la France.Notre pays ne fait que s’enfoncer chaquefois un peu plus,mais je ne pense pas qu’il faille accuser le citoyen lambda du fait de son vote de citoyen.J’ai approuvé le général de Gaulle lorsque celui-ci disait des français qu’ils étaient de véritables veaux.J’y ajouterai que pour la plupart le vote n’est qu’une simple formalité dont il faut se débarasser au plus vite.Comment d’autre part,savoir que celui pour lequel l’on votera,saura se comporter comme un père de la nation que tous aimeraient soutenir.Tous les élus cités en supra n’ont cherché que leur propre intérêt, se remplissant les poches sans la moindre retenue et sans la moindre honte.Il faut appeler un chou,un chou.

    Le seul moyen qui devrait permettre à notre pays de redorer son blason et retrouver certaines couleurs,serait que des personnages trés expérimentés,choisis pour leur honnêteté et pour leur sens de l’éthique,puissent unir leurs compétences,afin d’imaginer de nouvelles règles de gouvernance pour notre pays,tout en prévoyant que celui qui sera l’élu,n’aura pas l’omnipotence de nos présidents actuels.Il faut que soit mis en place un véritable contre-pouvoir qui sécurisera le peuple dans sa forte majorité.Notre système actuel est trop permissif et ne permet qu’à une minorité issue de tous les bords de se partager en toute impunité ainsi que leurs proches, la quasi totalité des richesses.

    Notre système social actuel a permis la naissance toutes sortes de parasites,protégés par un système judiciaire proche de celui des républiques bananières.La moindre affaire litigieuse nécessite chez nous, des années sans qu’au bout n’apparaisse un véritable résultat.Est-il normal que plus de 20 années aprés une faillite retentissante,le credit Lyonnais doive encore être secouru.Qu’un Cahuzac pour ne citer que lui, puisse nous narguer avec suffisance?Que nous nous rendions compte au compte goutte,que chaque instance de notre pays,regroupant associations et syndicats,cumulent des milliards d’euros qui permettent à leurs dirigeants de vivre comme d’authentiques nababs.Est-il normal qu’un Président,logé gratuitement par la famille d’un potentat arabe,soit aussi logé gratuitement par l’état alors qu’il dispose de ses biens immobiliers et qu’il perçoit une retraite et des avantages à nous faire palir.C’est bien là, un coup de pied au bas des reins de tous ces milliers de miséreux qui viennent chaque jour gonfler les rangs de la pauvreté.

    Aujourd’hui un crooner de 90 ans,se sachant inatteignable et protégé par une Suisse un peu plus affaiblie,n’a pas hésité à dénoncer dans notre presse que dans les années 70 il graissa la patte de bons nombre de politiciens de tous bords confondus,afin d’échapper aux exigences de notre fisc.Le backchich n’existe pas que dans les pays arabes?Avec cela pas de jaloux?Ce monsieur qui fut un temps français,car s’agissant de notre Charles Aznavour,attend d’être aux portes des ténèbres,pour cracher son venin,lui qui sut passer au travers des mailles de notre justice si complaisante.Ne savait-il pas alors que corrompus et corrupteurs sont tous les deux des justiciables,donc,passibles de la justice?

    Dans un autre régistre aussi peu reluisant,la France dont le chomage des jeunes atteint plus de 26%,vient à son tour d’être assistée,ce qui lui a fait perdre aprés son triple A,sa superbe qui lui vaut de critiquer des nations qui s’en tirent mieux que nous,l’Allemagne,l’Amérique,rien que cela.Cette manne aux relents nauséabonds et peu digeste,pour ceux qui conservent de la dignité,est à mettre en parallèle avec les sommes que nous dilapidons pour chasser le terrorisme à l’extérieur,alors qu’il se nourrit chez nous.

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