L’Europe, un « espace de démocratie », qu’ils nous racontent !

J’ai peu de sympathie pour les indépendantistes catalans, eux qui s’acharnent à disloquer par tous les moyens une des plus vénérables nations européennes. Cependant quand j’apprends que la justice belge, obtempérant docilement à un « mandat d’arrêt européen » émis par le gouvernement espagnol, a d’ores et déjà placé en garde à vue Puigdemont et ses acolytes en vue de procéder ensuite éventuellement à leur extradition, je me pose quelques questions. Comment l’Europe « démocratique », celle qui accueille à bras ouverts des réfugiés politiques (ou prétendus tels) venus des quatre coins du monde, peut-elle envisager dans le même temps de livrer sans sourciller des réfugiés politiques européens à l’état européen qui les réclame ? Car Puigdemont et sa bande, quoi qu’on puisse leur reprocher, n’ont pas commis de crimes de sang, ne sont pas accusés de corruption ou de viols de petites filles, mais sont bel et bien des réfugiés politiques en butte à une répression de nature politique. Exactement comme les opposants à la politique algérienne du Général de Gaulle, lesquels étaient à l’époque allés s’abriter en Suisse, en Belgique ou en Espagne, étaient des réfugiés politiques à qui, en ce temps-là, il paraissait parfaitement normal et légitime d’accorder le droit d’asile.

Un autre cas m’interpelle, celui de Marine Le Pen, dont l’immunité parlementaire vient d’être levée, le mercredi 8 novembre dernier, par un vote du bureau de l’Assemblée Nationale. Vais-je, sur le mode de la rengaine, entonner à nouveau le couplet que je viens déjà de prononcer à propos de Puigdemont ? Marine Le Pen, laquelle n’a pas de sang sur les mains, Marine Le Pen qui n’a pas violé des petits garçons, Marine Le Pen qui n’a pas braqué des banques, etc., etc. ? Alors, pourquoi donc se voit-elle ainsi arbitrairement privée de cette garantie démocratique prévue par la Constitution de la République afin que, sur tous les sujets qui concernent la vie du pays, puisse être assurée pour chaque député, en particulier pour ceux qui appartiennent à l’opposition, une totale liberté d’expression ? Pourquoi se voit-elle privée d’une disposition destinée à empêcher que l’on puisse se saisir de n’importe quel prétexte pour bâillonner un élu du peuple qui entend remplir consciencieusement son rôle d’élu du peuple ? Eh bien le seul crime de Marine Le Pen, c’est d’avoir, le 16 décembre 2015, sur son compte Tweeter, publié trois photos pour illustrer la barbarie des crimes de Daesh et pour répondre ainsi à ceux qui s’étaient cru autorisés à assimiler le parti qu’elle dirige à l’Etat Islamique. A la suite de cela elle s’était retrouvée inculpée par la justice pour « apologie du terrorisme ». On croit rêver !

Pourtant, la veille même du 8 novembre, le mardi 7 novembre, on avait pu assister à l’Assemblée Nationale à un numéro étonnant et très bien préparé. Richard Ferrand, le chef des députés « En Marche » avait interpellé le Premier ministre au sujet de menaces pesant contre Charlie-Hebdo et la liberté d’expression. Son interpellation avait été saluée debout par les parlementaires qui l’avait applaudi à tout rompre. Puis Edouard Philippe lui avait répondu et avait déclaré solennellement :

« La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose, en son article XI : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. » […] Parce que nous sommes attachés, en France, à cette déclaration, nous sommes attachés à cette liberté fondamentale qu’est la liberté de penser, de s’exprimer, et aussi, mesdames, messieurs, de caricaturer. Nous avons tous fait l’objet de caricatures. Il arrive que nous les trouvions plus drôles quand elles concernent les autres ; il arrive que nous ne les trouvions pas drôles ; il arrive même que nous puissions les trouver choquantes, car c’est l’objet de la caricature que de choquer. Qui peut affirmer ici que toutes les caricatures publiées par des journaux satiriques l’ont convaincu ? Probablement peu de gens. Et pourtant, chacun sait ici que cette liberté de caricaturer est essentielle et que nous devons la préserver, comme nous devons protéger tous ceux qui, au nom de cette liberté de caricaturer, seraient menacés. […] On ne peut pas, dans notre pays, mettre impunément en cause la liberté de penser, de s’exprimer et même de caricaturer.»

De bien belles paroles et qui ont suscité sur tous les bancs des applaudissements nourris ! Mais que penser de tous ces braves gens qui un jour applaudissent à tout rompre Ferrand et Philippe quand ces derniers proclament qu’il faut défendre avec intransigeance ce bien si précieux qu’est la liberté d’expression pour tous les citoyens et qui le lendemain même votent la suspension de l’immunité parlementaire de Marine Le Pen pour avoir prétendument abusé de sa liberté d’expression ? Que ce sont des gens inconséquents, qui font exactement le contraire de ce qu’ils disent ou que sont de viles hypocrites qui ne cherchent qu’à abuser l’opinion en s’affichant dans des postures avantageuses ?

André Pouchet, le 11 novembre 2017

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