Dieudonné : hommes et femmes de loi dénoncent les méthodes Valls comme un danger pour la démocratie

Après la sinistre farce judiciaire du jeudi 9 janvier, véritable putsch administratif où la France vit également à l’œuvre et en temps réel le mépris cynique de Manuel Valls pour les droits de défense de l’accusé (une des règles démocratiques suprêmes que Valls écrasa de sa botte dans sa hargne désespérée à faire interdire le spectacle de Nantes), le ministre de l’Intérieur et « son » juge unique du Conseil d’État Bernard Stirn sont massivement exposés par nos hommes et femmes de lois comme des dangers pour la démocratie et l’État de droit.

Nombre d’entre eux et non les moindres, jugeons-en ici, soulignent comment ces deux individus, sous couvert de « lutte contre l’antisémitisme », sont en train de brutaliser nos institutions et violer à la hussarde nos traditions libérales (adieu Arrêt Benjamin), droits civiques et libertés républicaines les plus fondamentales : parole, réunion, assemblée, libre circulation, etc. Ce qui fait quand même beaucoup en quelques semaines.

Et ce en tentant en plus de régimenter les pensées et les consciences par de vieilles et grossières stratégies d’intimidation estampillées CRIF et LICRA (« Tu DOIS haïr le monstre Dieudonné et rejoindre la meute pour crier avec les loups, sinon, tu es toi aussi un… ANTISÉMITE !!! »).

Florilège non-exhaustif et en augmentation quotidienne :

La LDH, la Ligue des Droits de l’Homme, la référence en la matière, s’alarme de la construction d’un « cadre juridique lourd de conséquences pour la liberté d’expression ». Agnès Tricoire, avocate et représentante de la LDH, déclare sur BFMTV : « Il n’y a plus de possibilités d’interdire les spectacles depuis le début du 20e siècle, et c’est une progression en matière de liberté dont la France doit s’honorer. Alors, régresser et proposer une interdiction alors qu’un spectacle pose problème […] semble à la Ligue des Droits de l’Homme être une régression qui n’est pas souhaitable […]. » Et dans une autre interview BFMTV : « Nous n’avons pas la preuve par le Ministère de l’intérieur que le spectacle que va jouer Dieudonné contient les propos antisémites. Nous somme contre le principe d’interdiction préalable parce que c’est un précédent inadmissible pour les libertés fondamentales. »

Notons au passage que c’est la LDH qui elle aussi avait fait condamner Dieudonné lors de son spectacle au Zénith avec Robert Faurisson, et que dans cette même interview, Agnès Tricoire dénonce violemment Dieudonné comme antisémite récidiviste. La LDH est donc difficilement suspecte de laxisme sur ces sujets ou sur l’humoriste.

L’avocat de Dieudonné, Jacques Verdier, dénonce la façon abjecte, inadmissible, anti-républicaine dont Valls viola les droits à la défense dans sa manœuvre nantaise, entre autre en l’empêchant de se rendre à Paris pour défendre son client, ce qui ressemble fort à un déni de justice. Quand Valls parle de République à chaque phrase pour s’auto-congratuler et flatter son narcissisme sans limite, il faut entendre « République Bananière » (voir ici et ).

Patrick Spinosi, lui-même avocat au Conseil d’État, qui sur France Inter tentait une petite intox’ destinée à faire croire que la décision du juge unique Stirn ne représentait « rien d’exceptionnel » , qu’elle s’inscrivait « dans la continuité » de la jurisprudence du Conseil (décidément, ce CE prend les Français pour des imbéciles), est finalement forcé de reconnaître que, et bien oui, effectivement, jamais en France l’on n’avait interdit un spectacle a priori par décision administrative, et qu’il s’agit donc bien d’une première historique.

« Le Conseil d’État joue son rôle de garant des institutions républicaines : nous sommes dans une période de crise, il n’y avait plus moyen d’arrêter ce personnage et le Conseil aurait difficilement pu désavouer le ministre de l’Intérieur, admet Serge Slama, maître de conférences en droit public à l’université d’Évry. En revanche, nous allons regretter cette jurisprudence qui restreint les libertés au nom de la déclaration des droits de l’homme et de la tradition républicaine. » Slama reconnaît donc aussi à demi-mots (première partie de la citation) que le Conseil a été forcé, s’est senti obligé, etc., de prendre la décision voulue par Valls.

Le Syndicat de la magistrature, par la bouche de son secrétaire général Éric Bociarelli, s’alarme également de cette décision qui constitue un « revirement de la jurisprudence » et risque de mettre à mal la liberté de parole, et pas seulement pour l’humoriste.

Anne Baux, présidente de l’Union syndicale des magistrats administratifs, est elle aussi choquée par la façon dont Valls se comporte avec nos institutions : « Je n’ai jamais vu ça, ça ne s’est jamais fait car pour qu’il y ait procédure contradictoire devant le Conseil d’État la requête du ministre doit être communiquée au défendeur » pour qu’il puisse préparer l’audience. « Même en droit électoral on ne juge pas aussi vite. »

L’avocate Anne-Constance Coll sur BFM TV explique concrètement comment le binôme Valls-Stirn rendit impossible la défense de l’accusé, déjà difficile en Conseil d’État dans des circonstances normales.

Pierre-Olivier Sur, le tout nouveau Bâtonnier du Barreau de Paris, se demande sur France Inter pourquoi on a soudain un ministre de l’Intérieur, donc l’exécutif, en train de piloter directement de A à Z une procédure de justice qui devrait relever de la ministre Christiane Taubira. Une question à laquelle le binôme ferait bien de répondre, et vite, tant il devient évident que les manœuvres de Valls aboutissent (certains diront visent) à court-circuiter la justice et menacent la séparation des pouvoirs. Comme on le constate chaque jour au rythme d’une interdiction de spectacle après l’autre, sa stratégie d’évitement du judiciaire a remplacé celui-ci par des pures décisions administratives, prises qui plus est dans la hâte et sous d’énormes pressions, par des maires, des préfets ou des conseillers d’État infiniment plus contrôlables, voire directement nommés et promus par Valls en personne (les préfets), ou des élus PS (maires) etc..

“Dans la conjoncture actuelle et face aux manipulations de Valls et du lobby communautariste dont il est l’homme (maintenant tout le monde le sait car tout le monde l’a VU), la meilleure quenelle à lui envoyer est l’unité nationale de tous contre LUI.”

Sur le plan de la com’ et de la médiatisation de l’affaire, ce remplacement inquiétant du judiciaire (temps long, débats contradictoires, etc.) par l’administratif (temps raccourci à l’extrême, un préfet ou un seul juge) à la botte de l’exécutif (Valls lui-même) se traduit donc logiquement par l’omniprésence médiatique de Valls et l’absence totale de Taubira, qui devrait pourtant être celle qui pilote l’affaire, comme le rappelle le Bâtonnier en s’interrogeant sur ces développements étranges, nouveaux, que tous constatent.

La dangereuse invention d’un nouveau concept : « l’atteinte à la cohésion nationale »

La dernière citation est capitale et pour cette raison nous l’avons gardé pour la fin. Elle doit être lue, relue et surtout méditée pour ses conséquences possibles, son potentiel, ses implications.

Diane Roman, Professeur de Droit public, souligne en effet comment le juge Stirn introduit un concept nouveau, bizarre et surtout très inquiétant : celui d’« atteinte à la cohésion nationale », le genre d’ alibis et pseudo-justifications utilisés dans les dictatures contre les opposants et dissidents. On imagine en effet facilement comment ce pseudo-concept mou, flou, et surtout extensible à l’infini ouvre grand la voie à l’arbitraire le plus total et à des formes nouvelles d’autocratie soft ou moins soft. Car on peut invoquer cette notion pour interdire à peu près tout et n’importe quoi  sous prétexte que cela « menace la cohésion nationale » : partis politiques, associations militantes comme les Indivisibles ou les Indigènes de la Républiques, idéologies, propos et discours « radicaux », manifestations, etc. Toutes choses et pratiques clivantes qui en introduisant des lignes de fracture et des divisions politiques, idéologiques ou autre dans la société, peuvent « menacer la cohésion nationale » et la menacent effectivement.

Quand des militantes Femen se rendent à moitié nues, poitrines à l’air, mimer dans des églises des avortements assorties d’urinations publiques devant des fidèles catholiques, quand elles commettent de façon répétée des actes de vandalisme sur des édifices religieux, s’en vantent et promettent de continuer, ou quand elles ouvrent un « centre d’entraînement » à Paris en se présentant ouvertement comme des « terroristes pacifiques », curieusement, on n’entend plus les discours pontifiants de Valls sur « la violation des consciences par l’ignominie ». Comme quoi, certaines consciences méritent plus que d’autres la protection de l’État. L’Affaire Dieudo’ montre aussi comment Valls est le ministre de l’Hypocrisie et du deux poids, deux mesures. Par contre, dans sa propre logique et celle de Stirn, on se demande ce que les actions-commando des Femen  peuvent bien produire en terme de « cohésion nationale » (!). On aimerait qu’un journaliste, un jour, une fois, ait le courage de poser ces questions à Valls et à Dreyfus Junior.

La cohésion nationale, c’est en fait le monde d’Orwell, 1984, qui en est le plus parfait exemple. Là, oui, pour le coup, il y a bien « cohésion nationale », sous l’œil de l’État Big Brother, toute parole, acte ou pensée dissidente jugée dangereuse étant immédiatement criminalisée et punie.

Sauf que chez Orwell, au moins, on attend que ces actes ou paroles aient lieu. Alors que Valls et Stirn n’ont même pas cette patience et assument simplement qu’elles auront lieu. « On le sait car il l’a déjà fait dans le passé », donc autant interdire sans perdre de temps des « crimes » à venir pas encore commis.

Comme quoi il faut changer la proposition : le monde que Valls et les individus à sa botte nous préparent (si on les laisse faire) est pire que celui d’Orwell.

Diane Roman, Professeure de Droit public, déclare : « Aujourd’hui, avec cet arrêt Dieudonné, le Conseil d’État confirme cette jurisprudence. Il va même encore plus loin: pour la première fois, le juge parle d’«atteinte à la cohésion nationale». Qu’est-ce que cela veut dire ? Derrière cette notion, on peut mettre tout et n’importe quoi. Critiquer l’action du gouvernement pourrait très bien être interprété comme portant atteinte à la cohésion nationale. Je ne suis pas du tout en train de défendre Dieudonné, ce n’est vraiment pas mon propos. Je me place sur le terrain du droit. Pourquoi avoir utilisé cette expression ? Le juge aurait pu s’en tenir à la notion d’atteinte à l’ordre public, qui est par ailleurs évoquée. Pourquoi avoir ajouté cette expression curieuse de « cohésion nationale » ? Dans des dictatures, on justifie ainsi l’emprisonnement des opposants du régime. Ce n’est pas la question ici, évidemment. Mais c’est perturbant. Cela va à l’encontre de la conception française de la liberté d’expression. »

Avec ce genre de notions, on pourrait même interdire Valls, lui-même ! Tant ce personnage qui est en train de tomber le masque et de se faire « exploser grave » sur sa propre page Facebook où en quelques jours il s’est ramassé 3 500 quenelles d’opposants, révèle maintenant au grand jour ses tendances autoritaristes, autocratiques, insidieusement et cyniquement manipulatrices, certains diront totalitaires. Valls est un personnage clivant comme peu d’autres, appelant par exemple directement les Français M’Balaphobes à aller manifester contre les dieudonistes au risque de provoquer lui-même des affrontements mettant en danger leur sécurité physique ! Une inconscience irresponsable que d’aucuns qualifieraient de criminelle vu le contexte, et en tous cas du jamais vu chez un Ministre de l’intérieur supposément en charge de la paix civile.

Dans son aveuglement haineux et sa hargne personnelle quasi pathologique contre un homme qui lui résiste et qu’il n’arrive pas à détruire, c’est maintenant notre propre ministre de l’Intérieur, Ministre du Diviser Pour Régner, qui n’hésite plus à jeter lui-même dans la rue Français contre Français, frères contre frères et soeurs contre soeurs. On reste soufflé, surtout quand il vient ensuite nous parler de rassemblement !

Ne tombons pas dans le piège que ce cynique dévoré par l’ambition présidentielle tend à la France, la vieille tactique du bouc émissaire et du diviser pour régner. Dans la conjoncture actuelle et face aux manipulations de Valls et du lobby communautariste dont il est l’homme (maintenant tout le monde le sait car tout le monde l’a VU), la meilleure quenelle à lui envoyer est l’unité nationale de tous contre LUI.

Avant, bien sûr, un beau siège éjectable aux prochaines élections, et sans parachute doré.

> Alain Gabon, Professeur des Universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley et située à Virginia Beach sur la côte est), où il est Maître de Conférences titulaire d’une Chaire en Études Françaises.

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65 Comments

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  • Alain Gabon , 17 janvier 2014 @ 5 h 28 min

    Même dans Causeur, l’avocat qui analyse les développements juridiques ne dit pas autre chose que ce qui est dit ici et reprend même la métaphore Minority Report de l’article précédent que j’avais posté ici sur NdF. Comme quoi les bons esprits de tous bords se rencontrent bel et bien sur cet aspect de l’affaire, qui est l’aspect l’essentiel, car les graines d’autocratie administrative ont bel et bien été semées dans notre appareil juridique avec ces notions de dignité humaine et de cohésion nationale, et elles continueront à germer bien après l’extinction de l’affaire Dieudo :

    http://www.causeur.fr/conseil,25796

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