Chemises à fleurs et cols romains

Dans ses récents mémoires, un curé béarnais, Jean Cazanave, décrit l’apparition de jeunes prêtres qu’il soupçonne de vouloir remettre en cause Vatican II.

Rendant compte de cet ouvrage dans son blog « Catho’lib », René Poujol s’alarme lui aussi de la montée en puissance de ceux qu’il décrit comme des « commandos de la foi qui pensent détenir les secrets de l’évangélisation ».

L’ancien directeur de la rédaction de « Pèlerin magazine » relate le récent souvenir d’une interpellation par un jeune prêtre qu’il décrit comme « ensoutané et colromanisé ». « Dans moins de vingt ans, s’est écrié celui-ci, votre génération aura disparu et nous allons enfin pouvoir reconstruire l’Eglise. »

Il s’appuie sur cet incident pour justifier les inquiétudes de cette génération conciliaire, la sienne, qui se trouve confrontée à ce qu’il qualifie de « radicalité pastorale » de la part d’une nouvelle génération que l’abbé Cazanave décrit comme « plus visible, plus centrée sur les rites et la doctrine, plus respectueuse des règles séculaires ».

« Avec pour perspective, dit pour sa part René Poujol, l’image d’une Eglise de clercs régnant à nouveau sur un petit troupeau de fidèles. »

« Bref, conclut l’ancien journaliste, une image pré-conciliaire. Retour à <l’Eglise de toujours> après une parenthèse erratique ? »

Je suis de la même génération que René Poujol. C’est la raison pour laquelle je comprends pleinement – même si je ne le partage pas – ce qu’il ressent devant l’impatience de jeunes prêtres, mais aussi de jeunes laïcs (la génération de mes enfants, dite “Jean Paul II”), pressés de « reconstruire l’Eglise », soucieux d’un “aggiornamento” qu’il considère comme réactionnaire, comme une remise en cause de ce à quoi l’abbé Cazanave a consacré sa vie. Une impatience qui peut apparaître comme de l’intransigeance.

Je le comprends d’autant mieux que cette confrontation me ramène cinquante ans en arrière. Les jeunes prêtres de l’époque étaient impatients eux aussi de reconstruire l’Eglise. Soucieux de gommer ce qui différencie un prêtre du reste des fidèles, ils n’étaient pas « ensoutanés » ni « colromanisés », mais ils se sont comportés pas moins brutalement, avec pas moins de certitudes de leur bon droit.

Au lieu de prendre le temps d’expliquer ce qu’avaient voulu les pères conciliaires, de comprendre les inquiétudes soulevées par la remise en cause d’habitudes séculaires, au lieu d’écouter les interrogations de fidèles désemparés, ils ont voulu tout et tout de suite.

Certains ont même outrepassé leur mission en refusant la communion dans la bouche (nullement interdite par le Concile), en ridiculisant ceux qui manifestaient leur désarroi, en jetant à la poubelle de vénérables ornements liturgiques ou objets du culte jugés d’un autre temps… Que de chasubles, de crucifix, de prie-Dieu, de statues, de bénitiers ai-je vu à l’époque à la foire à la ferraille et au jambon de Chatou !

J’avais dix-huit ans. Ce fut une période rude. J’ai choisi l’obéissance et n’ai jamais été tenté de suivre des voies schismatiques, qui me heurtaient elles aussi. Mais ce fut au prix d’une grande souffrance, qui fut celle de nombreux fidèles et même de nombreux prêtres.

Cette souffrance, elle est le lot aujourd’hui de ceux qui furent des « désoutanés » et des « colnonromanisés ». Je ne m’en réjouis pas, parce que je considère, aujourd’hui comme naguère, qu’il ne peut être question de vainqueurs ni de vaincus au sein de l’Eglise, que la foi et la ferveur des uns et des autres ne peuvent être mises en doute. Mais peut-être cela amènera-t-il les uns à comprendre qu’ils ont manqué à l’époque de charité et de compassion, les autres à éviter la tentation de se comporter de même aujourd’hui ?

Père Michel Chamard (« CARTE BLANCHE », RCF VENDEE, 12/9/18)

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4 Comments

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  • a.hourquetted'are , 15 septembre 2018 @ 7 h 19 min

    De jeunes clercs devant leurs nombreux fidèles tout simplement.
    Quel bonheur! Des jeunes que le Seigneur a vraiment bien choisi, ils ont des prêches limpides et réconfortants sur les soucis de la vie quotidienne, ils ont l’âge des jeunes couples des paroisses.Ce milieu de vie ( 30 ans, tiens, comme un certain JC) fait qu’ils sont à l’aise avec toutes les générations.
    Aidons les en effectuant toutes les taches nécessaires à une belle liturgie : fleurs, ménage, couture, chorale, orgue, catéchisme, photocopies…etc. Accueillons nos Pères.

  • hermeneias , 15 septembre 2018 @ 8 h 26 min

    “la foi et la ferveur des uns et des autres ne peuvent être mises en, doute” ?

    Il faut voir …..Des tentatives de destruction de l’Eglise , de l’extérieur et de l’intérieur , brutales ou insidieuses , il y a eu , il y a et il y aura ….

    On se trompe de combat quand on résume cela à une question d’habit , ou plus largement de “tenue” , alors qu’il s’agit précisément de celui de la FOI qui est toujours contemplative pour être VIVE/vivante

  • Charles , 15 septembre 2018 @ 17 h 17 min

    On juge l’arbre à ses fruits et les fruits de Vatican II ne sont pas reluisants.
    On sait de nos jours que le future Paul VI était homosexuel.
    Des son élection, les gardes suisses virent débarquer une escouade
    de jeunes séminaristes et prêtres en format éphèbe & parfumés, parfaitement repérables.
    Le dernier scandale de la protection papale vis à vis des évêques pédophiles homosexuels
    multi-récidivistes dépasse les bornes de la tolérance et du pardon.
    On ne peut plus cacher les choses comme on le faisait ces 50 dernières années.
    L’accumulations de preuves, de témoignages concordants tout cela rend
    le cas Bergoglio indéfendable et par conséquence remet en question toutes ses positions.

  • tetene , 16 septembre 2018 @ 10 h 31 min

    Voilà comment les catholiques offrent un boulevard a la progression de l’islam salafiste.

    L’histoire est un éternel recommencement et l’humanité rejoue la pièce qui s’est terminée par la destruction de Sodome et Gomorrhe.
    Faut-il réellement défendre cette humanité pervertie et destructrice de son propre habitat??

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