I have a dream

Éditorial d’Éric Martin*

Ce matin, je me suis réveillé et nous n’étions qu’en 2012. Dans mon songe de la nuit, 2041 approchait à grands pas. Ce 10 novembre 2040, le Parlement s’apprêtait à abolir l’avortement, 60 ans après la peine de mort. Les think tanks « Des Valeurs pour l’homme » et « L’Institut pour la Vie », en étroite collaboration avec les fonds de dotation « Vie ma vie » et « It’s MY life », permises grâce à une vieille loi de 2008 (dite « de modernisation de l’économie ») restaient prudents, certes, mais les esprits étaient préparés : depuis plus de 10 ans, chaque député recevait la visite d’un lobbyiste « pro-vie » au moins tous les 6 mois pour le tenir au courant des travaux et des campagnes de sensibilisation à venir. Même les élus « pro-choix » acceptaient de recevoir ces femmes et ces hommes toujours bien vêtus (cravate obligatoire pour ces derniers) car ils avaient le sens de l’humour – un de ces trucs que leur avaient appris les séminaires de niveau 5 de l’IFP, et surtout de bonnes bouteilles avec eux. Une vingtaine d’entre eux avaient même changé d’avis ces dernières années. Comme l’opinion, sensibilisée par des spots TV ultra-consensuels à la réalisation particulièrement léchée rappelant que, d’après les dernières avancées scientifiques, il devenait évident que la vie commençait à la conception. Ou par ces millions de prospectus extrêmement travaillés qui atterrissaient chaque mois dans les boîtes aux lettres des Français. En 2038, avaient eu lieu les dernières élections législatives et une trentaine de jeunes élus formés et acquis aux idées conservatrices – donc « pro-vie » – étaient rentrés au Parlement, majoritairement dans les rangs du Rassemblement pour la France (un parti d’abord souverainiste qu’avaient rejoint un certain nombre de députés après l’explosion de l’UMP en 2016), du Rassemblement bleu marine (l’ex-Front national, rebaptisé en 2014) et du (très résiduel) Centre des démocrates européens. Sans oublier un courageux réformiste, affilié au Parti socialiste européen, qui ne cachait pas en privé, sa volonté de convertir le Parti socialiste au conservatisme. Les leaders de demain ? Peut-être. Avant tout, des femmes et des hommes qui feraient la différence, lors du vote de la proposition de loi « pour la Vie » prévu en janvier prochain quelques jours après la 37e marche pour la vie et ses 130 000 participants…

Au début de l’année, Contribuables associés, plus de 750 000 adhérents au compteur, avait, forte de 35 lobbyistes à plein temps, réussi à faire reculer le gouvernement, qui souhaitait, sous la pression du Parti socialiste européen et de l’aile modérée du CDE, réinstaurer l’ISF, supprimé de haute lutte il y a bientôt 8 ans. « La France a échappé à un grave retour en arrière qui rappelle certaines heures sombres, les années de l’international-étatisme » se réjouissait sur la version holographique de Nouvelles de France Jeanne P., qui avait succédé à Benoîte Taffin en 2021 au porte-parolat de l’organisation libérale. De ses rangs avait émergé en 2018 une formation libertarienne, partenaire du RPF au Parlement dont le rôle avait été décisif dans cette bataille comme dans celle consistant à obtenir, sous prétexte de réaliser des économies, l’interdiction légale des subventions publiques aux lobbies répertoriés ou reconnus de facto. La condition pour mener la guerre culturelle à armes égales avec la gauche…

Autour d’un verre, je disais à Elizabeth M., la présidente de « Vie ma vie » et ma chère épouse dans la vraie vie, mon bonheur de constater à 54 ans que la droite avait fini par comprendre que la question n’était pas d’être pour ou contre les lobbies mais d’en être et de peser plus que les autres (les syndicats, les associations antiracistes, les organisations d’homosexuels militants, les groupuscules féministes révolutionnaires…) pour vaincre. Avec des décennies de retard sur la gauche et au prix d’un réel effort de professionnalisation et de communication, elle avait fini par comprendre et par intégrer le gramscisme et, ce n’est pas un hasard, commencé à récupérer du terrain. Des victoirettes puis des victoires avaient consacré ce qui ressemblait à une offensive du pays réel, ou plutôt de ce qu’il en restait. Lorsqu’il était majoritaire, il ne cessait de reculer. Désormais composé de minorités créatives, il était passé à la reconquête des coeurs et des esprits…

*Éric Martin est rédacteur en chef des Nouvelles de France

Cet éditorial est extrait du n°7 des Nouvelles de France (mai 2012), 4 euros seulement, dont voici le sommaire.

Crédit photo : Angelika Markul.

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2 Comments

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  • Olizefly , 15 mai 2012 @ 10 h 51 min

    Faites-moi signe quand vous passerez du rêve à l’action, j’en suis !

  • Komdab , 15 mai 2012 @ 14 h 40 min

    Sympa !

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