Que fête-t-on le 14 juillet ?

Il est de bon ton de fêter comme il se doit, chaque année, la date du 14 juillet, considérée comme fondatrice de notre République. Nombreux sont ceux qui peuvent profiter de ce jour chômé, au cours duquel l’État français montre sa puissance en organisant un important défilé militaire, les collectivités locales, même les plus petites, organisant de leur côté concerts, bals et autres feux d’artifice pour glorifier l’événement. Il s’agit bien d’un jour de célébration nationale, visant à démontrer la communion des Français aux « valeurs de la République ».

A y regarder de plus près, il semble que cette fête occulte un élément important : que commémore très précisément la France ce jour-là ? Une date anniversaire annuellement célébrée en grande pompe a pour objectif de mettre en lumière un événement majeur, que chacun doit connaître : le 25 décembre commémore la naissance du Christ, le 11 novembre marque la fin de la première guerre mondiale, le 8 mai correspond à la fin de la seconde guerre mondiale etc. Qu’en est-il du 14 juillet ?

Les Français savent généralement que le 14 juillet 1789 correspond à la prise de la Bastille, symbole déclaré de l’absolutisme royal, et que cette date est infiniment importante puisqu’elle traduit donc la fin de l’absolutisme monarchique et le commencement de l’installation de la République en France. Est-ce vraiment la réalité historique?

Dès le printemps 1789, la terreur commence à se développer un peu partout en France : assassinats d’aristocrates, châteaux pillés ou brûlés, fonctionnaires royaux malmenés, cela dans presque toutes les régions de notre pays. Les États généraux, réunis à Versailles, soufflent sur les braises de la révolution qui a démarré. Le 14 juillet, Camille Desmoulins commence à haranguer les promeneurs du jardin des Tuileries. L’attroupement grossit peu à peu, et lorsque la foule lui semble suffisamment nombreuse, Desmoulins la dirige vers les Invalides pour l’armer par des armes volées en masse, puis l’amène jusqu’à la Bastille. La forteresse pouvait résister, mais son gouverneur, fort de la parole des émeutiers accordant la vie sauve à ses défenseurs comme à ses quelques prisonniers, ouvre les portes de la bâtisse. Instantanément, tous les occupants sont sauvagement massacrés, et la tête du malheureux gouverneur promené sur une pique dans un Paris survolté.

Ce funeste jour de violence marque en réalité un tournant décisif dans le processus révolutionnaire. En effet, jusqu’à ce jour, la terreur commençante était le fruit d’acteurs plus ou moins isolés. Le 14 juillet, la violence la plus sauvage prend un tour officiel. Les dirigeants des émeutiers, directement liés aux députés révolutionnaires de Versailles, donnent un signal puissant à la France tout entière : désormais, rien n’arrêtera le processus révolutionnaire, quel qu’en soit le prix en termes de violences et de massacres. D’ailleurs, de grands serviteurs du royaume seront assassinés, à Paris et en province, dès que le massacre de la Bastille aura été connu et glorifié. La mise en place de la Terreur officielle date bien de ce jour, et sera poursuivie par les épouvantables tragédies des années suivantes. Pour aboutir finalement à un Empire autoritaire et guerrier auprès duquel « l’absolutisme royal » apparaît comme un conte sympathique pour enfants sages.

Commémorer le 14 juillet peut donc objectivement poser question, tant sur le plan historique que sur les plans philosophique ou moral. Les Français peuvent estimer que cette date n’est que le symbole de l’unité nationale, et qu’il faut la valoriser, quand d’autres, au nom de la vérité historique, regrettent cette commémoration. Quelles que soient les positions des uns et des autres, il n’est pas contestable que cette sombre journée du 14 juillet 1789 ne fut pas un jour de gloire pour notre pays.

> François Billot de Lochner préside la Fondation de Service politique, Liberté politique et France Audace.

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8 Comments

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  • FRANCK , 15 juillet 2016 @ 1 h 29 min

    et hop, dans le panneau. Et non, on ne fete pas le 14 juillet 1789 mais le 14 juillet 1790, jour de la 1ere fête de la federation.

  • Aristote , 15 juillet 2016 @ 9 h 38 min

    D’accord avec ce commentaire , cependant il me semblait que l’on fêtait principalement la fête de la Fédération de 1790 censée ( sans illusions) être une journée de réconciliation .
    En outre dans beaucoup de familles , surtout après les guerres de 1870 et 1914 , on fêtait en réalité, et non sans ambigüités , l’armée et le pays .

  • Rosme , 15 juillet 2016 @ 10 h 22 min

    Le 14 juillet : Fête Nationale
    La grande majorité des Français pense que la Fête Nationale a été fixée le 14 juillet à cause de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789.
    FAUX !
    Officiellement Fête Nationale depuis 1880, cette date commémore une cérémonie célébrée le 14 juillet 1790 (un an après la prise de la Bastille) : la Fête de la Fédération, sensée célébrer la fin de la révolution et la réconciliation des Français. Celle-ci réunit les gardes nationales du royaume et les délégués départementaux autour de 300.000 personnes. Le Roi, la Reine et le Dauphin étaient présents et acclamés. Une grand messe fut célébrée par Mgr de Talleyrand, alors évêque d’Autun, entouré de 300 prêtres. Après la messe, le marquis de La Fayette, capitaine de la garde nationale parisienne, prêta serment à la Constitution : « à la Nation, à la Loi et au Roi », au nom de toutes les gardes nationales.
    Après cette cérémonie au Champ de Mars à Paris, place au divertissement. Un banquet réunit 22.000 invités dans les jardins de la Muette, suivi d’une grande fête avec bal.
    En 1880, une proposition de loi fut déposée pour que la république adopte comme jour de fête nationale annuelle le 14 juillet 1789. Devant l’opposition des députés, qui trouvaient cette date trop suggestive d’émeutes et de sang, la république adopte comme jour de fête nationale le 14 juillet 1790, une façon de consacrer le régime en le rattachant à l’esprit d’unité nationale. Votée par l’assemblée et approuvée par le sénat, elle est promulguée le 6 juillet 1880.
    A la même époque, la Marseillaise fut adoptée comme hymne national parce qu’elle était un chant militaire et qu’elle convenait à l’esprit de revanche vis-à-vis de l’Allemagne, qui avait battu la France en 1870 et conservé l’Alsace-Lorraine.

  • Parole , 15 juillet 2016 @ 14 h 44 min

    ROYALISTE AVIDEMENT MAIS PAS RÉPUBLICAIN? vous en avez le droit !!

    Quant à moi même la seule royauté devant laquelle je plie le genou , c’est celle du Fils de Dieu et de son royaume , en aucun cas quels qu’autres royaumes asservissants fait de mains d’hommes et de ses nombreux courtisans.

  • Pascal , 15 juillet 2016 @ 15 h 30 min

    Encore un mauvais procès fait à notre fête nationale. Les commentaires qui précèdent disent vrai. Le 14 juillet nous célébrons la fête de la Fédération (1790) et non pas la prise de la Bastille (1789). Quant à la République, elle n’adviendra que le 22 septembre 1792.

    « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. » ( Marc Bloch, L’étrange défaite).

  • FRANCK , 15 juillet 2016 @ 15 h 36 min

    bien vu, pascal. Meme si je ne suis pas “fan” de la revolution française (matrice ideologique des totalitarismes du 20e siecle), marc bloch a raison

  • V_Parlier , 19 juillet 2016 @ 17 h 35 min

    Si on ne fête pas le 14 juillet 1789, alors pourquoi les anglophones appellent-ils cette fête le “Bastille day”?

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